Le rapport met l’accent sur la nécessité de mettre en place de meilleures politiques pour faire de la migration une force de croissance et de prospérité.
Les populations du monde entier vieillissent à un rythme sans précédent, ce qui rend tous les pays de plus en plus dépendants de la migration pour réaliser leur potentiel de croissance à long terme.
Les pays riches ainsi qu’un nombre croissant de pays à revenu intermédiaire —traditionnellement parmi les principales sources de migrants— font face à une diminution de leurs populations, intensifiant ainsi la concurrence mondiale pour les travailleurs et les talents.
Pendant ce temps, la plupart des pays à faible revenu devraient connaître une croissance démographique rapide, les mettant sous pression pour créer plus d’emplois pour les jeunes. De plus, le nombre de réfugiés a presque triplé au cours de la dernière décennie et le changement climatique menace d’alimenter davantage la migration.
Partant de ce constat, la Banque mondiale vient de publier un nouveau rapport sur le développement dans le monde 2023. Intitulé “Migrants, Réfugiés et Sociétés”, le document présente un cadre pour orienter l’élaboration des politiques et souligne que les pays d’origine devraient gérer activement la migration pour le développement, que les pays de destination devraient gérer la migration de manière plus stratégique et que la coopération internationale est essentielle pour faire de la migration une force de développement forte.
184 millions de personnes vivent en dehors de leur pays de nationalité
Selon les chiffres publiés, environ 2,3% de la population mondiale —ou 184 millions de personnes, dont 37 millions de réfugiés— vivent en dehors de leur pays de nationalité.
En effet, les mouvements transfrontaliers d’aujourd’hui se caractérisent par leur diversité : raisons d’émigrer, compétences et caractéristiques démographiques, statuts juridiques, situations et perspectives.
D’après le document, quelque 43% des migrants et des réfugiés se trouvent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire ; 40% dans des pays à revenu élevé de l’Organisation de coopération et de développement économiques ; et les 17% restants dans des pays du Conseil de coopération du Golfe. Mais il existe des pays d’origine et de destination à tous les niveaux de revenu et, en fait, beaucoup jouent les deux rôles à la fois, à l’instar du Mexique, du Nigeria et du Royaume-Uni.
A cet égard, la migration se trouve être un puissant moteur de développement, améliorant la vie de centaines de millions de migrants, de leurs familles et des sociétés qui les accueillent à travers le monde. Si elle est bien gérée, elle peut contribuer à accroître la prospérité et aider à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies.
Une nécessité pour les pays à tous les niveaux de revenu
Les gens émigrent à cause de déséquilibres mondiaux tels que les importantes disparités de bien-être, et de chocs comme les conflits et la violence. Mais le paysage de la migration est en train d’évoluer. Au cours de la prochaine décennie, la migration deviendra de plus en plus une nécessité pour tous les pays, quel que soit leur niveau de revenu.
Le rapport souligne que les changements démographiques attisent la compétition pour les travailleurs et les talents face au vieillissement rapide des populations des pays à revenu élevé et intermédiaire. La proportion de personnes âgées de plus de 65 ans dans les pays à revenu élevé a atteint le niveau historique de 19% en 2022 et devrait encore augmenter. Cette augmentation exerce une pression sur l’économie mondiale, les soldes budgétaires et le contrat social au sens large. A titre d’exemple, en République de Corée, pays où le vieillissement est le plus rapide, une personne sur six aura plus de 80 ans d’ici 2050, soit quatre fois plus qu’aujourd’hui.
De même, la plupart des pays à revenu intermédiaire ont bien engagé leur transition démographique, pendant que leurs taux de fécondité sont en chute libre. Au Bangladesh, en Chine, en Inde, à Maurice, au Mexique, en Thaïlande, en Tunisie et en Turquie, les taux de fécondité n’atteignent pas le seuil de renouvellement, ce qui accroît le risque que la population de nombreux pays à revenu intermédiaire vieillisse avant que ceux-ci n’accèdent au statut de pays riches.
En revanche, la population des pays à faible revenu continuera d’augmenter rapidement. La mesure dans laquelle les pays autorisent la migration pour aider à réduire certaines disparités qui apparaissent sur le marché du travail mondial déterminera en grande partie les trajectoires économiques et sociales à tous les niveaux de revenu.
Tous les migrants ne sont pas identiques
La migration comporte à la fois des bénéfices et des coûts pour les migrants, les pays d’origine et les pays de destination. Dans tous les cas, le bilan dépend des caractéristiques individuelles des migrants, des circonstances de leur déplacement et des politiques auxquelles ils sont exposés.
Cependant, ce sont en grande partie les pays de destination qui influencent les politiques parce qu’ils déterminent et réglementent qui franchit leurs frontières, qui est légalement autorisé à séjourner sur leur territoire et avec quels droits.
D’une manière générale, l’économie du travail et le droit international sont les bases essentielles pour comprendre les schémas migratoires et concevoir des politiques appropriées en matière de migration.
