Les épreuves du Bac débutent le 8 juin prochain, mais en attendant, les bacheliers se démènent comme des petits diables et mettent tout en œuvre pour décrocher le précieux sésame. Au grand bonheur de ceux qui dispensent des cours particuliers, qui se frottent déjà les mains devant le beau pactole attendu. La réussite à tout prix !
Les examens de fin d’année approchent à grands pas. Les élèves et lycéens sont sous pression. La soif de réussite et l’attente des parents suscitent beaucoup d’investissements et d’efforts. Alors, il faut mettre le paquet pour obtenir des résultats satisfaisants, malgré le branle-bas du système éducatif tunisien fait de décrochage scolaire et de désintérêt affligeant pour l’école. Cet effort se matérialise par des dépenses hors du commun sur les cours particuliers. L’assistance extra-scolaire coûte de plus en plus cher, au fil des ans, si bien que les bénéficiaires professeurs ou étudiants n’hésitent pas à gonfler les prix et à demander une rallonge et toujours plus. A cause de la cherté de la vie. Ils exigent d’être payés « rubis sur l’ongle », soit jusqu’au dernier millime. La faute à un système éducatif à deux, voire trois vitesses où le public n’attire plus des enseignants de qualité qui préfèrent monnayer leur talent dans des structures privées, ceci sans parler du syndrome des cours particuliers qui a tué à petit feu l’école et son essence même, aggravé par la période de confinement et les perturbations dus à la Covid-19.
Dans un contexte de crise des finances publiques, alors qu’il y a un mois, Lassaâd Yakoubi a dénoncé le non-paiement des salaires des enseignants vacataires en 2022, le phénomène des cours particuliers prend une place de poids pour faire surmonter la période difficile de ceux qui sont dans la précarité de l’emploi. D’un autre côté, les cours particuliers coûtent cher aux parents, notamment ceux dont les enfants passent l’examen du baccalauréat. Une situation critique qui n’avantage personne entre des parents qui sont tiraillés et à bout de souffle et des enseignants qui offrent des services de cours de soutien et « courent plusieurs lièvres à la fois » pour tenter de finir convenablement l’année scolaire. Les temps sont durs. Il est bien loin le temps d’une école véritablement gratuite qui fait figure d’ascenseur social. Aujourd’hui, le système éducatif est en péril car il accorde la priorité au résultat, sans tenir compte de la qualité de la formation et des apprentissages. Si opter pour les cours particuliers n’est pas de la tricherie, elle n’en reste pas moins la marque du sacro saint objectif de toutes les parties, parents, élèves et éducateurs, à obtenir le seul résultat avec la validation des examens et évaluations de fin d’année, le Bac par-dessus tout. Les coûts des cours dispensés pour la préparation du Bac sont exorbitants. Certains proposent des forfaits, exigeant d’être payés en « monnaies sonnantes et trébuchantes ». La majorité des cours particuliers sont axés sur les langues (arabe, français et anglais) et les matières scientifiques, comme les mathématiques et les sciences physiques… Les annonces en ligne, qui offrent des services de cours particuliers à domicile ou dans un local aménagé pour l’occasion, inondent le Net. On a voulu connaître les émoluments qu’exigent les enseignants ou étudiants qui dispensent des cours pour les bacheliers à l’approche des épreuves du Bac, prévues du 8 au 15 juin 2022. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils y vont très fort.
Pluie d’annonces
Les enseignants, qui proposent des cours particuliers, indiquent rarement, voire quasiment jamais, les prix comme pour ne pas donner des sueurs froides aux parents d’élèves, dès le départ. Sans doute, pour masquer toute forme de cupidité. Certains annoncent la couleur d’entrée et c’est à vous de deviner et d’accepter ses tarifs en l’appelant : « Professeur universitaire, ancien du Lycée Français PMF, donne cours particuliers pour les élèves en Première et Terminale Bac Général et Stmg. Longue expérience du système français. […] Je prépare aussi les élèves pour leur Grand Oral. Polyglotte, possibilité d’encadrer des élèves non francophones. J’encadre aussi les étudiants de Esprit, UTC et autres Fac privées dans les cursus de gestion » ; « Prof de maths dans un collège, expérience de 12 ans dans le domaine, donne des cours de soutien scolaire (individuel) à domicile pour tous niveaux de l’enseignement du système français : maternelle, ce, cm, collège et secondaire; stimule l’envie d’apprendre, particulièrement chez les élèves découragés par des résultats scolaires négatifs dans cette matière ». A domicile, en dehors, individuellement ou en groupe, tous les moyens sont bons pour confirmer l’essor de ce business. A croire que pour réussir sa scolarité, il faut d’abord passer à la caisse… Un professeur universitaire donne des cours particuliers en langue pour les étudiants niveau bac au tarif affiché de 70 D la séance à la rue Sidi Béchir, Tunis. Un professeur de mathématiques donne des cours dans un quartier défavorisé comme Ettadhamen à 30 D la séance pour des groupes comportant au minimum quatre personnes… On marche vraiment sur la tête à regarder les prix de plus près, comparativement aux moyens de la population tunisienne et son faible pouvoir d’achat. C’est à prendre ou à laisser, de toute façon. « Parce que les problèmes qu’on ne peut résoudre avec de l’argent, on les règle avec beaucoup d’argent », peut-on entendre dans une réplique d’un film français.
En attendant, d’autres groupes sont disponibles sur les réseaux sociaux pour aider les plus démunis afin qu’ils ne restent pas en marge de la réussite scolaire en fin d’année. A leur manière, ils proposent des TD, des devoirs, des modèles d’examens et toute une panoplie de services et d’informations utiles pour faciliter le quotidien des élèves et des lycéens. L’un d’eux, créé il y a à peine trois mois, montre qu’il y a un intérêt commun à s’entraider pour assurer la réussite scolaire. Mais comme les bonnes intentions ne suffisent pas, rien ne remplace des cours assidus et bien assistés avant les examens pour un bachelier. Sur les réseaux sociaux, de nombreux groupes et pages dédiés aux cours particuliers pour le cours primaire et secondaire publient des modèles de sujets d’examen. Un exemple d’examen de lecture en arabe du troisième trimestre des classes primaires de la 3e à la 5e année guide les élèves qui n’ont pas la possibilité de poursuivre des cours particuliers, en dehors de leur école. Une publication de devoir en anglais porte le message suivant incitant les parents d’élèves désireux de perfectionner le niveau linguistique de leur progéniture à faire appel aux services d’un professeur en langue : « Ceux qui veulent nous rejoindre maintenant ou durant l’été pour maîtriser les langues française et anglaise, tous niveaux confondus, sont les bienvenus». Au final, si les moyens financiers et matériels ne sont pas les mêmes devant la réussite des élèves et leurs aînés tunisiens, la motivation est la même car chaque enfant aspire à devenir un adulte responsable et confiant en l’avenir. Cependant, l’appât du gain dans l’enseignement a causé beaucoup de tort aux élèves et aux parents désarmés et démunis…Cette situation ne fait que des mécontents car ceux qui dispensent des cours particuliers font assumer aux autres la cherté de la vie ou l’inflation.