Le monde de l’art est en train de changer de centre et de focus. Jadis entièrement concentré en Occident, il s’est déporté vers le Moyen-Orient où naissaient un intérêt certain, de nouveaux musées et une nouvelle classe de collectionneurs. Puis on le voit aujourd’hui prendre pied en Afrique.
Investec Capetown Art fair, émanation de la foire de Milan, se développe depuis bientôt dix années, et prend de plus en plus d’importance et de consistance sur le continent africain.
Foire internationale et non exclusivement africaine, elle attire de plus en plus de galeries internationales et offre désormais une plate- forme de rencontre pour les artistes africains et le reste du monde.
Cette année, et pour la deuxième fois, une galerie tunisienne participait à cette foire et présentait une sélection d’artistes tunisiens : la galerie Gorgi.
Aïcha Gorgi est née dans le sérail.
C’est dans la galerie de son père qu’elle a appris à marcher, persuadée que tous les membres de l’Ecole de Tunis, qui y avaient leur place à table, étaient ses oncles. Ce qui n’était pas faux d’ailleurs, la fraternité artistique étant la plus durable.
Ce qui lui permit aussi d’affûter son regard, de développer la justesse de son instinct, d’affirmer ses orientations, et d’imposer la pertinence de ses choix.
Découvreuse se de talents, audacieuse, professionnelle, elle a créé autour d’elle un groupe d’artistes et une classe de collectionneurs qui font confiance totale à ses choix.
C’est elle la première qui a exposé un ensemble d’artistes africains dont la plupart sont aujourd’hui célèbres internationalement.
C’est elle, quand les autres galeries regardaient ailleurs, qui a choisi, pour la deuxième année consécutive, de présenter les artistes tunisiens à Investec Cape Town Art fair.
«J’ai choisi de n’exposer que des artistes tunisiens, de différentes générations et de notoriétés différentes. J’ai privilégié comme support la photographie. Je voulais donner la visibilité qu’ils méritaient à nos artistes. Notre démarche artistique « nord-africaine », car nous sommes aussi africains, et perçus comme tels dans cette foire, est différente, plus conceptuelle peut-être, plus complexe. Nos artistes sont davantage dans l’introspection. Dans leur démarche, il y a une histoire, un langage, des problématiques émotionnelles qui aboutissent à un langage plastique et qui font la différence. Cela a été compris et particulièrement apprécié du public».
Ont donc cohabité sur le stand de la galerie Gorgi, en toute cohérence, Meryem Bouderbala, habituée des expositions internationales, et le jeune Aymen Mbarki qui présentait une série de dessins réalisés sur de vieux cahiers, réécrivant ainsi son histoire.
Également présent Doureid Souissi dont les photos, restituant un univers de calme silence, font partie des collections de l’IMA.
Nouvellement arrivée, Nageh Zarbout, originaire des îles Kerkennah, présentait un triptyque, travail de papier découpé trahissant la fragilité de cette artiste de l’insularité.
Ainsi que Béchir Tayachi, artiste travaillant sur la problématique du corps, génération Snapchat, Twitter, et Instagram, pour lesquels le monde n’a pas de limites géographiques, et ne saurait en aucun cas être uniquement «arabo-musulman».
Habituée des expositions et des foires, Héla Ammar présentait sa superbe série sur les odalisques.
Malgré les restrictions encore en cours lors de la foire, l’adhésion a été forte et le public nombreux.
Quelques chiffres pour cette neuvième édition d’Investec Capetown Art Fair : 90 galeries de 20 pays différents. 300 artistes exposés et 23.000 visiteurs.
La Tunisie y a été dignement représentée.