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Stress hydrique dans la région Mena : Une pénurie d’eau sans précédent

 

Longtemps considérée comme abondante, l’eau se fait de plus en plus rare dans le monde et plus particulièrement dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena). Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, intitulé «Aspects économiques de la pénurie d’eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : Solutions institutionnelles», la région Mena est la plus touchée par la raréfaction de cette ressource vitale pour la vie.

Cette région (Mena) est confrontée à un grave manque d’eau pour assurer la vie et les moyens de subsistance. Malgré les investissements importants dans l’infrastructure réalisés au cours des dernières décennies, les pays de la région sont confrontés à des pénuries d’eau sans précédent et de plus en plus graves du fait de la croissance démographique, du changement climatique et du développement socioéconomique.

D’après Ferid Belhaj, Vice-Président pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à la Banque Mondiale, «les régimes actuels de gestion de l’eau entre des besoins concurrents sont principalement définis par l’Etat qui détient les infrastructures hydrauliques d’envergure. Les décideurs de la région sont conscients du caractère peu viable des attributions d’eau et du fait que l’augmentation des investissements dans de nouvelles infrastructures et technologies, pour accroître l’approvisionnement en eau, grève de plus en plus les finances publiques. Toutefois, les solutions classiques de gestion de la demande—réorganisation de l’attribution de l’eau en faveur d’utilisations à plus forte valeur ajoutée, réduction des déchets et augmentation des tarifs—posent des dilemmes politiques difficiles qui, le plus souvent, ne sont pas résolus». Et d’ajouter que «si les institutions ne sont pas réformées, la région restera probablement en situation de détresse hydrique, même si le financement des infrastructures du secteur de l’eau augmente».

Le problème de la rareté de l’eau dans la région Mena remonte à plus d’une décennie. Il est devenu d’autant plus urgent que les effets du changement climatique se manifestent de plus de plus. «Au regard des stratégies actuelles de gestion de l’eau dans cette région, une estimation prudente de la demande d’eau en 2050 indique qu’il faudrait 25 milliards de mètres cubes supplémentaires par an. Satisfaire cette demande équivaudrait à construire 65 autres usines de dessalement de la taille de l’usine de Ras al-Khair en Arabie saoudite, actuellement la plus grande au monde», précise Belhaj.

Le rapport indique clairement que la région ne peut plus s’appuyer sur une stratégie d’investissement dans les infrastructures hydrauliques dans le but d’accroître l’approvisionnement destiné à l’agriculture et aux villes, sans procéder en même temps à des réformes institutionnelles systématiques afin de financer et d’entretenir ces infrastructures ainsi que de réguler la demande. « Dans tous les pays de la région Mena, seuls deux services publics de l’eau sont capables de couvrir leurs charges d’exploitation et d’entretien, sans parler de leurs coûts d’investissement».

Réformes audacieuses

Par ailleurs, les auteurs de ce rapport mettent en évidence des réformes institutionnelles potentiellement efficaces qui permettraient de relever les défis politiques liés à la tarification de l’eau, l’amélioration de la performance des services publics de l’eau et l’attribution de l’eau entre les villes et l’agriculture. «Ces réformes impliquent de déléguer aux professionnels et aux organismes techniques nationaux, d’une part, et aux collectivités locales, d’autre part, une plus grande autonomie et des pouvoirs stratégiques plus importants pour gérer différents aspects des services d’eau et de l’attribution des ressources en eau. Ensemble, ces réformes sont envisagées pour renforcer la légitimité de la tarification et de la réglementation de l’eau».

Ces réformes sont susceptibles de renforcer la confiance dans les organismes publics pour fournir des services d’eau fiables, réduire les gaspillages et les fuites, et générer des revenus suffisants afin d’attirer des financements à long terme pour des infrastructures hydrauliques pérennes.

Par le passé, les pays de la région Mena ont investi massivement dans de nouvelles infrastructures telles que les barrages. Ils ont exploité d’importantes ressources d’eau souterraine et accru leurs importations d’eau «virtuelle » en achetant des céréales et autres produits gourmands en eau à l’extérieur de la région. Cette stratégie a permis d’améliorer la production agricole et l’accès aux services d’approvisionnement en eau et d’assainissement dans les villes, «mais le rapport constate que cette approche expansionniste atteint maintenant ses limites et que les pays seront contraints de faire des choix difficiles».

Le rapport précise que les possibilités d’augmentation de la capacité de stockage de l’eau ne sont plus extensibles, les eaux souterraines sont surexploitées—avec des conséquences négatives sur la qualité de l’eau—et l’importation d’eau virtuelle expose les pays aux chocs mondiaux. Par rapport aux investissements antérieurs dans les barrages et l’exploitation des eaux souterraines, les coûts d’investissement dans les sources non conventionnelles telles que le dessalement de l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées sont beaucoup plus élevés, ce qui exercera une pression supplémentaire sur les finances des pays.

Pour maximiser les possibilités d’accès aux financements climatiques et aux marchés financiers mondiaux, le rapport indique que «les gouvernements de la région Mena devront mettre en place des institutions capables de convaincre ces marchés que les pays sauront générer des recettes pour honorer le service de la dette».

«L’octroi d’une plus grande autonomie aux entreprises de services d’eau pour qu’elles puissent se rapprocher de leurs clients et les informer des changements de prix pourrait également permettre de mieux faire accepter et respecter les structures tarifaires, et de ce fait limiter les risques de contestations et de troubles publics au sujet de l’eau, souligne Roberta Gatti, économiste en chef de la Banque mondiale pour la région Mena. Ce type de réformes pourrait aider les gouvernements à renouveler le contrat social avec la population de la région Mena et à renforcer la confiance dans l’Etat pour gérer la pénurie d’eau».

(D’après la Banque mondiale)

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