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Approche genre et changements climatiques: Penser global, agir local

C’est bien le mot d’ordre à tenir en compte. Et celui qui n’en est pas encore conscient serait laissé de côté et n’arrivera jamais à se donner les moyens de sa sécurité.


S’il y a un phénomène naturel et universel complexe menaçant l’homme, sa vie et sa survie, c’est bien celui du changement climatique que les scientifiques et écologistes considèrent un défi majeur de ce 21e siècle. S’y adapter forcément pour en atténuer l’impact demeure alors plus qu’un impératif. Et les mesures d’adaptation ne sont que des palliatifs qui pourraient, à titre préventif, en réduire l’effet, sans pour autant l’éviter. Ne serait-ce que l’ultime solution pour vivre avec un nouveau climat si rude et capricieux.

Sinon, la suite s’annonce apocalyptique : hausse du niveau des mers, chaleur caniculaire, fonte des glaces, inondations assez fréquentes, désertification, incendies, extinction d’espèces, pénurie d’eau et bien d’autres extrêmes climatiques. Ce dont la société civile nationale a dû communiquer et sensibiliser, tout en incitant à se rendre à la raison. L’Ong « Tunisian Youth Impact (TYI) » était, alors, l’une des plus agissantes. Gravement dégradé, au fil des temps, notre écosystème naturel et marin n’est plus ce qu’il était. Aussi, faut-il accorder nos violons, ici et maintenant. Et pour cause. Penser global, agir local, c’est bien le mot d’ordre à tenir en compte. Et celui qui n’en est pas encore conscient serait laissé de côté et n’arrivera jamais à se donner les moyens de sa sécurité.

Femme, cet être social  vulnérable !

Qu’en est-il de la situation de la femme, l’être social le plus vulnérable ? Certes, la Tunisie en est bel et bien convaincue. Elle l’a érigée en statut privilégié parmi la population bénéficiaire d’appui à la lutte contre les impacts des changements climatiques. Dans le cadre de sa CDN, Contribution déterminée nationale, la Tunisie a prévu une série de projets qui y sont liés, faisant valoir l’apport de la femme dans tout plan d’adaptation et d’atténuation face aux aléas du climat. A peine quatre ans d’existence, «TYI» s’est largement penchée sur ce débat et les effets chaotiques qui pourraient peser sur la femme, notamment celle en milieu rural. En février dernier, son équipe du projet « Fena Klima» a réalisé une étude « Genre et changements climatiques », basée sur deux axes : « Le premier tourne autour de la sensibilité du genre face aux changements climatiques en Tunisie, tandis que le second évoque la perception des femmes rurales des changements climatiques et leurs impacts sur elles, ainsi que la perception des acteurs locaux par rapport aux finances climatiques sensibles au genre ».

L’intégration de cette approche genre s’inscrit dans le droit fil d’initier la femme rurale aux prérequis du savoir-faire pour mieux vivre en ces temps des péripéties climatiques et l’aider à s’y adapter. D’autant plus que son inclusion socio-économique demeure une des exigences pour accéder au financement vert. Et partant, l’implication de la femme dans ce combat décisif est un droit vital. L’étude en question trouve ainsi toute sa justification. Pour choisir ses zones d’intervention, l’enquête s’est focalisée sur deux paramètres cruciaux, à savoir l’impact intense des changements climatiques et leur ampleur sur les activités féminines.

A la lumière de ce qui précède, Aïn Draham et Djebba, deux régions du nord-ouest, ont été retenues comme sites du projet « Fena Klima». Pourquoi ? Parce que, selon l’étude, l’une est connue pour ses précipitations élevées et des températures plus ou moins modérées, l’autre voit ses ressources hydriques affectées sous l’effet des changements climatiques. Djebba fait, alors, état « de tarissement d’une grande partie des eaux naturelles, source majeure d’irrigation des cultures des figuiers qui constituent le fondement de génération de revenus pour la femme rurale dans la région, outre l’impact sur la biodiversité et plus particulièrement sur l’abondance des essences aromatiques et médicinales, matière première pour des activités féminines rentables », argue l’étude.

Femme rurale, quelle perception des CC ?

Ce choix est pris comme référence pour pouvoir estimer la vulnérabilité des femmes rurales d’une manière générale et connaître les lacunes inhérentes aux enjeux genre dans le contexte des changements climatiques. Force est de constater la pesanteur du phénomène même dans les zones les moins affectées climatiquement.

