
«Chaque œuvre constitue ainsi une mémoire qui ne sera plus manipulée par le pouvoir politique, mais seulement appropriée par la puissance artistique».
Les cimaises de la galerie «Le Violon Bleu» accueillent, depuis le 24 mars 2022, l’exposition personnelle «Between two Memories» (Entre deux mémoires) du sculpteur iraquien Mohamed Ghassan.
Installé en Tunisie depuis 1998, l’artiste est né en 1972 à Bagdad. En 1996, il obtient son diplôme en art plastique, spécialité sculpture, de l’Ecole des Beaux-Arts de Bagdad. Deux ans après, il quitte l’Iraq pour la Tunisie où il poursuivra ses pérégrinations artistiques. Il obtient un master de recherche à l’Ecole des Beaux-Arts de Tunis en 2011. En 2012, il expose pour la première fois en solo à la galerie Kalysté à Tunis. Depuis, l’artiste ne cesse de prendre part à différentes expositions collectives et autres manifestations artistiques sous nos cieux et au-delà.
Comme le suggère son titre, «Entre deux mémoires» met au jour les traces d’un trauma lié à un douloureux chapitre de la vie de l’artiste : «Une obsession qui a agité l’adolescent durant la guerre du Golfe et dont il conserve des réminiscences douloureuses, à l’image du poids et de la froideur de la Kalachnikoff qu’on lui a confiée, comme on lui confierait un objet de valeur. L’artiste d’aujourd’hui est le produit de l’enfance d’hier, de l’époque où les politiciens se disputaient la Mésopotamie et détruisaient sans vergogne musées, histoires et civilisations», note la commissaire de l’exposition Khadija Hamdi.

Une obsession que l’artiste retranscrit sur la céramique, son matériau de base, en usant de redondances, d’hyperboles et d’allégories : inscriptions répétées jusqu’à l’essoufflement, objet-arme détournée, gommant une partie de sa vie antérieure… C’est par et dans l’art qu’une certaine paix est possible, semble nous dire l’artiste… Une paix qu’il semble avoir reconquise en déconstruisant des images du passé, en recyclant ses réminiscences. On n’efface pas l’histoire, on la fait sienne, on s’en empare, on la dompte et sur cette image, on essaye de se reconstruire. «L’artiste a su donner à des œuvres, en apparence artisanales, une dimension artistique forte, où art et artisanat deviennent les deux faces d’une même médaille. Ce faisant, il procède à l’archivage d’un vécu tourmenté, dénonçant les guerres et tentant de colmater les brèches mémorielles, de combler les nombreuses fissures et de cicatriser les plaies restées béantes. Chaque œuvre constitue ainsi une mémoire qui ne sera plus manipulée par le pouvoir politique, mais seulement appropriée par la puissance artistique», écrit encore Khadija Hamdi.
A vivre jusqu’au 24 avril 2022.