Accueil Culture Journées d’étude «Zohra, cent ans après»: Le cinéma tunisien, toute une Histoire…

Journées d’étude «Zohra, cent ans après»: Le cinéma tunisien, toute une Histoire…

Deuxième journée d’étude à l’occasion du centième anniversaire de la production de la première fiction tunisienne, «Zohra» de Samama Chikli. Un programme aussi riche et chargé que celui de la veille ! Histoire et évolution des deux fédérations tunisiennes : la Fédération tunisienne des ciné-clubs (Ftcc) et la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs (Ftca), Table ronde autour du statut des techniciens du cinéma sur les 100 ans et projections de films dont l’un a été pour nous une agréable surprise.    


Voici l’anniversaire de la première fiction tunisienne, un anniversaire de taille et il fallait bien le célébrer avec un volet scientifique, bien entendu, mais aussi en exposant les défis réels du cinéma tunisien aujourd’hui. Des interventions de taille, également, pendant ces deux journées puisque les coordinateurs scientifiques Ons Kamoun, maître assistante, et Tarek ben Chaâbane, maître de conférences, affilés tous les deux à l’Ecole supérieure de l’audiovisuel et du cinéma (Esac)-Université de Carthage, ainsi que la dynamique équipe de la Cinémathèque tunisienne, dans une démarche anthropologique du cinéma, ont tenu à ce que la teneur de ces deux journées constitue un plateau qui réunit des scientifiques et des témoins précieux. Les chercheurs scientifiques s’ouvrent sur leur environnement pour que les recherches ne soient plus aux oubliettes des étagères des universités.

La deuxième journée a donc démarré avec une matinée consacrée à l’histoire et l’évolution des deux fédérations : la Ftcc et la Ftca. Deux plateaux, modérés respectivement par les chercheures Chiraz Ben M’rad et Narjes Torchani. Les concepteurs de ces journées ont cru bon de faire appel à différentes générations pour ces témoignages. Ainsi on assistera à l’intervention de Moncef Ben M’rad (président dans les années 70), Khaled Dekhil (président en 2011-2012) et Mohamed Bouhjar (secrétaire général du ciné-club de Tunis 2022). De ses premiers bourgeons qui ont poussé sous la surveillance policière et qui ont vu naître les premières femmes cinéastes et  jusqu’à ses nouveaux défis, aujourd’hui, la Ftcc a constitué un espace de libre expression qui a milité pour nourrir la cinéphilie en Tunisie. Notons que, dans les années 60, lors de sa naissance, cette fédération comptait quelque 60.000 adhérents. Un âge d’or qui semble difficile à reconquérir aujourd’hui, force est de le croire…   

Ensuite, c’est le tour de Adel Abid, président actuel de la Ftca et directeur du Fifak et de la réalisatrice Selma Baccar (membre dans les années 70) d’apporter leurs témoignages concernant la naissance et l’évolution de la Ftca. De ces témoignages, nous retiendrons, entre autres, les défis rencontrés lors de la fondation,  mais ceux aussi à relever aujourd’hui, tel que l’inscription du module «cinéma» dans les programmes scolaires de la part du ministère de l’Education. On apprendra également que la Ftca est en train de préparer une plateforme, en collaboration avec la Cinémathèque, qui sera mise à la disposition des chercheurs, entre autres. Quel statut pour les techniciens entre hier et aujourd’hui? Une table ronde a réuni Mounir Baaziz, Ahmed Bennis, Mourad Ben Cheikh et Moncef Taleb et modérée par les chercheures Ons Kamoun et Emna Mrabet. Les techniciens du cinéma sont très souvent oubliés selon les témoignages alors que la Tunisie a des techniciens de haut niveau qui sont partis travailler à l’étranger. Aucun statut de l’artiste, non plus, jusqu’à nos jours, alors que le texte de loi a été écrit, vu et revu plusieurs fois. Un texte qui, à cause des lenteurs administratives, reste lettre morte à nos jours. Comment faire face à des responsables qui traitent la question avec froideur et inertie? L’administration tunisienne a été qualifiée de « cimetière » pour les techniciens. Aucun statut de technicien aujourd’hui après cent ans de cinéma ! Les textes qui gèrent le cinéma tunisien en 2022 sont écrits depuis les années 60 et 80. Et pourtant les professionnels ont beaucoup travaillé sur le nouveau statut, mais aucune signature ou décret d’application. Sur un autre plan, le problème de la formation dans les écoles a été soulevé par Ahmed Bennys. L’enseignement du cinéma devrait, selon lui, être basé sur la pratique des tournages fréquents et les écoles font perdre beaucoup de temps aux étudiants en allongeant une formation qui pourrait se faire très rapidement. Une agréable surprise en fin de cette journée. La projection du documentaire sur Ali Douagi «Le pâtre des étoiles» en présence du réalisateur Hatem Ben Miled. Un vrai bijou ce film, dans sa réalisation, dans son souffle. Un film qui n’a été projeté qu’une seule fois lors de sa sortie en 1971 et puis on ne l’a plus revu. Les organisateurs, même avec une image charbonnée (mais saisissante dans l’émotion qu’elle transmet), ont tenu à le projeter pour «attirer l’attention afin que ce film soit restauré». Le très émouvant «Le pâtre des étoiles» en a fait un portrait jusque-là peu connu. Ce film a été programmé en connexion avec l’axe «Ecritures», à mi-chemin entre la question du documentaire et la question de l’adaptation. Douagi est l’auteur le plus adapté au cinéma en Tunisie. Une programmation lors de ces journées bien étudiées et qui obéit à des objectifs bien précis. Le film «Keswa, le fil perdu» de Kalthoum Bornaz, en connexion avec l’axe «Parcours buissonniers», a clôturé les projections en présence de sa sœur Alia Bornaz, auteure de la biographie de la réalisatrice, intitulé «Kalthoum Bornaz, l’étoile à la recherche du fil perdu», paru en 2017, l’un des premiers ouvrages consacrés à des cinéastes tunisiens. Parmi les comédiens du film, figure Jaouida Tamzali, petite-fille de Samama Chikli, pionnier du cinéma tunisien.

Charger plus d'articles
Charger plus par Salem Trabelsi
Charger plus dans Culture

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *