Selon un rapport publié par la Banque africaine de développement (BAD) sur «Indice de l’industrialisation en Afrique», la Tunisie se place au 4e rang des pays les plus industrialisés d’Afrique.
Ce travail, élaboré avec la collaboration de l’Union africaine (UA) et l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi), comporte une introduction sur la situation actuelle de l’industrialisation en Afrique, ainsi que sur les principales opportunités et contraintes qu’elle rencontre. Il expose la vision de la Banque concernant les instruments de politique industrielle que les pays africains devront adopter.
Afin d’élaborer une étude sur l’Indice de l’industrialisation en Afrique (IIA), la BAD a recueilli des données couvrant 52 pays africains parmi 54. Les données ont été collectées auprès de diverses sources sur la période 2010-2021. Ainsi, 19 indicateurs ont été identifiés pour constituer l’IIA et les notes attribuées vont de 0 (pire) à 1 (meilleure) et permettent une comparaison au fil du temps et entre pays. Avec un score de 0,7714, la Tunisie se place au 4e rang des pays les plus industrialisés d’Afrique, derrière l’Egypte 3e (0,7877), le Maroc 2e (0,8327) et l’Afrique du Sud qui occupe la première position (0,8404).
Main-d’œuvre jeune, ressources naturelles…
D’après le travail de la Banque « en Afrique, le chemin de la prospérité passe par le développement industriel. Avec sa main-d’œuvre jeune, ses abondantes ressources naturelles et ses marchés intérieurs en pleine croissance, le continent dispose du potentiel nécessaire pour devenir la prochaine frontière mondiale du développement industriel. Toutes les stratégies de développement de l’Afrique identifient l’essor industriel comme la pierre angulaire de la croissance inclusive, de la création d’emplois décents et de la réalisation de nombreux autres objectifs de développement».
Pour la BAD, l’industrialisation constitue, également, une priorité stratégique aussi bien dans le cadre de sa Stratégie décennale (2013–2022) que dans celui de ses 5 grandes priorités, les «High 5». Au titre de sa stratégie «Industrialiser l’Afrique », la Banque s’emploie à appuyer les pays africains dans leur industrialisation et dans la valorisation de leur potentiel économique.
L’Indice reflète la manière dont la BAD envisage les composantes clés de l’industrialisation. L’Indice, qui est fondé sur un ensemble complet de données disponibles, pertinentes et comparables, propose un classement global des pays africains, qui est établi à partir de trois sous-indices : la performance (dans quelle mesure les pays africains génèrent-ils une production manufacturière et des exportations ?), les déterminants directs (dans quelle mesure les pays africains orientent-ils leurs ressources (capital et main-d’œuvre) vers le développement industriel ?) et les déterminants indirects (dans quelle mesure créent-ils un environnement favorable à l’industrialisation, notamment à travers la stabilité macroéconomique, la solidité des institutions solides et l’équipement en infrastructures ?).
Une baisse de 2 %
D’après les conclusions de cette enquête, les progrès demeurent insuffisants. La part de l’Afrique dans la production manufacturière mondiale a baissé au cours des dernières décennies, tombant en deçà de 2 % du niveau mondial. «Les économies africaines restent tributaires de produits de base non transformés, ce qui les rend vulnérables aux fluctuations de la demande mondiale. L’impact de la pandémie du Covid-19, qui a bouleversé les équilibres du commerce mondial et créé un choc de l’offre et de la demande sans précédent à l’échelle planétaire, a illustré de manière concrète le type de menace qui plane sur une région qui, comme l’Afrique, repose trop sur les fournisseurs et les acheteurs externes. La survenue du conflit entre l’Ukraine et la Russie, qui a provoqué une hausse soudaine des prix de l’énergie et des autres matières premières, perturbant à nouveau les chaînes d’approvisionnement mondiales, a encore davantage exacerbé la vulnérabilité du continent, sans même qu’il n’ait eu le temps de se rétablir de la crise du Covid-19», mentionne le rapport.
