Accueil A la une Estimations de la Banque mondiale : L’inflation à l’origine de l’insécurité alimentaire

Estimations de la Banque mondiale : L’inflation à l’origine de l’insécurité alimentaire

 

Selon les estimations de la Banque mondiale, en 2023, près d’une personne sur cinq dans la région Mena sera probablement en situation d’insécurité alimentaire.

La Banque mondiale vient de publier son dernier bulletin d’information économique pour la région Mena (Mena Economic Update). Intitulé « Destins bouleversés : effets à long terme de la hausse des prix et de l’insécurité alimentaire dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord », le rapport indique que la hausse des prix des denrées alimentaires accentue l’insécurité alimentaire, qui n’est pas seulement une préoccupation immédiate, mais a des répercussions sur plusieurs générations.

Des efforts insuffisants

En effet, malgré les efforts déployés par les gouvernements pour maîtriser la forte inflation intérieure dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, la hausse des prix des denrées alimentaires peut faire basculer de nombreux habitants de la région dans l’insécurité alimentaire.

“ La région Mena est essentiellement importatrice de denrées alimentaires, et sa capacité à accroître l’offre pour contrer la hausse des prix est limitée. En outre, des facteurs de vulnérabilités de longue date, tels que les sécheresses, accroissent la prédisposition de la région à l’insécurité alimentaire… Plus récemment, comme dans d’autres régions, la pandémie du Covid-19 a perturbé les chaînes d’approvisionnement et la distribution de nourriture. L’insécurité alimentaire grave a augmenté dans la région pendant la dernière décennie, et la situation devrait encore se détériorer durant les cinq prochaines années. Il y aura une insécurité alimentaire chronique dans la plupart des pays et une insécurité alimentaire aiguë en Syrie et au Yémen, ces deux pays ayant été identifiés comme des foyers de famine par le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC)”, souligne le document.

Des dégâts irréversibles chez les enfants…

Le rapport ajoute que bien que les effets immédiats de l’insécurité alimentaire puissent se traduire par de tragiques pertes en vies humaines, les gouvernements et les décideurs doivent comprendre que même les hausses temporaires des prix des denrées alimentaires peuvent causer des dégâts à long terme et irréversibles, en particulier chez les enfants. 

Il ressort de plus en plus clairement de la littérature que les chocs négatifs peuvent avoir des effets multigénérationnels sur les résultats escomptés en matière d’éducation, de santé et de revenus, entre autres. 

À cet égard, outre les effets immédiats sur la santé, une alimentation inadéquate in utero et dans la petite enfance peut perturber le destin des enfants de la région Mena, les mettant sur la voie d’une prospérité limitée. Cela est encore vrai à l’heure où la population de la région est plus jeune que celle de toutes les autres régions du monde, hormis l’Afrique subsaharienne, ce qui signifie que l’insécurité alimentaire peut causer des dommages considérables dans la mesure où elle a des répercussions sur les enfants de la région… 

“L’insécurité alimentaire pose des défis à une région dont la nutrition et la santé des enfants laissaient déjà à désirer avant les chocs causés par la pandémie du Covid-19 et la guerre en Ukraine. Le taux initial de retard de croissance — qui est reconnu comme une mesure de l’impact cumulatif des atteintes à la santé de l’enfant de la période prénatale à l’âge de 5 ans — est beaucoup plus élevé dans de nombreux pays de la région que dans les pays à revenu comparable. La composition diététique des aliments destinés aux enfants est limitée et la généralisation des subventions peut fausser les dépenses alimentaires des ménages au profit d’articles moins nutritifs.

Cela se manifeste par le double fardeau de la malnutrition: en effet, l’obésité et la dénutrition infantiles se développent simultanément dans de nombreuses économies de la région Mena”, explique le rapport.

Face à cette situation alarmante, les gouvernements de la région doivent s’attaquer aux insuffisances qui caractérisent la nutrition et la santé des enfants, non seulement pour des motifs humanitaires, mais aussi pour des raisons économiques, car les enfants sous-alimentés grandissent et deviennent des travailleurs moins productifs.

