Un dossier «vide» malgré les preuves ?

Editorial La Presse

 

Depuis 2013, le Comité de défense des deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi se bat pour établir la vérité sur ces deux assassinats politiques qui ont fait vaciller le temple des islamistes en Tunisie et ont été annonciateurs de la fin d’un règne politique de la branche des Frères musulmans dans notre pays. Malgré tous les vents contraires, ces avocats et défenseurs de la liberté, en compagnie de plusieurs acteurs de la société civile, n’ont pas baissé les bras. En dépit de l’omerta imposée sur ce dossier par un régime à la botte des islamistes sous forme de consensus politique et de marchandage à outrance, ce comité a réussi une mutation du métier d’avocat investigateur qui, de fil en aiguille, aura permis de rassembler les pièces du puzzle non seulement sur les deux assassinats mais aussi sur un ensemble de crimes, d’attentats terroristes ainsi que sur l’épineux dossier de l’envoi des jeunes au jihad dans des zones de conflits en Syrie, en Irak ou ailleurs.

Noureddine Bhiri, dirigeant d’Ennahdha, s’adressant aux journalistes présents hier sur les lieux peu avant la comparution du président du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, devant le juge d’instruction du pôle judiciaire de lutte antiterroriste dans cette affaire, a déclaré que Ghannouchi «comparaissait en liberté et que le dossier de l’accusation est vide».

Cette déclaration ne correspond pourtant pas aux révélations faites par le comité de défense des deux martyrs, qui ne cesse de faire état de nouvelles preuves avec des documents poignants qui confirment l’implication directe de plusieurs dirigeants d’Ennahdha à travers son appareil sécuritaire secret. Certes, l’étau se resserre depuis le 25 juillet autour des nahdhaouis et tous les hommes politiques qui, pris à la gorge par la majorité parlementaire à la solde du parti islamiste Ennahdha et principal refuge des acteurs politiques en détresse, sont devenus de simples marionnettes dont les fils sont tirés à Montplaisir. Car, pour approcher le parti islamiste et bénéficier de sa protection, il suffisait de se mettre à son service pour effacer les traces de ses forfaits ou en fermant l’œil sur les activités des prédicateurs pyromanes dont la mission était de recruter des jeunes pour les envoyer dans les foyers de tension à l’étranger ou commettre des attentats terroristes dans le pays et perpétrer des assassinats politiques. C’est ainsi que plusieurs terroristes ont pu passer à travers les mailles de la justice et éviter procès et prison, alors que les commanditaires sont confiants de l’absence de preuves. Sauf qu’ils n’ont jamais compté sur la détermination du comité de défense des deux martyrs à faire toute la lumière sur ces affaires sinistres.

Un commentaire

  1. KHEMIRI

    29/11/2022 à 20:25

    Avec tout le respect qui vous est dû ainsi qu’à votre honorable profession, je constate avec regret que votre éditorial est aussi que le dossier incriminé à tort ou à raison.

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