La Tunisie célèbre aujourd’hui, avec des trémolos dans la voix, le 66e anniversaire de l’Indépendance. En plus du doute et de l’incertitude qui planent sur l’avenir du pays, une note de déprime générale caractérise cet anniversaire. Tous les clignotants, qui sont au rouge à cause de la situation politico-financière et sociale qui prévaut dans le pays, ont ôté à la fête toute manifestation de joie. Jamais les Tunisiens n’ont été aussi malheureux pour célébrer une occasion traduisant la résistance du peuple tunisien au colonialisme français, les sacrifices consentis pour la libération, la consécration de la souveraineté et l’édification de l’Etat national. Qui aurait imaginé qu’après 66 ans d’indépendance, les Tunisiens seraient confrontés à une situation délétère pareille ? Le pays est en butte à une terrible épreuve, à un moment de gravité. Les combats sont sur tous les fronts mais c’est le citoyen qui encaisse et se fait tordre la laine sur le dos.
D’un pays où il faisait bon vivre, la Tunisie s’est transformée en dix ans en un pays où il est plus facile de mourir que de vivre.
Cette décennie noire durant laquelle les politiciens qui se sont succédé au pouvoir nous ont creusé les tympans par des discours pompeux et des promesses sans lendemain sur les acquis de la révolution, nous ont non seulement légué un pays en ruine après une destruction massive de son tissu économique et après avoir spolié ce qui reste de ses richesses, mais aussi c’est la vie des citoyens qu’ils ont mise en péril. Pénurie de farine, de semoule, d’huile, coupure d’eau et d’électricité, prélèvement sur les pensions des retraités, retard dans le paiement des salaires, manque de médicaments…les signes d’une crise de trésorerie sont évidents et ne font que doubler souffrance et désespérance.
Conscientes de ce mal-vivre, les jeunes générations ont commencé à prendre la poudre d’escampette.
En effet, les statistiques sur les départs des Tunisiens à l’étranger ou sur les intentions d’émigration des autres parmi nos hauts cadres, ingénieurs, techniciens et médecins, sont à couper le souffle. Hormis les milliers de jeunes qui prennent le large sur des embarcations de fortune et dont la mer nous rejette les corps chaque jour, le taux de suicide pour ceux qui n’ont pas eu la force de quitter le pays frôle des seuils inquiétants. D’autres, livrés au désespoir, se jettent dans les bras des terroristes et meurent dans des attentats perpétrés en Tunisie ou dans des zones de conflits.
Les espoirs fondés sur la réussite de la transition démocratique, le succès des élections et la stabilité des institutions politiques se sont vite dissipés.
Du coup, les promesses d’une reprise économique et de stabilité sociale ont volé en éclats. La pandémie a accentué la descente aux enfers avec des milliers de morts, alors que le navire Tunisie est à la dérive. Soixante-six ans après, on ne reconnaît plus notre pays. Rendez-nous notre Tunisie !