Nécessité d’une action urgente et décisive

Dans l’état actuel des choses, le rapport estime que les solutions ne seront pas bon marché, mais les coûts de l’inaction, cumulés sur de nombreuses générations futures, risquent d’être plus élevés ; les besoins de financement à court terme de produits alimentaires pour la région sont de l’ordre de plusieurs milliards de dollars, et devraient augmenter, et une approche multidimensionnelle s’impose. Elle doit combiner des interventions de protection sociale, telles que les transferts en espèces, avec des investissements visant à renforcer la résilience des systèmes alimentaires, ce qui devrait leur permettre de résister aux perturbations et de garantir une disponibilité suffisante des denrées alimentaires. Elle inclut également de meilleures politiques de santé maternelle… 

“Le lien essentiel entre l’insécurité alimentaire immédiate et les résultats à long terme est l’effet délétère d’une alimentation inadéquate sur le fœtus et le jeune enfant. Les politiques qui préservent les femmes enceintes du stress en leur accordant un congé de maternité, en augmentant l’accès aux services de garde d’enfants, et en améliorant l’éducation maternelle peuvent limiter les effets à long terme de l’insécurité alimentaire… En outre, des investissements médicaux correctifs peuvent être nécessaires pour endiguer les effets des chocs liés à l’insécurité alimentaire…”, souligne le document.

Investir dans la résilience

Selon le rapport, il y a des avantages à investir dans la résilience et à s’attaquer à l’insécurité alimentaire chronique avant que celle-ci ne dégénère en crise. Les gouvernements sont mieux armés pour réussir qu’en période de crise parce que les marchés et les structures de gouvernance peuvent encore fonctionner en période d’insécurité alimentaire chronique. Enfin, le présent bulletin d’information économique rappelle un message qui a été constant dans les précédentes publications régionales: les responsables politiques ne pourront pas évaluer la situation et agir de manière décisive s’ils n’ont pas accès à des données crédibles.

En ce qui concerne l’avenir, l’institution internationale s’est appuyée sur des estimations modélisées de l’insécurité alimentaire pour donner un aperçu des tendances probables en la matière dans la région. 

La prévalence dans la région Mena est établie à 17,6 % — seules l’Afrique subsaharienne (à 21,9 %) et l’Asie du Sud (à 18 %) sont plus mal loties. Selon ces estimations, près d’une personne sur cinq dans cette région sera probablement en situation d’insécurité alimentaire en 2023. 

La prévalence de l’insécurité alimentaire varie considérablement dans la région Mena. Il ressort de l’étude que la plupart des économies en développement de la région ont des taux de prévalence de l’insécurité alimentaire à deux chiffres. Certes, la prévalence est à un chiffre en Egypte (6,4 %), en Iran (7,7 %) et au Maroc (6,4 %), mais les taux de ces pays correspondent respectivement à 6,9 millions, 6,7 millions et 2,4 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire grave. 

La grande partie des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et des pays à faible revenu de la région affiche des taux de prévalence de l’insécurité alimentaire supérieurs à ceux des pays à revenu comparable. 

Quant aux pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure de la région, ils obtiennent des résultats légèrement meilleurs que ceux des autres pays comparables. 

Dans l’échantillon des économies à faible revenu, la prévalence de l’insécurité alimentaire grave est extrêmement élevée : 50,8 % en Syrie et 99 % au Yémen, deux Etats fragiles et en proie à des conflits qui ont été classés comme zones en crise. Notons que ces estimations ne tiennent pas compte des tremblements de terre survenus en Syrie en 2023, ce qui signifie que la situation pourrait être pire que les prévisions présentées ici. 

Pour conclure, le document indique que la prévalence des personnes gravement touchées par l’insécurité alimentaire dans la région est passée d’environ 11,8 % en 2006 à 17,6 %, selon les prévisions pour 2023. 

En dehors de la région Mena, seules l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne ont enregistré une hausse de l’insécurité alimentaire au cours de la même période. 

Par ailleurs, la hausse du prix des denrées alimentaires joue un rôle déterminant dans l’insécurité alimentaire. Dans les quatre sous-groupes de la région Mena (économies en développement importatrices de pétrole, économies en développement exportatrices de pétrole, pays touchés par un conflit et Etats du Golfe), l’inflation est responsable de 24 à 33 % de l’insécurité alimentaire prévue pour 2023. La part de la population dans la région, dont l’insécurité alimentaire peut être attribuée à l’inflation, a augmenté de 67 % entre la période prépandémie et 2023.

Charger plus d'articles
Charger plus par Meriem KHDIMALLAH
Charger plus dans A la une

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *