Durant l’année 2021, on a enregistré 1.047 inscriptions au Conseil national de l’ordre des médecins, contre 975 médecins qui ont préparé un dossier de départ à l’étranger.
En Tunisie, le nombre de médecins actifs est estimé à environ 14.000, soit un peu plus d’un médecin pour 1.000 habitants. Ce chiffre est considéré assez faible par rapport à l’Europe et l’Amérique du Nord, où on compte entre 3 et 4 médecins pour 1.000 habitants. Mais par rapport aux pays en développement, il est jugé globalement acceptable. Et donc, durant ces dernières années, le principal problème en Tunisie n’était pas la disponibilité d’un nombre suffisant de médecins, mais leur répartition géographique dans les différents gouvernorats du pays où, dans certaines régions, on enregistre un manque cruel de médecins, toute spécialité confondue. Voilà en quelques mots le constat dressé par Dr Hatem El Ghazel, directeur du laboratoire de génétique à l’hôpital militaire de Riyad en Arabie Saoudite, dans une note publiée sur sa page officielle Facebook.
700 médecins doivent être formés chaque année
En abordant ce sujet, Dr El Ghazel n’a pas caché son inquiétude face à un système de santé qui s’essouffle, extrêmement morcelé et très centralisé et qui pourrait, dans un futur proche, souffrir d’une pénurie en ressources humaines, en dépit d’une crise sanitaire sans précédent qui n’épargne aucun pays.
«Je ne vais pas entrer plus dans les détails en ce qui concerne ce déséquilibre géographique, mais derrière, se cache un problème plus grave ; c’est le déséquilibre et la défaillance totale qui se reproduiront, une fois on n’arrive pas à préserver cet acquis, qui est d’un médecin pour 1.000 habitants. Pour éviter ce scénario, il faut former annuellement un nombre suffisant de médecins pour remplacer les médecins qui partent à la retraite et qui sont au nombre de 500 environ chaque année, et ce nombre passera à 900 médecins retraités par an dans les années à venir. De plus, pas moins de 200 médecins doivent être ajoutés annuellement pour répondre à la croissance démographique. Et donc, au total, 700 médecins doivent être formés chaque année», a-t-il expliqué.
Dans le même sillage, Dr El Ghazel a ajouté qu’environ 900 médecins sont diplômés des facultés de médecine en Tunisie chaque année, et donc, en théorie, on est sur la bonne voie pour maintenir ce taux, avec un “excédent de production” de 200 médecins supplémentaires par an qui peuvent être préparés pour “l’exportation”. Mais ce qui a renversé la donne et changé l’équation aujourd’hui, c’est l’hémorragie sévère de la fuite des cerveaux que connaît le pays depuis des années dans le domaine de la santé et qui n’aide pas à améliorer la situation puisque le nombre des médecins qui quittent le pays ne cesse d’augmenter d’une année à une autre.
La réforme impossible !
En effet, selon les chiffres officiels, durant l’année 2021, pas moins de 975 médecins ont préparé un dossier de départ, contre 1.047 inscriptions au Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom). Par ailleurs, chaque année, pas moins de 500 médecins quittent le pays, ce qui a dépassé largement l’excédent de production “destiné à l’exportation”… On n’a jamais eu une telle tendance dans les chiffres !
«Si ce déséquilibre persiste, et il n’y a aucune raison pour qu’il ne perdure pas aujourd’hui, on va assister, dans les années à venir, à une baisse accélérée du ratio de médecins pour mille habitants. Et le problème du manque de médecins dans certains gouvernorats se transformera en un problème général. Le résultat ; après dix ans, on va passer d’un pays qui recevait les patients de ses voisins pour se faire soigner à un pays dont les patients voyagent à l’étranger pour se faire soigner… Avec chaque année qui passe sans mettre en place une stratégie efficace pour remédier à cette situation, on se rapproche de plus en plus de l’impossibilité de la réforme», a-t-il regretté.
Et donc, encore une fois, la sonnette d’alarme a été tirée sur le départ massif de nos médecins à l’étranger. Il est vrai que les Tunisiens restent les premiers à réussir en comparaison aux autres nationalités (marocaine ou algérienne). Mais même si on a une bonne médecine, ce départ massif des médecins et cette mauvaise répartition géographique auront un impact important étant donné qu’actuellement, il y a un déficit en techniciens d’anesthésie et d’infirmiers… Et cette situation va se compliquer davantage avec un pays en pleine crise économique, sociale, politique et sanitaire. D’où l’urgence de mettre en place un plan national pour sauver le secteur de la santé.