Face à cette situation, et dans le contexte plus large du changement climatique, qui exhorte les pays africains à renforcer leur capacité de résilience, un consensus émerge selon lequel les gouvernements africains doivent promouvoir plus activement le développement industriel, non seulement en créant les conditions favorables à l’industrialisation — l’équipement en infrastructures, la qualification de la main-d’œuvre et l’amélioration du climat d’investissement —, mais en identifiant et en soutenant les industries naissantes. Un certain nombre de pays africains se sont engagés dans cette voie dans les dernières années.
Des données limitées
«La disponibilité en données fiables est le socle d’une politique industrielle efficace, car elles fournissent des informations éclairantes aux décideurs. En Afrique, le recours à de telles données est limité, en raison à la fois de l’insuffisance des capacités nationales en matière de statistique et d’enquête, et de la nature des activités économiques sur le continent, qui sont menées essentiellement par un secteur privé informel de petite échelle», explique la BAD.
Cette situation réduit la capacité des indicateurs à rendre compte des dynamiques réelles de production intérieure, tandis que le manque d’harmonisation des données à l’échelle continentale ne permet pas d’effectuer des comparaisons entre pays.
Dans ce contexte, cet indice ne peut s’appuyer que sur des données existantes dont la fiabilité est établie, notamment celles qui ont été consolidées par des organisations internationales et régionales compilant des données suivant une méthodologie reconnue, telles que la Banque mondiale et les Nations unies.
Bien que ces dernières s’efforcent de fournir une grande variété de données industrielles sur l’Afrique, il convient de garder à l’esprit que dans l’indisponibilité de données complètes et diversifiées réside la limite de tout exercice statistique visant à saisir la réalité africaine.
Vingt résultats de l’Indice de l’industrialisation de l’Afrique
Les résultats de cette première édition de l’Indice de l’industrialisation en Afrique montrent que la plupart des pays africains progressent, quoique lentement, dans leur développement industriel.
Quelques pays ont déjà acquis des capacités de production sophistiquées. Le quintile supérieur du classement de l’IIA comprend l’Afrique du Sud, trois pays d’Afrique du Nord (Maroc, Tunisie et Égypte), ainsi que Maurice, Eswatini, la Namibie, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale et le Sénégal. Fait encourageant, l’Indice montre que le développement industriel s’observe sur tout le continent.
Les progrès les plus importants ont été enregistrés au Bénin, en Éthiopie, en Érythrée, au Gabon, en Guinée, en Mauritanie, au Mozambique, au Sénégal et aux Seychelles, qui ont tous gagné au moins cinq places au cours de la période 2010–2019.
Adopter une politique industrielle plus active
L’IIA révèle que des foyers d’industrialisation apparaissent dans toute l’Afrique et qu’un certain nombre de pays accomplissent des progrès constants dans la mise en place des éléments essentiels à la transformation industrielle. « Toutefois, d’une manière générale, le rythme du développement industriel demeure trop lent. Les emplois ne sont pas créés au rythme requis pour satisfaire les besoins d’une population en pleine croissance et permettre aux pays de tirer parti du dividende démographique qui en résulte. Un consensus émerge selon lequel les pays africains doivent adopter des politiques industrielles plus proactives pour favoriser la croissance dans les secteurs les plus prometteurs. Les politiques industrielles sur le continent africain ont une histoire controversée. Pendant de nombreuses années, les gouvernements africains ont été appelés à limiter leur intervention à la création des conditions de concurrence équitables pour les investisseurs privés».
La Banque africaine de développement est fermement résolue à aider les pays africains à renforcer leurs politiques industrielles. L’Indice de l’industrialisation en Afrique est un élément clé de cet engagement. Car il dresse le tout premier tableau global des progrès accomplis en matière de développement industriel en Afrique afin d’aider les pays africains à se comparer entre eux et à identifier les domaines dans lesquels ils réalisent des progrès et ceux dans lesquels ils doivent redoubler d’effort.