On ne cesse de parler de la violence en milieu scolaire sans trop chercher les causes profondes ou prendre des mesures concrètes pour endiguer le fléau. Le débat se limite, pour le moment, à la dénonciation et aux efforts d’explication des raisons qui poussent à la prolifération de ce mal incurable.
On a beau alerter contre les conséquences de la violence en milieu scolaire sur des générations de jeunes et sur la société tunisienne en général. En retour, rien de concret ni de stratégique n’a été fait.
Les observateurs de la scène scolaire, eux, sont convaincus qu’il n’existe qu’une seule voie passante. C’est celle qui est en lien étroit avec le milieu scolaire lui-même dans son immédiateté.
Ignorance des textes de loi
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la violence vit et évolue à l’intérieur même des murs des établissements scolaires. C’est là que naissent les premières manifestations de la violence et du rejet des normes et des règles. En somme, de tout ce que l’on veut imposer à l’élève. Car, contrairement à ce qui est annoncé dans la loi d’orientation relative à l’éducation et à l’enseignement de 2002 (et la loi de 2008 la complétant), “l’élève n’est pas au centre de l’action éducative” comme le stipule l’article 2. En effet, le constat qui peut être fait, aujourd’hui, n’a rien à voir avec le texte en question.
Les pratiques courantes dans tous les établissements d’enseignement ne reflètent nullement les intentions formulées dans la loi d’orientation de 2002 ni les autres principes évoqués par les différentes lois et réformes relatives à l’enseignement et l’éducation (de 1958 ou de 1991).
C’est à partir de ce constat déroutant qu’il est possible de relever les anomalies et les défaillances qui minent notre système éducatif et bloquent tout travail de réforme et de modernisation. D’ailleurs, on est en mesure d’affirmer que l’écrasante majorité des intervenants dans l’univers scolaire n’a jamais consulté l’un ou l’autre des textes relatifs aux dispositions ou aux lois destinées à mettre en œuvre pour l’apprentissage et la formation de nos enfants. Et là, c’est une mission qui devrait incomber aux formateurs lors des programmes de recyclage et de formation continue des enseignants et des autres cadres administratifs.
Donc, il ne faudrait pas chercher trop loin si on veut comprendre la situation. Le mal, pourrait-on dire, est endogène. L’organisation, la gestion, les différents comportements des uns comme des autres, les réactions et les habitudes qui se sont enracinées depuis des années sont autant de causes du marasme qui perdure dans nos institutions d’enseignement (du primaire au secondaire).
L’école se referme sur elle-même
Actuellement, l’école est déconnectée de son environnement. Elle évolue à part, loin des préoccupations des parents ou des autres acteurs qui gravitent autour.
Quand on s’intéresse à l’école elle-même et ses rapports avec les élèves ou leurs parents, on constate des insuffisances et des lacunes difficiles à combler. Les rapports élèves-enseignants-cadres administratifs laissent beaucoup à désirer. Malgré les innombrables opportunités offertes par les nouvelles technologies, pratiquement rien n’est fait pour une exploitation efficace profitable à tout le monde.
A cet effet, le ministère de l’Education a annoncé le lancement d’une consultation sur la qualité des prestations administratives.
A travers cette opération, le ministère se propose de sonder les citoyens sur leurs suggestions sur leurs rapports avec l’administration. Tout au long du mois de juin, les gens intéressés par cette consultation pourront remplir les questionnaires du site.
Mais, malgré cette volonté officielle de faire participer le plus large public à tracer les grandes lignes d’une réforme qui a fait long feu, force est de constater que l’institution éducative est plus refermée sur elle-même qu’à aucun autre moment. Elle refuse le contact ou l’échange avec l’extérieur. Le ministère, lui aussi, ne communique plus comme avant. L’information est de plus en plus rare, alors qu’il est possible de mettre à la disposition de tous ceux qui sont intéressés par la chose scolaire tout ce dont ils ont besoin sans être obligés de s’adresser à des administrations inertes et qui n’ont aucune envie de faire leur devoir.
C’est à partir de là que les malentendus et les frictions commencent. Nous avons alors des rapports toujours tendus entre les agents, d’une part, et les parents d’élèves, d’autre part. De plus, le courant ne passe pas bien entre les élèves et les différents agents ainsi qu’entre les élèves et leurs enseignants.
Pression morale
Des habitudes révolues continuent d’avoir cours portant un grand préjudice à ces rapports. L’écrasante majorité des cadres de l’administration et des enseignants a une vision trop hiérarchisée de ces rapports. On regarde l’élève d’en haut, pourrait-on dire. On ne s’adresse à lui que comme un être sans personnalité ni importance. Peu de gens usent de respect à son égard ou le traitent comme il se doit. Il est, généralement, brimé, brusqué. Les adultes qu’il côtoie sont, toujours, sévères. Ne cherchent pas à être compréhensifs ou à tout le moins indulgents. En somme, humains. Du coup, il se sent brutalisé et ne peut réagir que par la brutalité. En effet, tout ce qu’il voit et subit n’est que violence morale. En un mot, l’élève (dans toutes nos écoles) est assiégé de partout. Personne n’est là et n’est à son écoute. Où qu’il se dirige, il est accueilli avec la plus grande indifférence. Tout le monde est mis dans le même sac par une administration sans cœur ni âme.
A cela, on peut ajouter d’autres comportements qui ne forcent pas nécessairement le respect. C’est le cas de ces enseignants qui n’ont aucune autre formation autre que la formation académique. Or, il ne suffit pas de savoir donner des cours. Encore faut-il savoir bien se comporter avec les apprenants.
Ces derniers ont besoin de se sentir comme de vrais acteurs de l’acte d’apprentissage et non comme de vulgaires individus tout juste bons à être humiliés ou rabaissés. C’est malheureusement ce que font certains enseignants. Ceux-ci doivent pourtant savoir que l’enseignant n’est pas libre de ses actes. Il est de son devoir de respecter la dignité de chaque élève sans pour autant croire que cela touche à sa personnalité et à la considération dont il doit bénéficier.
Chaque partie est appelée à jouer son rôle sans dépasser certaines limites. Le côté vestimentaire n’est pas à négliger. Les institutions d’enseignement les plus prestigieuses, à travers le monde, accordent tout l’intérêt à ce volet. Mais quand on voit ce qui se passe dans nos établissements, cela nous pousse à nous interroger sur le niveau comportemental des différents personnels qui évoluent dans l’enceinte éducative. Les différents fonctionnaires en présence vivent, chacun dans un univers. Le port d’une tenue n’est pas respecté. Chaque agent s’habille comme il le veut sans accorder la moindre importance à sa fonction qui exige un minimum de respect de certaines normes. Car appartenir au milieu scolaire dicte certaines contraintes. On ne peut pas s’habiller comme on veut. Il y a des exigences dont il faut tenir compte. Aujourd’hui, des enseignant(e)s se permettent de mettre des tenues qui ne peuvent être admises dans nos établissements. On ne peut pas, ici, parler de liberté. Il y a, avant tout, une obligation de respecter le lieu où on travaille et les gens qui y évoluent.
Un grand travail attend l’école avant qu’elle ne se transforme en fabrique de générations violentes et irrespectueuses des règles sociales.