Est-ce le moment ?

Editorial La Presse

 

On commence l’année avec les grèves et non pas avec le travail et la sueur au front pour surmonter la crise économique et sociale dans laquelle notre pays est englué. Pourquoi cette obstination à vouloir rajouter à la misère une couche de déprime ? Pourquoi tenir bon jusqu’à ce que l’air devienne irrespirable dans ce beau pays connu naguère pour sa douceur de vivre ? Qui veut transformer la Tunisie en un pays où il est plus facile de mourir que de vivre ? A-t-on oublié que ce qui se passe dans le pays est le résultat d’une décennie noire durant laquelle les politiciens qui se sont succédé au pouvoir nous ont rebattu les oreilles par des discours creux et des promesses sans lendemain sur les acquis de la révolution mais qu’à la fin, ils nous ont légué un pays en ruine après une destruction massive de son tissu économique et après avoir spolié ce qui reste de ses richesses, mais aussi un pays à la dérive dont l’édifice est fissuré et risque de s’effondrer à tout moment ?

Un pays dont les enfants s’escriment à le quitter en prenant le large sur des embarcations de fortune et dont la mer nous rejette les corps chaque jour. Une Tunisie avec un taux de suicide qui va crescendo à des seuils inquiétants, alors que d’autres, livrés au désespoir, se jettent dans les bras des terroristes et meurent dans des attentats perpétrés en Tunisie ou dans des zones de troubles ? Tunisie qu’a-t-on fait de toi ? Petit pays, on t’aime beaucoup mais on t’a fait tellement souffrir qu’aujourd’hui, on sème les fruits toxiques de tous les maux qu’on t’a causés.

On sait que la situation financière du pays n’est pas bonne et que même les revendications les plus légitimes ne sauraient être exaucées, faute d’argent et non par entêtement. Alors, pourquoi faire un pas en avant alors qu’on sait que le précipice est juste devant nous ? Certes, des solutions doivent être trouvées mais elles devraient embellir notre quotidien et non le noircir davantage, quitte à faire des sacrifices ponctuels en attendant une nouvelle éclaircie dans la grisaille ambiante. Il n’y a pas que l’État qui est responsable pour une sortie de crise, mais toutes les forces vives du pays dans ces circonstances obscures. Car tout le monde nous tourne le dos et nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes pour éviter un scénario funeste encore plus horrible que ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui. Le moment exige plus de sagesse, plus de compromis et moins de débrayages.

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