«Les femmes de la Maison Houssaynîte – Al Harîm al Maçoun» s’invitent à Beit al-Hikma, Carthage : «C’est moins un livre sur les femmes qu’un livre sur le pouvoir»

 

Il n’y avait pas mieux que le palais abritant l’Académie tunisienne Beït al-Hikma, qui portait le nom de «Palais Zarrouk» à l’époque husseinite, pour replonger dans le passé de cette dynastie et tenter de percer ses secrets à travers la présentation du troisième volume de la trilogie  publiée par  le professeur émérite d’histoire moderne et contemporaine, Leïla Temime Blili, sous l’intitulé «Les femmes de la Maison houssaynîte – Al Harîm al Maçoun».

Avec ce dernier ouvrage, Leïla Temime Blili vient de parachever une trilogie dédiée à la Tunisie ottomane. Son premier ouvrage est paru en 2012 sous le titre «La Régence de Tunis 1535-1666, Genèse d’une province ottomane au Maghreb» et le deuxième a porté le titre : «Sous le toit de l’Empire: Deys et beys de Tunis : du pouvoir militaire à la monarchie : 1666-1922» (publié en 2017). Ce dernier volume, composé de 213 pages, comporte des notices biographiques des princesses ayant marqué l’époque houssaynîte et s’inscrit dans l’historique du politique. Le Harem n’est pas seulement un espace privé, c’est aussi un espace public fait de violence, de lutte entre l’ordre et le désordre . Il est par excellence un espace politique de domestication et de violence politique, souligne le professeur Mohamed Kerrou lors de la présentation de ce livre, mercredi 25 janvier, à l’Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts, «Beit al-Hikma», dans le cadre des activités du Département des Sciences humaines et sociales.

L’autrice montre dans son ouvrage que le Harem est un haut lieu d’exercice du pouvoir et de violence plus ou moins institutionnalisée qui met en exergue le rapport conflictuel entre le dominant et le dominé, où certaines femmes du Harem s’accaparent du pouvoir à l’instar de Lella Kmar qui fut qualifiée de Sahibat al dawla, note le modérateur Mohamed Kerrou.

Le livre invite à poser des questions et à un débat. «C’est moins un livre sur les femmes qu’un livre sur le pouvoir . Je voulais comprendre le lien entretenu par les beys de la dynastie houssaynîte avec la société à travers leur politique de mariage. Avec qui sont-ils mariés et à qui donnent-ils leurs filles ?», explique l’autrice du livre qui ajoute que c’est un ouvrage sur le pouvoir et son aspect social et non sur les femmes. Elle dévoile la face cachée de la grande violence à l’égard des femmes au Palais du Bardo qui se manifeste par l’enlèvement des enfants à leurs mères et les assassinats des époux et de leurs enfants, comme ce fut le cas pour Chakir Saheb Ettabaâ, époux de Aicha Bey, qui a été étranglé au palais.

Al Harîm al Maçoun évoque un lieu de très grande violence politique où le palais doit donner une image d’ordre par le biais des stratégies matrimoniales et politiques prédéfinies par le Bey, où l’intrigue fait partie de l’exercice du pouvoir, où les hommes (mamlouks) et où même les princes, qui sont des hommes libres, sont sous la tutelle du Bey du trône. Paradoxalement, ce sont les femmes qui ont plus d’autorité du fait qu’elles sont liées aux milieux influents et mariées à des esclaves, révèle l’autrice.

En somme, la cour beylicale fonctionnait avec des normes en contradiction avec celles de la société ordinaire en dehors du sérail et qui sont marquées par un pouvoir patriarcal, l’autorité du mari sur la femme . De l’avis de l’autrice, si une explication sociale devrait être donnée à la disparition de la monarchie, elle serait en lien avec le désordre de la cour sur le plan social.

Une adaptation filmique du livre est souhaitée par l’autrice. L’ouvrage dévoile les secrets du Palais du Bardo, la face cachée d’une violence vécue au quotidien, des intrigues, des alliances et des trahisons.

Laisser un commentaire