L’Algérie a-t-elle oublié?

Editorial La Presse

 

Cela fait un bon moment que des vidéos réalisées par les unités de la douane algérienne montrent des Tunisiens interpellés avec des produits alimentaires subventionnés dans ce pays voisin. Humiliantes et dégradantes pour nos paisibles citoyens, qui, même s’ils transportent ce genre de marchandises dont la plupart font défaut dans notre pays, ne peuvent être assimilés à de vulgaires contrebandiers qui essayent de faire un commerce lucratif grâce aux produits algériens subventionnés. Pis encore, en plus des procès-verbaux et de la confiscation de leur marchandise, plusieurs d’entre eux ont été déférés en justice et ont subi de lourdes peines pouvant atteindre jusqu’à dix ans de prison ferme. Pourtant, nos concitoyens se présentaient aux postes frontaliers légalement et n’ont pas essayé de passer à travers les filtres douaniers réguliers en empruntant les chemins des contrebandiers à travers les montagnes. Car ce ne sont en fin de compte que des citoyens qui essayent tant bien que mal de gagner leur pain par un commerce certes illicite mais absolument pas criminel. Nos voisins algériens eux-mêmes s’adonnaient à ce genre de commerce transfrontalier par le passé et ramenaient chez eux des produits alimentaires, des médicaments et des vêtements pour les revendre sur le marché algérien pendant les années où leur pays passait par la crise. Si on remonte plus loin dans le temps, la Tunisie n’a-t-elle pas constitué l’arrière-garde de la révolution algérienne aussi bien logistique qu’humaine pendant l’occupation française ? Le FLN défilait à Tunis armes au poing et manifestait pour revendiquer la libération de leur pays. C’est d’ailleurs la preuve que Tunisiens et Algériens sont unis par des liens du sang, dont les événements de Sakiet Sidi Youssef illustrent un épisode sanglant où des martyrs tunisiens ont payé lourdement cette fidélité à la cause algérienne. Alors qu’on s’attendait à une solidarité plus forte en ces temps de crise, notre voisin nous traite d’une façon plus qu’indifférente. En effet, l’heure est pour faire face à d’autres défis non moins importants sachant bien que la Tunisie traverse  une crise économique et financière aiguë où l’Algérie peut jouer un grand rôle pour la soutenir et se tenir à ses côtés dans un moment aussi crucial marqué par les effets insoupçonnés de la pandémie de Covid-19 sur ses équilibres économiques et financiers. Cette solidarité, qui se perpétue au plus haut niveau des deux pays, devrait d’ailleurs déboucher sur un appui algérien inconditionnel à même de permettre à notre pays de surmonter la crise et à notre voisin d’assurer une stabilité politique et sociale et non pas à traquer ceux dont les ancêtres ont tout sacrifié pour libérer l’Algérie, sauf si la donne a changé et que l’histoire n’a plus de sens pour eux.

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