Accès à l’eau : Un droit non garanti !

 

« Le droit à l’eau consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d’une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun ».

Un vrai fait d’été et d’hiver ! Les coupures d’eau à répétition, sans préavis, et parfois injustifiées, n’auraient plus l’effet de surprise. Beaucoup de régions font toujours face à un sérieux problème de soif, d’autant que la Tunisie est déclarée pays menacé d’un stress hydrique. Avec seulement 450 m3 d’eau pour chacun de nous par an, soit deux fois moins que la moyenne mondiale, estimée aujourd’hui à 1000 m3 par personne. C’est une question de sécurité nationale, dans la mesure où le droit à l’eau est une bataille de tous pour tous, comme l’a bien souligné l’association Plateforme tunisienne des alternatives. Quoi qu’il en soit, personne ne devrait en être privé. Tels que l’air et la nourriture !

Incroyable, mais vrai !

L’eau potable demeure, de nos jours, une denrée rare. Selon des chiffres officiels, 200 000 personnes en Tunisie n’ont carrément pas accès à l’eau. En milieu urbain, le taux de raccordement au réseau de la Sonede est à 100 %, alors que celui en milieu rural est jugé quasi nul. Cette crise hydrique est doublée d’une pauvreté chronique durement ressentie par une population, jusque-là, en marge du développement. Le nord-ouest, ce château d’eau censé intarissable qui continue à alimenter tout le Cap Bon et bien d’autres régions au sud (Sfax), a du mal à satisfaire une demande de plus en plus accrue. Incroyable, mais vrai ! Dans un pays qui regorge de barrages et d’ouvrages hydrauliques, la pénurie d’eau n’est, en fait, que le corolaire d’un système de partage biaisé. Mais aussi d’une fausse stratégie de mobilisation de nos ressources hydriques. Car, préserver ses réserves en eau, c’est bien les gérer de la façon la plus judicieuse, avec une politique de gestion savamment dosée. Pourquoi, alors, l’on se vantait, ces dernières années, d’avoir un potentiel hydrique aussi suffisant que rassurant ?! Entre-temps, des mouvements sociaux n’ont cessé de protester, hissant haut des revendications liées à l’eau. Des experts, hydrologues et des associations ont remis en cause un tel secteur mis à mal et qui n’a jamais été bien orienté. Et encore moins régi par la loi. « Son exploitation à bon escient nous dicte de changer nos textes juridiques et les remplacer par un nouveau cadre réglementaire, à même de rationaliser le secteur, redéfinir ses priorités et garantir à tous les Tunisiens et aux futures générations le droit d’accès à l’eau», réclame la Plateforme tunisienne des alternatives. Cette recommandation puise son essence dans un plaidoyer associatif collégialement conduit, demandant l’adoption dans les plus brefs délais du code des eaux. «Afin de trancher avec toute approche tronquée qui relègue à l’arrière-plan la question de l’eau, comme uniquement un service soumis à l’offre et non pas une source vitale dont chacun a droit d’accès», avait, rappelle-t-on, lancé Ala Marzougui, coordinateur de l’Observatoire tunisien des eaux (Ote) et directeur exécutif de Nomad 08. 

Réviser le code des eaux

Depuis 2009, le besoin de réviser ce fameux code des eaux, daté de 1975, se fait de plus en plus sentir. A un certain temps, son projet de loi semblait faire du chemin, mais le contenu était si controversé et les points litigieux ont freiné son avancée. Bien qu’avalisé par le gouvernement, le renvoi de ce code au parlement dissous n’a pas réussi à être adopté. C’est que cette mouture n’a pas été du goût de l’OTE, vu qu’elle ne compose pas avec la réalité des eaux dans le pays, d’autant plus qu’elle n’est pas en mesure de préserver, comme il se doit, nos ressources hydriques et les protéger face à leur rareté. Mais, en vain. Le gouvernement n’en fait qu’à sa tête. Le projet du code des eaux est, de nouveau, entre les mains du ministère de l’Agriculture auquel a été confiée la confection, d’une manière unilatérale, d’un nouveau texte de loi. Le ministère compte le décréter, dans un contexte d’état exceptionnel, «D’autant plus que ce dernier projet qui vient d’être remis au conseil des ministres par l’ancien ministre de l’Agriculture, Elyes Hamza, et dont on a une copie, n’a rien apporté de nouveau, quitte à revenir à la case départ, avec plein de failles et des manquements», prévient l’OTE.

Pourtant, ce dernier avait présenté au gouvernement et à la présidence un plan d’action urgent focalisé sur le doit d’accès à l’eau. Mais il n’a pas trouvé d’oreille attentive. D’après Houcine Rhili, expert en eau et développement durable, le problème de l’eau n’est pas un problème de tarification, mais plutôt d’approches de développement et de santé. La pénurie d’eau avait gravement  impacté la production agricole et paralysé le système d’approvisionnement en produits alimentaires de base. Source vitale, à bien des égards, l’eau a vu son écosystème quasiment dégradé et la demande dépasse de loin l’offre.

Cette fausse note est due, tout bonnement, à une mauvaise gouvernance du secteur, faute d’une vision tant proactive que prospective. En l’absence d’un cadre juridique mieux adapté et évolutif, dans un contexte sociétal constamment instable et secoué par un élan revendicatif continuel, la gestion de l’eau fait encore défaut. L’appropriation du marché par le secteur privé avait, aussi, aggravé la situation et épuisé nos réserves hydriques naturelles.

Pénurie d’eau ou crise de gestion?

Le droit à l’eau est souvent remis en question : pénurie ou crise de gestion ? L’une dépend de l’autre, car les mêmes causes produisent les mêmes effets. Dans une récente étude faite par le Ftdes, la mauvaise gestion de nos ressources a exposé le pays à un stress hydrique. «Même si les barrages abondent en eau et même en l’absence de sécheresse, nous sommes toujours en situation de pénurie d’eau absolue», avait, à maintes fois, alerté Me Raoudha Gafrej,spécialiste confirmée en la matière et experte en adaptation aux changements climatiques. Partout dans les quatre coins du pays, l’eau de robinet ne coule pas à flots. Les perturbations dans la distribution de l’eau n’ont jamais été de simples cas isolés. En cause, le risque de voir éclater, épisodiquement, des mouvements de protestation réclamant le droit d’accès à l’eau. Mais pas gratuitement, selon Gafrej, car on n’achète pas de l’eau, mais un service nécessairement fourni par la Sonede. Cela dit, l’on doit savoir gérer la demande, plutôt que l’offre. Et c’est ainsi que l’on pourrait gagner la prochaine guerre de l’eau dont les signes avant-coureurs sont aujourd’hui perceptibles à l’œil nu.

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