Ainsi, la logique adoptée par l’étude en question s’en tient à l’extrapolation des données, afin de déceler le ressenti des impacts des changements climatiques sur la femme rurale dans les zones les plus vulnérables. Parlons-en ainsi, genre et changements climatiques constituent un réel défi de vie et de survie. « A l’instar de 193 autres pays, la Tunisie est signataire depuis 2015 du programme de développement durable à atteindre à l’horizon 2030 et s’est engagée ainsi à réaliser la promesse “Ne laisser personne de côté », sur quoi s’appuie l’étude dans son approche genre. Toutefois, la femme rurale en particulier semble encore loin d’avoir accès à tous ses droits sociaux et économiques et elle est la moins rémunérée dans le secteur agricole. Pourtant, elle représente 50% de la population rurale, 70% de la main-d’œuvre agricole dont seulement 15% travaillant de façon permanente, selon les chiffres de l’INS 2017. Plus productive, moins payée, la femme rurale tunisienne illustre bel et bien cet état de paradoxe incompréhensif. Alors qu’elle est reconnue être résiliente, considérée comme un levier fondamental du développement local durable.

Et là, pour le cas tunisien, la CDN recommande « de promouvoir un pays résilient censé atténuer les vulnérabilités et renforcer les capacités d’adaptation de ses écosystèmes, de sa population, de son économie, de ses territoires, à même d’assurer un modèle de développement socioéconomique inclusif et durable ». Dans sa mise à jour d’octobre 2021, notre CDN avait confirmé le rôle important de la femme dans la lutte contre les changements climatiques. Sans pour autant avoir mentionné sa vulnérabilité, de quoi reprocher l’étude en question. Une chose est sûre : la femme rurale étant, en quelque sorte, le maillon faible de la chaîne. Et partant, il a été nécessaire de sonder son ressenti des changements climatiques pour connaître sa perception quant à leurs impacts  sur le court et le long termes. Et c’est pour cette raison que des focus groupes du projet « Fena Klima» ont déjà été déployés dans les deux régions du nord-ouest précitées, à savoir Aïn Draham et Djebba, localité des figuiers par excellence.

Nul n’est épargné !

A quoi a abouti ce travail d’enquête ? Précisément, à « Sra Rabeh » à Aïn Draham (Jendouba) et à Djebba, à Thibar (Beja), « toutes les participantes ont confirmé avoir constaté au moins l’un des impacts directs des changements climatiques dans leur environnement immédiat (manque de précipitations, température élevée, détérioration du couvert végétal et du sol, irrégularité des saisons, etc.) ». D’autant plus qu’elles étaient aussi unanimes quant à l’instabilité de l’approvisionnement en eau potable en termes de quantité et de qualité, notamment en été, ce qui a réduit voire fait disparaître, selon elles, les potagers familiaux, longtemps considérés une des sources de nourriture et parfois de revenus complémentaires. Dans le même ordre d’idées, elles ont également confirmé la dépendance de leur source de revenus des ressources naturelles, soit par l’exploitation de la végétation spontanée (distillation et séchage), soit par l’arboriculture fruitière surtout la figue à Djebba ou encore par l’élevage familial (apiculture, aviculture et élevage des ovins).

Autant dire, les aléas du climat ont durement impacté leur mode de vie, au point que ces femmes rurales, et non pas les seules, sont contraintes d’abandonner leurs élevages familiaux, puisqu’elles ont du mal à assurer à leur cheptel la nourriture nécessaire. Leurs activités de distillation des plantes médicinales, principale source de revenus, ont également été gravement affectées.

A Djebba, les figuiers sont devenus de plus en plus sensibles aux maladies, l’eau d’irrigation se fait aussi rare. Sensibilisation et vulgarisation quant aux bonnes pratiques culturales font également défaut. « Quant aux mesures d’adaptation aux changements climatiques, elles étaient toutes unanimes, ayant affirmé l’absence d’information sur le sujet. Ceci dit, elles ont déclaré avoir pris des mesures surtout concernant l’économie d’eau et la constitution de réserves à différentes échelles », rapportent les enquêteurs.

Un message à retenir !

Mais que dire lorsque les zones censées être les moins affectées par les CC ont connu le même sort ? «Leur quotidien est altéré, leurs revenus ont diminué et elles trouvent de plus en plus de difficultés à entretenir leurs moyens de subsistance.. », voilà ce qui est ressorti de ces focus groupes. Somme toute, l’étude « Genre et changements climatiques » a fini par conclure que le pays fait face à un sérieux défi climatique qui pèse sur notre écosystème naturel, et puis il gagnerait à nous prendre à la gorge. « La prise de conscience est un prélude nécessaire pour prendre des mesures qui sont de nature à minimiser les impacts les plus négatifs de ces changements. Ces mesures devraient s’adresser en priorité aux couches sociales dépendant pour leur survie des ressources naturelles affectées, notamment l’eau », recommande l’étude.  Et d’ajouter, sur cette lancée, « les femmes, étant aux avant-postes de ces changements, devraient être considérées comme prioritaires dans les mécanismes de financement climatique ». Le message est, donc, lancé à la CDN tunisienne. Surtout que l’on sait que  les financements destinés à traiter des impacts des changements climatiques (GCF, Adaptation Fund (AF), Fonds pour l’environnement mondial (FEM)…) imposent la prise en compte de l’approche genre dans les projets visant l’atténuation des émissions des gaz à effet de serre, tout comme l’adaptation aux changements climatiques.

Kamel ferchichi

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