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Finance verte: L’occasion ratée des obligations GSS

Selon Moody’s, le volume d’émissions  vertes, sociales, durables et liées à la durabilité (Gsss) atteindra 1.350 milliards de dollars. L’agence de notation financière prévoit, cependant,  une croissance modérée des émissions aux alentours de  36 % en 2022, contre 64 % l’année dernière. La Tunisie saura-t-elle, alors, tirer profit d’un marché en plein essor ?


2007 était l’année qui a marqué un tournant dans le processus de lutte contre le changement climatique dans le monde, grâce à la naissance de la finance verte. En cette année précise, la Banque Européenne d’Investissement a donné le coup d’envoi du marché des obligations vertes en émettant la première obligation verte au monde, sous la dénomination d’« obligation climatiquement responsable ». Une année après, la Banque mondiale a émis son premier green bond, une opération qui a été alors qualifiée d’historique et qui allait servir de modèle pour le marché obligataire vert. Ce sont donc les institutions internationales finançant les projets de développement, qui venaient par là de poser la première pierre de l’édifice de la finance verte. Et ce n’est qu’en 2015 après l’adoption des ODD par 193 pays aux Nations unies et la signature de l’Accord de Paris sur le changement climatique, que le marché des obligations vertes, sociales et durables (GSS) a connu un véritable essor.

Qu’est-ce qu’une obligation GSS?

Il convient d’abord de rappeler que la « finance verte » est une notion qui fait référence aux opérations financières qui favorisent la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi, les obligations GSS  constituent un outil  innovant de financement des ODD dans le monde ainsi que des projets de lutte contre le réchauffement de la planète. Tout en ayant les mêmes caractéristiques des obligations traditionnelles, les obligations GSS sont exclusivement orientées vers le  financement des projets liés au climat et à l’environnement  dans les secteurs de l’énergie, des transports, de la construction, de l’agriculture et de l’eau. Sur le plan international, il existe trois types d’obligations GSS, à savoir les obligations vertes dont le produit sert exclusivement à financer des projets « verts ». Il s’agit généralement de projets relatifs aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique, à la gestion durable des déchets et de l’eau, à l’exploitation durable des terres, au transport propre et à l’adaptation aux changements climatiques, et plus particulièrement les investissements en infrastructures. Le deuxième type des obligations concerne les obligations «socialement responsables» dont le produit sert exclusivement à financer des projets ayant un impact social positif. Et enfin, les obligations durables servent à  financer  une combinaison de projets verts et sociaux. 

Le recours aux obligations vertes n’est pas monnaie courante chez les entreprises tunisiennes

En 2021, le monde entier s’attendait à une explosion du marché des obligations vertes. Bailleurs de fonds, institutions financières, investisseurs répondaient présent aux appels en faveur d’une reprise économique verte post-Covid. Selon des experts financiers présents lors d’un atelier organisé, au mois de juin précédent, par la Commission économique pour l’Afrique (CEA), sous le thème « le marché des obligations GSS en Afrique », l’émission mondiale d’obligations durables a atteint plus de 1.100 milliards de dollars en 2021. Malgré ce volume important d’emprunts verts, l’émission d’obligations souveraines durables est encore assez limitée, ne représentant que 11 % du total des obligations GSS en 2021. En Afrique, il y a seulement quatre émetteurs souverains d’obligations GSS. Jean-Paul Adam, directeur de la division de la technologie, du changement climatique et de la gestion des ressources naturelles à la CEA, a déclaré, à cette occasion, qu’au moment où l’Afrique dispose de 23 % du financement climatique officiel, elle détient moins de 1 % des émissions mondiales d’obligations vertes et paie plus de deux fois plus que ses pairs de même notation pour accéder aux marchés.  Il se trouve ainsi que les pays africains, qui sont particulièrement touchés par les effets néfastes du changement climatique, ne tirent pas profit de l’appétit des investisseurs pour les obligations vertes. Cela n’empêche que, saisissant ces enjeux, certains pays africains n’ont pas hésité à prendre le pouls du marché des « green bonds » (obligations vertes). C’est le cas de l’Egypte qui  a émis la première obligation verte souveraine en dollars américains en 2020, avec une taille d’émission de 750 millions de dollars américains, une durée de vie de 5 ans et un coupon de 5,25 %. L’obligation a été sursouscrite 5 fois et contribuera au financement de 1,95 milliard de dollars de projets d’investissement public qualifiés d’écologiques par le gouvernement. En tout cas, les avantages d’une reprise économique verte ne sont plus à démontrer.

« La CEA a démontré qu’une relance verte, basée sur des investissements verts, peut générer jusqu’à 420 % de meilleurs rendements en valeur ajoutée brute et jusqu’à 250 % de meilleurs rendements en création d’emplois », a affirmé  Hanan Morsy, secrétaire exécutive adjointe de la CEA. En Tunisie, le cadre réglementaire pour la finance verte a été établi. Au mois de janvier 2022, le CMF a publié le guide d’émission d’obligations vertes, socialement responsables et durables. Pourtant, le recours aux obligations vertes pour le financement des projets n’est toujours pas monnaie courante chez les entreprises tunisiennes. 

La part des  obligations GSS atteindra  15 % du total des émissions obligataires dans le monde 

Selon Moody’s, le volume d’émissions  vertes, sociales, durables et liées à la durabilité (GSSS) atteindra 1.350 milliards de dollars en 2022, dont 775 milliards de dollars d’obligations vertes, 150 milliards de dollars d’obligations sociales, 225 milliards de dollars d’obligations durables et 200 milliards de dollars d’obligations liées à la durabilité. L’agence prévoit, cependant, une croissance modérée des émissions aux alentours de 36 % en 2022, contre 64 % l’année dernière. Ces projections reflètent, en effet,  les attentes d’une baisse progressive des taux de croissance à mesure que le marché mûrit et les effets potentiels  du resserrement de la politique monétaire commencent à se faire sentir. Néanmoins, Moody’s s’attend à ce que la part des  obligations GSSS continue d’augmenter, atteignant potentiellement 15 % du total des émissions obligataires dans le monde en 2022. La Tunisie saura-t-elle, alors, tirer profit d’un marché en plein essor ? 

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