Accueil Société Les forêts en feu: Comment les incendies dévastateurs se sont-ils propagés en Tunisie ?

Les forêts en feu: Comment les incendies dévastateurs se sont-ils propagés en Tunisie ?

Les dommages liés aux incendies du mois d’août 2021 ont été estimés à 9 milliards de dinars, comprenant les ressources forestières perdues, ainsi que les terrains inutilisables depuis lors.


Le 23 juillet 2021, le parc de Djebel Zaghdoud, délégation de Oueslatia à Kairouan, a été incendié par des inconnus. Le nombre d’incendies est estimé à 72, dévorant plus que 800 hectares sur un total de 1.792 hectares. A Kasserine et à Bizerte, des incendies se sont déclenchés pendant le mois d’août de la même année, s’étendant sur environ 1.100 hectares d’arbres et causés par l’explosion de 22 mines sans faire de victimes. Les incendies ont, également, dévoré des ruches d’abeilles, des tortues, de nombreux insectes, des pins d’Alep, des couronnes, des genévriers et des celluloses, ce qui fragilise la biodiversité, car ce type d’incendie a des effets dévastateurs, que ce soit dans les zones rurales ou urbaines, en raison de sa propagation rapide et à grande échelle.

Face à ce problème récurrent qui ne cesse de s’amplifier d’une année à une autre et face à l’abandon de la protection du patrimoine forestier malgré un cadre législatif clair, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes) vient d’élaborer deux études sur le patrimoine forestier déjà menacé par une série d’incendies, dont les raisons ne sont pas toujours connues, et les enjeux de la protection de ce précieux patrimoine.

Catastrophe naturelle ou acte commandité ?

D’après les premières estimations, ces incendies sont causés par la hausse de la température, que la Tunisie n’a pas connue depuis des décennies, et provoqués par le changement climatique dans le monde entier. Bien que ces incendies semblent être dus à des facteurs naturels, certains d’entre eux semblent plutôt être commandités, d’autant plus qu’ils se sont propagés dans une courte période entre juillet et août 2021, et ont touché plus d’un gouvernorat en même temps, ce qui ravive les soupçons et amène à se poser la question si ces incendies sont commandités ou plutôt naturels ?

Les études indiquent que les incendies forestiers se produisent naturellement pendant la saison estivale dans de nombreuses régions du monde et, en Tunisie, il y aurait à ce propos une unanimité sur le fait qu’ils seraient commandités. Si l’on ajoute à cela la déforestation, on se rend compte que les espaces verts encourent une vraie menace. Il est à noter qu’une enquête a été ouverte à Kairouan concernant les incendies du Djebel Zaghdoud, dans lesquels 9 personnes ont été impliquées. Cela appelle à plus de vigilance en matière de surveillance forestière pour faire face à de telles pratiques, qui sont souvent accompagnées et perpétrées par plusieurs facteurs, dont le plus important est le manque de contrôle, qui entraîne la perte d’importantes ressources forestières. Certains ont, également, estimé que les incendies de forêt de Aïn Draham et de Fernana ont été commis par des contrebandiers d’armes et par des groupes terroristes installés dans le Nord-Ouest à la frontière avec l’Algérie, qui, en mettant le feu à la forêt, visent à faciliter leurs activités illicites.

Dans le même contexte, le rôle des facteurs naturels ne peut être négligé, notamment après la propagation d’incendies similaires pendant la saison estivale dans de nombreux pays du monde, dont le Liban, la Grèce, les Etats-Unis d’Amérique et la Russie. Les températures élevées, le vent et les branches sèches sont naturellement des éléments favorisant une propagation plus large de ces incendies.

L’exacerbation du nombre, de l’intensité et de la probabilité de reproduction de ces catastrophes naturelles sont prévisibles, au vu du phénomène du changement climatique et de l’incapacité des gouvernements à s’y adapter.

Qu’en est-il des incendies de 2021 dans la forêt entre Fernana et Aïn Draham ?

Avant les incendies du mois d’août 2021, la forêt de Aïn Debba, entre Fernana et Aïn Draham représentait une superficie totale de 3.100 hectares, dont 1.300 de garrigue, 1.200 de forêt naturelle et 600 de forêt artificielle. On y trouve de l’eucalyptus, du chêne-liège, du pin, du ricin et de nombreuses plantes médicinales. Comme dans toutes les forêts tunisiennes, 40% des revenus des habitants de la région dépendent de la forêt et des produits fourragers. On y trouve aussi une faune riche : les sangliers et les loups, par exemple. Ou encore les cerfs, espèce protégée, notamment dans la réserve d’El Feija, ou de Bou Mzaïem, mais en voie de disparition en raison du braconnage.

Le changement climatique et en particulier l’augmentation des températures ont grandement affecté ce patrimoine forestier. En effet, des incendies se sont déclenchés dans la forêt de Aïn Draham le 10 août 2021, dans trois zones simultanées : Mankoura, Babouche et Dar El Alia. Selon les études, la cause précise de ces incendies n’est pas encore connue et l’enquête n’a toujours pas été clôturée. En revanche, on peut affirmer avec certitude que l’augmentation des températures liée au réchauffement climatique y est pour quelque chose. La période estivale dure de plus en plus longtemps (elle inclut à présent les mois d’avril et d’octobre) avec des températures atteignant les 52 degrés et des périodes de précipitations toujours plus courtes. Ainsi, les risques de déclenchement d’incendies sont accrus, de même que les difficultés de maîtrise du feu.

Les dommages liés aux incendies du mois d’août 2021 ont été estimés à 9 milliards de dinars, comprenant les ressources forestières perdues, ainsi que les terrains inutilisables depuis lors. Le bois issu des zones brûlées doit être vendu afin de procéder à une replantation. Cependant, en raison de la grande quantité et de la dégradation de la qualité du bois, il est difficile de trouver des acheteurs, ou même de le vendre à un bon prix. Depuis les incendies, les zones sont restées en l’état.

Une fois le bois endommagé racheté, une commission étatique va décider comment organiser la replantation, dont le coût s’élève en moyenne à 30.000 dinars par hectare. Un sujet va particulièrement être discuté : les espèces d’arbres qui seront replantées. En effet, en raison du caractère très inflammable du pin, ce dernier a subi de fortes pertes. Peut-être qu’il ne sera pas replanté dans les zones brûlées afin de limiter les dommages en cas de nouvel incendie.

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Charger plus par Meriem KHDIMALLAH
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