Depuis ce bond en arrière privant les Américaines de leur droit à l’avortement, celles-ci ne décolèrent pas. Elles sont descendues dans la rue dans les différents Etats fédérés, dès l’annonce faite par la Cour suprême des Etats- Unis en ce vendredi noir. Une interdiction érigée contre l’avis de la population. Puisque la majorité des Américaines et des Américains soutiennent le droit à l’avortement. C’est ce que ne cessent de montrer les enquêtes d’opinion. Après près de 50 ans garantissant aux femmes américaines le droit de disposer de leur corps et de choisir, l’Etat du Missouri, pour ne citer que celui-ci, fait preuve de célérité pour annoncer qu’il interdit l’IVG. Plus de vingt-cinq autres devraient suivre. En face, dans une dizaine d’États libéraux, dont New York qui veut graver dans sa constitution le droit à l’avortement et à la contraception, l’avortement légal y est pratiqué.
Conséquences tragiques de cette régression des libertés individuelles, quelques jours seulement après l’abrogation de ce droit fondamental, le journal Indianapolis Star rapporte le cas d’une fillette de 10 ans, tombée enceinte à la suite d’un viol, qui s’est vue contrainte de quitter l’Etat de l’Ohio et faire des centaines de kilomètres pour avorter. Cela lui est désormais interdit là où elle vit avec sa famille. Double peine. Une dérive ultraconservatrice avec des répercussions dramatiques et traumatisantes non pas uniquement aux Etats-Unis, mais dans le reste du monde. Précisément, là où les acquis des femmes et les droits humains en général sont vacillants, tributaires des régimes en place et du bon vouloir des gouvernants. Dans ces contrées où le pouvoir des religieux est toujours en embuscade, tout recul des libertés entraîne le recyclage de systèmes obscurantistes politico-religieux. C’est pourquoi libertés et droits fondamentaux doivent être énoncés clairement, sans ambiguïté aucune, par la Constitution. Dans le cas contraire, lorsqu’ils sont assortis de réserves les restreignant, de religion faisant office de barrière de contrôle, ces droits sont tronqués, malléables et seront concédés ou pas selon les conjonctures politiques et les rapports de force. La Cour suprême des Etats-Unis, parce que dominée par des juges républicains, conservateurs, a fait régresser d’un demi-siècle les droits des femmes, mais également ceux d’une grande nation. Que ce dangereux précédent serve de leçon. Aucune remise en cause, ni compromis ne devra être envisageable pour les droits et libertés en Tunisie, et ce, quelles que soient les circonstances et les convictions personnelles des décideurs du moment présent. Qu’on se le dise.