L’économie du travail s’appuie sur l’«adéquation» entre les compétences et attributs connexes des migrants, d’une part, et les besoins des pays de destination, d’autre part, pour déterminer si l’accueil de migrants génère des gains économiques ou non.
En vertu du droit international, les pays de destination ont l’obligation de fournir, sur leur territoire, une protection aux personnes qui fuient leur pays d’origine en raison d’une «crainte fondée» de persécution, d’un conflit ou de violences, et qui ne peuvent pas y retourner par peur pour leur vie — la définition même du réfugié.
Ce rapport propose donc un cadre analytique qui intègre les deux dimensions que sont l’adéquation et la motivation. Il distingue quatre types de migrants, recense les priorités stratégiques pour chaque cas et vise à mettre à disposition des responsables politiques un outil d’aide à la décision afin de mieux gérer la migration.
La migration transfrontalière vs prospérité et développement
Les moyens d’action des pouvoirs publics doivent être adaptés à chacune des quatre catégories de migrants.
Pour les migrants économiques, dont les compétences et les attributs sont en forte adéquation avec les besoins du pays de destination, la plupart de ces migrants sont en quête de meilleures opportunités et apportent des compétences et des attributs qui sont recherchés dans leur pays de destination.
Qu’ils soient hautement ou peu qualifiés, avec ou sans papiers, leur déplacement a des effets bénéfiques considérables sur le développement de leur pays de destination et de leur pays d’origine, et sur leur propre bien-être. Il comporte également des coûts (économiques, sociaux, humains), mais ceux-ci sont généralement inférieurs aux bénéfices. Dans ce cas, les intérêts de toutes les parties sont généralement alignés.
Pour les pouvoirs publics, l’objectif ici est d’accroître les bénéfices et réduire les coûts de la migration en agissant à la fois dans les pays d’origine (par exemple, pour faciliter les envois de fonds et le transfert de connaissances, atténuer les effets de la fuite des cerveaux et protéger les ressortissants à l’étranger) et dans les pays de destination (par exemple, pour accorder aux migrants des droits et un accès aux marchés du travail, faciliter leur insertion dans la société et soutenir les ressortissants touchés).
Quant aux réfugiés dont les compétences et les attributs sont en forte adéquation avec les besoins du pays de destination, certains réfugiés possèdent des compétences et des attributs qui correspondent aux besoins du pays de destination, même s’ils se déplacent par crainte et non pour rechercher des opportunités. Leur migration procure à la société de destination les mêmes avantages au plan du développement que ceux apportés par les migrants volontaires.
Pour cette catégorie, les pouvoirs publics visent à augmenter encore les gains nets de la migration et réduire les coûts dans les pays d’accueil en accordant aux migrants des droits et un accès aux marchés du travail, en facilitant leur insertion dans la société et en soutenant les ressortissants touchés.
S’agissant de la troisième catégorie, celle des réfugiés dont les compétences et les attributs sont en plus faible adéquation avec les besoins du pays de destination, de nombreux réfugiés choisissent leur destination en fonction de leur besoin immédiat de sécurité, et pas nécessairement pour des considérations liées au marché du travail : il est donc possible que leurs compétences ne soient pas recherchées dans les communautés d’accueil. D’autres ne sont pas autorisés à intégrer le marché du travail et à faire valoir des compétences qui leur permettraient autrement de contribuer à leur société d’accueil. Dans tous les cas, conformément au droit international, les réfugiés doivent être accueillis, quels qu’en soient les coûts.
Dans ce cas de figure, l’objectif des pouvoirs publics pour le pays de destination est de réduire les coûts associés à l’accueil des réfugiés et les partager avec d’autres pays. Cela nécessite souvent d’adopter une approche à moyen terme qui vise à assurer la viabilité financière et sociale de l’accueil des réfugiés en permettant à ces derniers de se déplacer à l’intérieur du pays, d’accéder au marché du travail et de bénéficier des services nationaux, et à procéder à un meilleur partage des responsabilités dans le cadre d’initiatives mondiales et régionales.
Pour les migrants en détresse dont les compétences et les attributs sont en plus faible adéquation avec les besoins du pays de destination et qui ne sont pas des réfugiés, comparativement, ces migrants sont globalement en nombre limité, mais ils suivent souvent un itinéraire irrégulier et dangereux, ce qui pose des défis importants aux pays de destination. L’expression “migrants en détresse”, telle qu’elle est utilisée dans le présent rapport, est une reconnaissance des circonstances dans lesquelles ceux-ci se déplacent, et non une catégorie normative.
Pour le pays de destination, à ce niveau-là, les pouvoirs publics visent à respecter la dignité des migrants en fournissant des formes complémentaires de protection internationale à ceux qui en ont besoin et en gérant les retours involontaires avec humanité, et réduire parallèlement la nécessité de tels déplacements en encourageant des migrations qui répondent le mieux aux besoins du marché du travail et en soutenant dans les pays d’origine un développement inclusif qui concourt au renforcement des compétences et de la résilience de migrants potentiels.