Tapis de sol, de selle, de prière ou de décoration : Quelle part de marché ?

 

Faire la promotion d’un tel secteur n’est guère une mince affaire. Cela exige une restructuration de fond en comble. Un vrai projet de développement qui implique tous les acteurs intervenants.

En cette période de fin d’année, artisans, professionnels et visiteurs  curieux et amateurs du patrimoine précieux vibrent au rythme de la foire du tapis, tissages ras et des fibres végétales. Les stands, bien garnis, continuent de drainer la foule au grand bonheur des exposants, venus des quatre coins de la Tunisie. A son 11e édition, tenue du 14 au 25 de ce mois au Parc des Expositions du Kram, cette manifestation s’érige en rendez-vous annuel, où chacun peut trouver son compte.  En fait, plus de 160 exposants, issus des différents gouvernorats du pays, viennent présenter leurs produits et articles faits main, avec doigté et passion. Tapis et tissages étaient, alors, un métier ancestral purement manuel qui se transmet de père en fils et de génération en génération. Vieux comme le monde, ce secteur d’artisanat incarne le parfum du bon vieux temps et nous relate, aujourd’hui, le récit de nos aïeux, ceux qui ont fait l’histoire du tapis. Et ce sont eux qui ont dû filer sa toile et fignoler sa texture. Tapis d’hier et d’aujourd’hui, ce fut tout un produit revisité de fil en aiguille. Fort apprécié, il a toujours été omniprésent dans les nouvelles tendances d’ameublement. Tapis de sol, de selle, de prière ou de décoration, ce tissage traditionnel, aux modèles et designs recherchés et bien inspirés, a dû se faire une place sur le marché local. Toutefois, son bilan semble toujours peu reluisant.

Mêmes causes, mêmes effets !

Il est vrai que le tapis tunisien n’a pas, au fil du temps, manqué d’allier authenticité et modernité. Mais pas au point de s’imposer en produit artisanal bon marché. L’on n’a pas fini de le considérer comme un produit de luxe, hors de portée. Et bien qu’on le dote, à chaque fois, d’un plan promotionnel actualisé et réinventé, il n’a pu, jusque-là, franchir le cap pour se repositionner. Et encore moins pour fidéliser ses clients. Le tapis tunisien ne semble plus faire recette. En une décennie, sa production a remarquablement baissé, passant de 426 mille m2 en 2001 à moins de 70 mille m2 en 2013, selon les chiffres de la Fédération nationale de l’artisanat (Fena). Cela est dû, essentiellement, à des problèmes d’écoulement et de commercialisation. De quoi souffre, en entier, l’artisanat tunisien. Tout compte fait, notre tapis a-t-il perdu sa part de marché ? Pourquoi fut-il, par le passé, fort prisé ? Peut-être bien qu’il manque d’encouragement et d’incitation à l’investissement ! Pourtant, le flambeau était bel et bien passé des mains de ceux et celles qui avaient bien servi le secteur. Donc, ce tapis continue de faire parler de lui. Sauf que sa continuité a buté sur les mêmes difficultés, à savoir financement, écoulement et exportation. Mêmes causes, mêmes effets ! D’ailleurs, les jeunes promoteurs ont du mal à s’intégrer dans cette filière, fleuron de l’artisanat et son épine dorsale. Faisant le tour des pavillons du tapis, le ministre du Tourisme, Mohamed Moez Belhassine, est revenu sur les incitations liées au secteur de l’artisanat, lesquelles lui auraient donné impulsion. Car, à l’en croire, l’investissement dans ce créneau à double vocation économique et touristique devrait ainsi nous rapporter 130 millions de dinars. Soit une recette record jamais réalisée à ce jour, estime-t-il. Qu’en est-il de la formation professionnelle dans ce secteur ? Elle existe depuis bien longtemps et continue d’attirer l’attention de nos jeunes postulants. Certes, la finalité étant de préserver toute une identité culturelle et patrimoniale, mais aussi de garantir la non- disparition des métiers de l’artisanat. Idem, tout marketing visuel et promotionnel semble de mise. Consommer local ne devrait pas rester un simple slogan creux. Tout comme l’achat du tapis tunisien à bas prix ne doit pas relever d’un vœu pieux. Et là, le ministre a profité de l’occasion pour appeler les entreprises publiques et départements de l’Etat à consacrer au moins 20% du budget alloué à l’approvisionnement en produits d’artisanat. Un coup de pouce à l’artisanat tunisien, en quelque sorte. Surtout que ce secteur contribue, d’après lui, à 6% du PIB et emploie plus de 350 mille artisans. Ce sont, déjà, des chiffres figés qu’on communique à tort et à travers, sans être vraiment traduits dans la réalité. Cela dit, aucun des gouvernements n’a eu le courage de faire ce constat et d’opérer les changements nécessaires. Continuité de l’Etat, dites-vous !

Ça mérite une restructuration

Entre-temps, l’eau a coulé sous les ponts. Et la promotion du secteur est, plus souvent, réduite à des manifestations événementielles temporaires, trop limitées dans l’espace et dans le temps. Alors que le tapis tunisien aurait besoin d’un appui technique et financier, en le gratifiant d’un plan d‘action spécifique, censé redorer son blason. Et là, le Centre technique de création, d’innovation et d’encadrement dans le secteur du tapis et de tissage, comme l’indique son nom, a failli à sa mission. Car, créé en 2007, ce centre n’a aucunement fait ses preuves. Il n’a pu assister les artisans ni pousser le secteur vers l’avant. 15 ans déjà, rien n’a été fait. Aujourd’hui, notre tapis semble être mis au tapis ! Pourtant, l’Office national de l’artisanat tunisien (Onat) œuvre d’arrache-pied, ne lésinant sur les moyens pour venir en aide. Il est en train de préparer sa stratégie 2023. Quant à la Fena, elle avait, à maintes fois, recommandé la réouverture du centre de la Socopa, fer de lance pour le renforcement des structures de l’Onat, soulignant son apport considérable dans le développement du secteur et l’écoulement de sa production à l’échelle nationale.

Certes, une telle foire, ainsi que d’autres salons et expositions, est de nature à apporter une pierre à l’édifice, visant à soutenir la filière tissages et faire connaître le tapis dans tous ses états. Mais, une seule main n’applaudit pas. Faire la promotion d’un tel secteur n’est guère une mince affaire. Cela exige une restructuration de fond en comble. Un vrai projet du développement qui implique tous les acteurs intervenants. Décideurs, artisans, professionnels et structures de financement, tous devraient mettre la main à la pâte.

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