Malédiction des ressources naturelles à Tataouine : Pollution et surexploitation de l’eau

À Tataouine, les sociétés pétrolières sont responsables des dommages causés à la nature et à la nappe phréatique, ainsi que de la pollution du sol en l’absence de tout mécanisme de redevabilité ou de contrôle par les organes chargés de la protection de l’environnement et de la ressource eau.

Dans sa dernière revue semestrielle de la justice environnementale, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes) a abordé le sujet du droit à l’eau et à l’assainissement pour mettre en relief les principaux défis environnementaux à l’échelle nationale, régionale et locale en rapport avec le droit des citoyens de vivre dans un environnement sain. L’un de ses chapitres s’est concentré sur la malédiction des ressources naturelles dans la région de Tataouine où existe une importante richesse, pétrolière, alors que les citoyens sont privés de leurs droits fondamentaux, comme celui de l’assainissement.

Un crime environnemental

Les habitants des régions pétrolières dans le désert du gouvernorat de Tataouine sont contraints à consommer de l’eau impropre et à l’utiliser pour cuisiner et se laver. Les ressources hydriques des régions El Borma et Dehiba du gouvernorat de Tataouine sont énormément surexploitées pour être utilisées dans l’industrie pétrolière. Aussi, la société civile locale dénonce d’innombrables problèmes environnementaux relatifs au déversement des déchets des sociétés pétrolières dans le désert, ce qui a conduit à la formation de tout un lac des eaux usées qui est en train de contaminer la nappe phréatique. Cependant, et en dépit des appels de détresse des habitants, les autorités de tutelle restent silencieuses et ferment l’œil sur ce crime environnemental qui menace l’écosystème et la santé des habitants.

«… le pétrole est un matériau naturel qui, une fois sorti du sol, est appelé pétrole brut. Les caractéristiques physiques du pétrole sont déterminantes dans les procédés de production et les différentes techniques d’extraction. En effet, le pétrole existe dans les couches terrestres à fortes pression et température. Par ailleurs, il contribue d’une manière générale à développer l’économie des pays qui l’exportent. Néanmoins, sa mauvaise gestion et extraction, selon des stratégies et techniques non durables, peuvent le transformer en malédiction qui détruit l’environnement et ses composantes », souligne le document.

Toute médaille a son revers…

El Borma de la ville de Tataouine et qui compte environ 3.000 habitants est considéré parmi les sites les plus riches en pétrole que des sociétés tunisiennes et multinationales exploitent depuis des décennies. Les habitants vivent toutefois privés de leurs droits les plus fondamentaux, dont le droit à un environnement sain. Et donc, toute médaille a son revers !

Le président de l’association de la protection de l’environnement à Dehiba, Sami Aoun, n’a pas manqué d’évoquer la dégradation de l’environnement considérant que la situation est devenue insupportable, surtout que les autorités demeurent insensibles à la dégradation des composantes de l’écosystème, et ce, en dépit des appels de la société civile locale, en particulier les associations pour la défense de l’environnement.

Dans ce même cadre, l’étude rappelle que la Tunisie a rejoint en 2014 l’initiative internationale sur la transparence dans les industries extractives (Eiti). Aussi, le ministère de l’Energie et des Mines a annoncé, en mai 2017, que la Tunisie a commencé à prendre les mesures nécessaires pour renforcer la transparence dans ce domaine. Cette initiative a été lancée pour la première fois en 2002 par le président du gouvernement britannique durant le Sommet mondial du développement durable à Johannesbourg, après des années de débats scientifiques et de pression de la part des sociétés civiles sur la question de la bonne gestion des recettes publiques provenant des industries extractives. Ainsi, l’Eiti a été mise en place pour répondre à ce débat public sur la malédiction des ressources.

Toutefois, sept années après son adhésion à cette initiative, la Tunisie n’a pas du tout enregistré d’évolution dans sa gestion des ressources pétrolières et le procédé d’extraction, ainsi que toutes les étapes de la filière sont restées inchangées. La négligence des impacts sanitaires et environnementaux durant tout le processus est ainsi restée intacte. Aussi les habitants de la région et des militants environnementaux assurent dans leurs témoignages que la région a subi une surexploitation de ses nappes phréatiques, ce qui a impacté aussi directement la qualité du sol.

« Le droit à la vie doit être protégé par la loi mais il a aussi besoin de conditions environnementales propices à la continuité de la vie sur terre. En effet, sans air et eau propres et sans ressources environnementales durables, l’existence de l’Homme devient menacée. Néanmoins, malgré le cadre législatif national et les traités et conventions internationales, l’environnement dans le désert de Tataouine continue à être dégradé par les déchets pétroliers qui y sont déversés non loin des quartiers résidentiels, ce qui n’est pas sans impacter le réseau d’eau potable », ajoute la même source.

Des projets programmés, mais non réalisés

Afin d’améliorer la situation environnementale à Dehiba, le Gouvernement tunisien a programmé un projet visant à améliorer la qualité de l’eau, dans le cadre du programme de développement intégré de 2017 sous la responsabilité du commissariat général au développement régional, appartenant au ministère de Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale. L’étude du projet approuvé par le gouvernement de Youssef Chahed et le budget de 650.000 dinars qui lui a été consacré n’ont toutefois pas abouti à sa mise en œuvre. Cela reflète la négligence de l’Etat d’un secteur vital comme l’eau, menacé continuellement par la surexploitation et la contamination des nappes.

Pour conclure, le document indique que la quête d’un environnement sain à Tataouine et dans tous les gouvernorats, qui connaissent une pollution et surexploitation de leurs ressources en eau par des sociétés extractives, est un sujet brûlant qui nécessite une intervention rapide de la part des autorités et de l’ensemble des agences responsables de la protection de l’environnement. Dans ce registre, l’intervention de l’Anpe reste très limitée face à une pollution galopante à Dehiba et El Borma. Par ailleurs, l’applicabilité des lois et conventions pour la protection de l’environnement doit être renforcée et effective, et les crises environnementales, comme celle vécue à Tataouine, devront être une priorité pour les décideurs en raison de l’impact fort de la dégradation de l’environnement sur la santé humaine.

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