L’ACTION SYNDICALE ENTRE PASSÉ ET PRÉSENT:  Au bout des dérives, il reste l’espoir

De 1970 à 1980, le Premier ministre Hédi Nouira avait présidé aux destinées du pays et largement contribué à le préparer à l’intégration sur le plan mondial. En dépit des événements tragiques du 26 janvier 1978, la Tunisie a, quand même, connu un essor économique certain.

Où en est-on, aujourd’hui, de ces performances enregistrées au cours de la décennie 70-80 ? On ne peut pas dire que les conditions étaient faciles. Hédi Nouira, homme politique d’exception était condamné à réussir et à donner au pays toutes les possibilités de relever les grands défi s. En face de lui, il y avait le grand leader syndicaliste Habib Achour. L’Ugtt de l’époque disposait, également, d’une grande crédibilité auprès des masses des travailleurs et des salariés.

Le pragmatisme du « lion »

Si le chef de l’Ugtt avait soutenu la politique économique du Premier ministre, il était resté critique et avait pris ses distances quand il le fallait. Pragmatique, Habib Achour l’était bel et bien.

Toutefois, il n’était pas jusqu’au-boutiste. Comme le roseau, il pliait, mais ne cassait pas. Ce mérite ne dit plus rien à beaucoup de nos syndicalistes actuels. Il savait prendre les bonnes décisions en temps opportun. Son opposition sporadique à certaines politiques ne l’avait jamais conduit à faire obstacle au gouvernement ou à bloquer tous les moyens de production par d’interminables mouvements de grève et de « protestations ».

Le « lion » (c’est ainsi que certains se plaisaient à l’appeler) a fait gagner un capital- confiance à cette organisation tant au niveau national qu’international. Sans jamais solliciter l’ingérence étrangère. Le rôle d’une telle organisation, avait-il essayé de faire comprendre, ne se limitait pas au volet de la revendication. Même si quelques responsables syndicalistes tentent de faire disparaître cette image, ils n’y parviennent pas. Surtout au cours des dernières années. En effet, les revendications sociales ont connu des sommets jamais atteints. Ce qu’on appelle les mouvements sociaux se comptent par milliers chaque année.

Aussi, pouvait-on arriver jusqu’à un millier de mouvements et d’actions de protestation de toutes sortes en un mois. Généralement ces manifestations sociales étaient téléguidées soit par les syndicats soit par des organisations soit aussi par des forces « inconnues ». Toujours est-il que l’Ugtt demeure, o ciellement, l’interlocuteur valable avec les autorités et, (théoriquement), le plus habilité à mener des négociations ou des pourparlers. Cette vocation ne semble plus de mise actuellement. Certains responsables de la Centrale syndicale ont érigé un mur entre eux et les autorités. Aucun dialogue n’est possible. L’attitude intransigeante voire jusqu’au-boutiste ne laisse aucune porte ouverte devant un vrai travail de conciliation. Croyant avoir raison sur toute la ligne et sur toutes les questions, ils ne veulent céder sur aucun point et ne montrent aucune souplesse dans les tractations avec les partenaires officiels.

Ils se caractérisent par leur trop grande « fierté » et pensent être au-dessus de tous. Dans le combat sans merci qu’ils livrent aux autorités, on ne perçoit aucune envie d’arriver à un compromis ou à un quelconque arrangement. Pour eux, il n’y a qu’une seule issue : accepter les diktats. Ce qui ne peut exister entre deux parties condamnées à composer ensemble pour un objectif commun qui n’est autre que l’intérêt suprême du pays. L’entendent-ils de cette oreille ?

Fidèles à la voie tracée par les prédécesseurs

A franchement parler, cette grande organisation nationale, qu’est l’Ugtt, perd chaque jour un peu plus de son aura et de son prestige qu’elle avait engrangés du temps de ses grands leaders. D’ailleurs, il lui faut un long travail pour se refaire cette image perdue que chaque tunisien se faisait d’elle. Car il est inacceptable de voir l’état déplorable par lequel elle passe et l’utilisation qui en est faite. Certes, l’Ugtt a une mission sacrée. Celle de défendre les ouvriers dans le cadre défini par la loi. Par conséquent, elle est tenue de ne pas outrepasser les lignes rouges. Dans le cas d’espèce, il y a, aujourd’hui, trop de dépassements et de dérives.

Certains syndicats croient que tout est permis. Ils donnent l’impression d’être au-dessus des lois et, même, au-dessus de l’État. Ce qui est inconcevable même dans les pays dits « démocratiques ». La preuve est donnée par les nombreuses déclarations des ceux qui ne cessent de répéter que « personne n’est en mesure de délimiter le périmètre dans lequel l’Ugtt doit évoluer ! ».

De tels propos montrent, si besoin est, que ces gens placent toujours la barre très haut et refusent de reconnaître les réalités politico-économiques. Heureusement, on trouve ceux qui sont encore fidèles à la ligne tracée par les pères fondateurs de l’Ugtt à l’instar de Mohamed Ali ou Farhat Hached.

A voir ce qui se passe aujourd’hui, ces illustres figures se retourneraient dans leurs tombes tant les abus et les dérives ne se comptent plus. Alors, faudrait-il désespérer de voir un jour cette organisation reprendre son vrai rôle et son militantisme authentique ?

En vérité, les Tunisiens ont toujours ce préjugé favorable à l’égard de telles institutions. C’est pourquoi on n’exclut pas un retour vers plus de raison et de sens de la mesure chez nos syndicalistes. Plus de dix ans d’égarements suffisent. Il est temps de se raviser et de reprendre le flambeau de la vraie lutte pour la prospérité du pays via l’amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs.

Laisser un commentaire