La situation des marchés en Tunisie n’est nullement reluisante. Apparemment, rien ne semble marcher. Où que l’on aille et quoi que l’on cherche, on ne peut que se résoudre à l’inévitable évidence : il est difficile, pour ne pas dire impossible, de trouver les produits de base.
Les autorités officielles et les nombreux responsables de l’administration se relaient, quasiment, chaque jour à la télévision ou sur les ondes des radios pour rassurer les consommateurs et leur annoncer que tous les produits sont disponibles.
Des pénuries en cascade
Mais dans les faits, tout va de travers. Le consommateur est réduit à subir les humeurs des commerçants qui se sont, tous, transformés en profiteurs de la situation. Du plus petit épicier du coin aux grandes surfaces, tout le monde joue sur les nerfs des citoyens. Le sucre, le lait, l’huile, les œufs sont introuvables, même si officiellement on déclare que de grandes quantités ont été écoulées sur le marché.
Le lait est distribué parcimonieusement pour ceux qui se lèvent tôt pour en acheter, soit dans les grandes surfaces ou chez l’épicier du quartier. Passée la matinée, il n’y a plus aucune chance de trouver le moindre paquet. Quant à l’huile subventionnée, elle est introuvable depuis des années. Personne ne peut s’en procurer sauf par le biais de moyens détournés. Ce qui veut dire qu’elle existe, mais uniquement dans les circuits parallèles. Pour le sucre, c’est une autre paire de manches. Les petits commerçants disposent de petites quantités qu’ils refilent, discrètement, à leurs clients les plus fidèles.
Le pain, lui, se fait rare une fois qu’on a dépassé la matinée. On doit faire la queue devant les boulangeries aux heures du déjeuner. L’après-midi, c’est avec plus ou moins de chance qu’on peut en trouver.
D’autres produits nécessaires au quotidien des Tunisiens sont, eux aussi, difficiles à trouver ou sinon à des prix exorbitants (huile non subventionnée, par exemple). Ce produit existe en grande quantité pour ceux qui peuvent se le procurer. Les œufs sont, également, introuvables chez la plupart des marchands. Si on en trouve, c’est à des prix qui ne respectent pas les tarifs autorisés (comme si on respectait les tarifs !).
Le volet légumes n’échappe pas, non plus, à la logique ambiante de la hausse vertigineuse des prix. Les pommes de terre, dont les prix ont été fixés à 1.500 millimes/kg, ont disparu des rayons des marchands de légumes et même des supermarchés. Les rares qui les vendent les proposent à 1.700 M/kg et plus.
Les carottes sont disponibles à près de 500 millimes la botte ! Ne parlons pas des fruits qui sont, pratiquement, inabordables, à l’exception de quelques produits de saison, comme les grenades.
Efficacité du contrôle économique ?
Dans ce chaos total, le consommateur n’arrive plus à retrouver ses repères. Il ne peut compter sur aucune partie pour l’aider à se sortir de cette mauvaise passe.
En tout cas, il faut dire que la question des prix et du contrôle économique n’a jamais été résolue et ne pourra jamais l’être. En effet, les différents protagonistes se sont habitués à des pratiques qui leur permettent d’échapper à toute vigilance quelle qu’elle soit.
Les contrôleurs font, peut-être, leur travail dans les règles. Ils inspectent les papiers des éventuels fraudeurs ou contrevenants, établissent des PV en bonne et due forme, etc. Mais ils savent qu’ils ne pourront jamais arrêter les commerçants malhonnêtes qui ont leurs astuces pour passer à travers les mailles du filet.
Tout simplement, lorsque les contrôleurs arrivent dans un endroit, ils sont vite repérés et les coups de fil se multiplient pour alerter les commerçants dans les parages. Ceux qui n’ont pas de plaques affichant les prix en mettent immédiatement. Les prix gonflés sont remplacés par ceux réglementaires, etc. Ceux qui jugent qu’ils ne sont pas en règle baissent carrément les rideaux. De plus, ces agents du contrôle économique subissent des pressions dans leur travail. Ils sont même agressés ou leurs véhicules endommagés.
Une fois le travail de contrôle terminé, les marchands reprennent leurs petits jeux comme si de rien n’était. Ainsi, les prix élevés reviennent, les plaques disparaissent et l’activité illégale reprend du service. Ce qui montre les limites du contrôle, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui.
A notre sens, il est temps de changer de méthode en se concentrant davantage sur les gros poissons plutôt que les petits commerçants. Certes, ces derniers ne sont pas exempts de reproches, mais en frappant plus haut, on donne le bon exemple. C’est ce qui n’a pas encore été fait jusqu’à présent.