Paysage politique national: Un déchaînement à toute épreuve

• Les Etats-Unis et l’Union européenne reviennent à la charge, appelant «à une réforme globale, transparente et inclusive comprenant partis politiques, société civile et syndicats».
• Les opposants à la dynamique du 25 juillet 2021 se mobilisent «pour sauver la démocratie et faire avorter le coup d’Etat».
• Du côté de la campagne explicative du projet de Kaïs Saïed, on programme le 8 mai prochain «une journée de colère populaire en soutien au Chef de l’Etat».


Et la polémique de battre de nouveau son plein à la lumière de la décision prise par le Président Kaïs Saïed à propos de la révision de la composition de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) qui aura la charge d’organiser, avec sa nouvelle équipe, le référendum programmé le 25 juillet prochain et aussi les élections législatives anticipées prévues le 17 décembre 2022 comme indiqué dans la feuille de route révélée par le Chef de l’Etat.

Entre ceux qui s’opposent à ce qu’ils appellent «la décision unilatérale de restructurer l’Isie qui perdra ainsi son indépendance» d’une part et ceux, d’autre part, qui considèrent que l’Isie avait failli à sa mission de conduire des élections transparentes et intègres et doit être restructurée sur de nouvelles bases qui permettront à ses membres d’échapper à la mainmise et aux pressions des partis politiques qui avaient le pouvoir de les désigner, les Tunisiens vivent quotidiennement un débat qu’on est en mesure de qualifier de passionnant et de passionné, en particulier pour les initiés et ceux qui s’intéressent encore à la chose politique.

Un débat qui ne concerne pas uniquement les parties tunisiennes soutenant ou dénonçant la décision présidentielle. Il voit s’inviter avec insistance les partenaires traditionnels de la Tunisie dont en premier lieu Washington et l’Union européenne (UE) qui ne ratent aucune occasion pour exprimer haut et fort «leur inquiétude pour la décision unilatérale du Président Kaïs Saïed» et pour réaffirmer «leur attachement à l’indépendance de l’Isie».

Quand Blinkin s’inquiète et s’explique

Ainsi, Antony Blinkin, secrétaire d’Etat américain, exprimait-il, jeudi 28 avril, lors de son audition par la commission du Congrès américain chargée de l’accord des aides aux pays amis (dont la Tunisie bien sûr), son inquiétude et donc l’inquiétude du gouvernement américain face «aux décisions unilatérales prises par le Président Kaïs Saïed concernant la dissolution du Parlement et la restructuration de l’Instance indépendante des élections». Et le chef de la diplomatie américaine d’expliciter davantage les réserves de son gouvernement en soulignant : «Nous insistons sur une réforme globale transparente et inclusive comprenant partis politiques, société civile et syndicats».

Mais sur quoi fonde Blinkin les positions de son gouvernement sur ce qui se passe actuellement en Tunisie et que peut craindre notre pays de la part de Washington au cas où les autorités tunisiennes continueraient à ignorer les remarques américaines, les conseils d’amis ou pour le dire crûment les pressions de Washington qui deviennent, de plus en plus, insistantes ?

Blinkin est on ne peut plus clair et tranchant : «A l’occasion de leurs négociations avec les institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale), les autorités tunisiennes devraient obtenir l’aide de ces mêmes institutions et aussi le soutien de leurs partenaires traditionnels (en premier lieu les USA) sauf que ce qui se passe actuellement pose un obstacle et constitue un frein à ces aides».

Autrement dit, les Etats-Unis risquent de retirer leur soutien à la Tunisie dans ses négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) dans l’objectif d’obtenir le tant attendu crédit de quatre mille millions de dinars qui devraient renflouer les caisses vides de l’Etat.

Et les réserves américaines d’être développées également par le porte-parole du département d’Etat américain, Ned Price, qui parle de la restructuration de  l’Isie en indiquant : «Les Etats-Unis ont constamment fait part aux dirigeants tunisiens de l’importance de maintenir l’indépendance des principales institutions démocratiques et d’assurer le retour de la Tunisie à la gouvernance démocratique».

Même son de cloche du côté de l’Union européenne. Nabiha Massrali, porte-parole de la Délégation de l’UE à Tunis, est, elle aussi, tranchante: «La révision de la composition de l’Isie risque de porter atteinte à son indépendance». Et d’ajouter : «Nos suivrons avec la plus grande attention les nominations de ses futurs membres pour qu’elles (les nominations) restent un gage du maintien de son indépendance et de sa capacité d’exécuter son mandat en toute transparence».

La nouvelle constitution est-elle déjà prête ?

Du côté des partis politiques tunisiens opposés à la dynamique du 25 juillet 2021 ainsi que pour certaines personnalités ou universitaires qui ne partagent pas les approches prônées par le Président Kaïs Saïed, les dés sont déjà jetés et le Chef de l’Etat est  en train de mettre à exécution son projet de gouvernance.

Le Pr Sghaïer Zakraoui, chef du département du droit public à la faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis, est affirmatif : «Je suis certain que la nouvelle constitution et la nouvelle loi électorale ont été élaborées».

Quant à Néjib Chebbi, l’initiateur du Front de salut national, il poursuit ses rencontres avec les opposants au projet de Kaïs Saïed, dans le but de chercher les moyens afin «de sauver la démocratie et de faire avorter le coup d’Etat» et c’est dans cette  perspective qu’une délégation d’Al Karama conduite par Seïf Makhlouf vient de lui rendre visite pour lui faire part du soutien d’Al Karama à son initiative.

En parallèle et alors que Ridha Lagha, membre du bureau politique d’Achaâb, crie: «Les USA ne peuvent pas nous donner de leçons de démocratie» et qu’Ahmed  Chafter, membre de la campagne explicative du Chef de l’Etat, annonce «une journée de colère le 8 mai 2022 en soutien au Président de la République», l’Ugtt appelle le gouvernement, dans une déclaration publique à l’occasion de la fête internationale du Travail, le 1er mai, «à appliquer les accords sectoriels, à augmenter le Smig et à entamer un nouveau round de négociations sociales sur les augmentations salariales dans la fonction et le secteur publics».

A. DERMECH

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