Exercice d’influence pratiqué sur les réseaux sociaux | Mohamed Abbou : « Il n’y a pas que l’affaire Instalingo »

 

Dans l’attente des expertises techniques ordonnées par la justice, les auditions des accusés se poursuivent. En attendant le verdict, d’autres affaires similaires pourraient surgir. « Il n’y a pas qu’Instalingo dont le nom est lié au parti Ennhahdha », selon l’avocat et ancien ministre Mohamed Abbou. 

Impliquant plus d’une trentaine de personnes, dont notamment des hommes politiques appartenant au parti Ennahdha et Qalb Tounes, ainsi que des sécuritaires ayant occupé des postes hautement sensibles, l’affaire de la société Instalingo, spécialisée dans la création de contenu et la communication numérique, risque de ne pas dévoiler de si tôt ses secrets en raison de sa nature complexe et de la fuite de certains accusés principaux.

L’avocat et ancien ministre Mohamed Abbou, lors d’un récent passage sur Shems FM avec Mariem Belkhadhi, a pointé du doigt l’exercice d’influence pratiqué sur les réseaux sociaux par les hommes des «boîtes noires». D’après lui, « il ne s’agit pas uniquement de la société Instalingo dont le nom était lié au mouvement Ennahdha. Il existe bien d’autres et il fallait ouvrir ce dossier et enquêter sur les ressources financières de telles sociétés et de telles pages sur les réseaux sociaux », a-t-il expliqué. Des propos à prendre très au sérieux en raison des pages sponsorisées qui essaiment dans cette période sur les réseaux sociaux diffusant un flot jamais vu de fausses informations à la veille des prochaines élections législatives dans le pays. 

Expertises techniques

Le patron de cette boîte, Haithem Kehili, a déjà choisi de ne pas se présenter devant la justice et de se réfugier, depuis le 26 juillet 2021, soit un jour après les mesures exceptionnelles annoncées par le Président de la République Kaïs Saïd, en Turquie où il ne risque pas l’extradition en cas de jugement l’incriminant. Deux mandats d’amener avaient été émis à son encontre et à l’encontre de Mouadh Ghannouchi, fils du président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi.

Outre l’audition des accusés, dont tout récemment Rached Ghannouchi et Noureddine Bhiri, qui ont été laissés en liberté, des expertises d’ordre technique ont été ordonnées dans le cadre de cette affaire en lien avec les communications et certains supports numériques, d’après la déclaration du substitut du procureur de la République près le Tribunal de première instance de Sousse 2 en novembre dernier.

Aussi bien Ghannouchi que Noureddine Bhiri ont été laissés en liberté, mais ils sont toujours frappés d’une mesure d’interdiction de voyager en dehors du territoire tunisien, comme c’est aussi le cas pour les autres accusés dont Soufien Toubal, ancien député de Qalb Tounès.

Rejet du recours présenté par la défense d’un sécuritaire

Selon Sami Triki, avocat et membre du comité de défense du président du mouvement Ennahdha,  le ministère public avait demandé  un mandat de dépôt contre Rached Ghannouchi, même en l’absence de preuves l’incriminant dans cette affaire. Il a expliqué que « le dossier était vide et qu’aucun lien n’a pu être établi entre son client et cette affaire », d’après ses dires. L’interrogatoire de son client  a duré plus de 14 heures.

Par ailleurs et dans  l’attente des résultats des expertises précitées, la Cour de cassation vient de rejeter le recours présenté par l’un des sécuritaires impliqué dans cette même affaire, demandant son transfert devant la justice militaire. La cour a aussi refusé la libération de cet accusé.

La justice civile est donc toujours saisie du dossier de l’affaire.

Le dénouement n’est pas pour demain d’autant plus que l’audition du dirigeant du mouvement Ennahdha Noureddine Bhiri qui aurait dû avoir lieu le 6 décembre dernier a été reportée au 4 janvier prochain, comme l’avait souligné l’avocat Samir Dilou.

Notons  que Bhiri a été convoqué aussi à comparaître devant le juge d’instruction près le pôle judiciaire. Si ce dernier déclare ne pas connaître le motif de cette convocation, il est clair qu’il a un rapport avec l’affaire Instalingo qui est constituée non pas d’un seul, mais de trois dossiers, dont deux sont de la compétence du tribunal de Sousse, alors que le troisième est du ressort du pôle judiciaire financier.

Pour rappel, en juin 2022, le parquet près le tribunal de première instance de Sousse 2 a ordonné l’ouverture d’une information judiciaire contre 28 personnes soupçonnées d’être impliquées dans l’affaire Instalingo, société implantée à Kalâa Kebira et spécialisée dans la création de contenu et la communication numérique.

Parmi les accusés, des hommes d’affaires, des politiques, des cadres relevant du ministère de l’Intérieur (ces derniers sont toujours maintenus en détention). Ils sont accusés de « complot formé dans le but d’attenter à la sûreté intérieure de l’État et de changer la forme du gouvernement, de remonter les gens les uns contre les autres et de provoquer le désordre», ainsi que « d’offense au chef de l’État» selon les articles 67, 68 et 72 du Code pénal.  

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