Sur nos écrans actuellement, le film de Imène Ben Hassine « Qadar », un film de genre, certes, qui manque à notre cinématographie, mais aussi un film qui pèche par son trop-plein de personnages et par son intrigue effilochée.
Un film de genre, ce premier long-métrage de Imène Ben Hassine. Un thriller politique. Pourquoi pas ? C’est un profil qui manque au cinéma tunisien et aux salles de cinéma tunisiennes. D’aucuns l’oublient souvent, mais on ne fait pas uniquement des films pour les festivals, mais pour le public aussi et pourquoi pas lancer un petit box-office à notre hauteur et montrer que la billetterie peut générer de l’argent. Qui sait ? Cela attirerait peut-être des investisseurs dans le grand écran. L’auteurisme non plus n’est plus le bienvenu auprès d’un public qui demande à voir de nouvelles écritures et qui est rompu à des séries et des films attachants et cinématographiquement très réussis. Pourquoi on vous raconte tout cela ? Pour vous dire que tout film de genre qui nous sort de l’étau des festivals et des co-productions exigeantes est le bienvenu dans notre paysage et c’est le cas de ce film.
«Qadar» (The sons of the Lord, littéralement traduit « Les fils de Dieu ») décrit les grandes manipulations d’une nébuleuse internationale et tentaculaire qui manipule les gouvernements, crée les partis politiques, les finance et place ses pions partout. Une nébuleuse qui a ses recruteurs qui font le « casting » et forment les futurs politiciens, les médecins légistes ou les présidents des Républiques. Soit ! L’idée est très intéressante, mais le film péche par son traitement par trop enchevêtré. D’abord, parce qu’il ne contient pas les ingrédients du thriller politique et il semble avoir tout misé sur le jeu des acteurs qui fait vraiment défaut, en tombant parfois dans le « sur-jeu », surtout le personnage principal, Mhadheb Remili, dont le jeu aurait dû sincèrement être un peu bridé. Wajiha Jendoubi (à la tête de cette nébuleuse) a aussi donné tout ce qu’elle a de télévisuel. Les ingrédients classiques du thriller consistent (pour résumer) à provoquer une tension chez le spectateur et le laisser dans l’attente de ce qui pourrait arriver aux personnages par la suite. Ce sentiment nous ne l’avons pas eu. Pourquoi ? Parce que le film est touffu de personnages et d’histoires qui se mêlent et s’entremêlent. Cela ne crée pas l’urgence chez le spectateur de s’identifier à un personnage principal et donne cette impression que le film s’étale en longueur. Trop de personnages tuent le personnage ! Le rythme du montage non plus ne nous aide pas à sentir cette urgence et alterne les formes trop speedées avec des lenteurs sans que cela soit bien ramené. La musique non plus n’est pas placée sur les bons points de montage et elle noie tout le film, n’hésitant à aucun moment à surligner une information que nous avons déjà saisie. Enfin, nous ignorons pourquoi la réalisatrice a choisi de ne pas montrer le pays où se déroulent les évènements. On ne saisit pas dans quel pays cela se passe. Dommage, cela aurait pu accentuer l’identification. Cela est son plein droit, bien sûr, de faire ce choix, à condition de nous donner des clés de lecture dans le récit même. On se demande alors pourquoi d’autant plus que le film ne porte pas un propos qui met en danger la vie de ceux qui l’ont fait et aurait pu bien citer la Tunisie, le Liban ou n’importe quel autre pays. N’eut été une écriture simple, épurée et dans les codes du genre.
Cela dit, notre humble avis ne doit pas empêcher nos lecteurs d’aller voir le film, parce qu’il est important d’assister à l’émergence d’une nouvelle génération de cinéastes qui fait feu de tout bois afin de produire un film de genre dans un pays où il est très difficile de faire du cinéma.
