Niché à l’arrière-cour du collège d’El Maâmoura et bordant la plage, une petite ferme pédagogique est devenu le lieu de prédilection des élèves de tous âges, où ils se retrouvent pour s’offrir un moment de répit après les cours.
«La terre m’a enseigné la plus belle des vertus : la patience. Plus on y sème de l’amour et de la persévérance, plus la récolte sera fructueuse».
Voilà des paroles empreintes d’une grande sagesse dont l’auteur n’est autre que Ghassen, un enfant de onze ans à peine, qui semble déjà avoir percé tous les secrets de la main verte. Cet élève s’est empressé de rejoindre ses camarades à la ferme pédagogique du collège d’El Maâmoura, une ville côtière rattachée au gouvernorat de Nabeul. Niché à l’arrière-cour de cet établissement et bordant la plage, ce jardin est devenu le lieu de prédilection des élèves de tous âges, où ils se retrouvent pour s’offrir un moment de répit après les cours. Pour eux, cet écrin de verdure est un retour aux sources, un moyen de renouer avec la nature, de résister à la vie trépidante du monde moderne et de revenir à l’essentiel. Ici, ils s’adonnent aux joies de la permaculture qui leur permet de stimuler leurs cinq sens : toucher la terre, sentir son doux parfum, écouter le bourdonnement des abeilles en plein travail et admirer l’éclosion des fleurs. Bien plus qu’un modèle agricole, la permaculture se présente comme une philosophie de vie qui consiste à s’inspirer de la nature pour reproduire finalement ce qu’elle fait. Reposant sur des techniques ancestrales, elle permet d’obtenir un écosystème naturel où les végétaux, les insectes et l’ensemble des micro-organismes vivent en parfaite symbiose. Chaque être vivant est un maillon vital à l’équilibre de l’écosystème.
Du sol à l’assiette
«Les pesticides et les engrais chimiques sont totalement proscrits dans notre jardin. Nous utilisons exclusivement des solutions fondées sur la nature, et ce, afin de préserver la santé humaine et celle de tous les êtres vivants», souligne Ghassen qui était entouré de ses camarades, lesquels lui prêtaient une oreille attentive. En l’espace de quelques mois, ces permaculteurs en herbe ont réussi l’exploit de transformer un terrain en friche de 450 m2, en terre nourricière où poussent une large variété de légumes, fruits, plantes vivrières et médicinales, cultivée à partir de semences paysannes. Cette ferme est le fruit d’une initiative conjointe menée par l’Association de protection du littoral à El Maâmoura (Aplm) et le Commissariat régional à l’éducation à Nabeul, qui s’inscrit dans le cadre du projet «Food Lab Project : “Du sol à l’assiette”». Financé par l’Union européenne et réunissant plusieurs partenaires européens et tunisiens dont l’Université de Sousse, ce projet ambitionne de sensibiliser les élèves à l’agriculture durable et la protection de l’environnement. «Ce jardin pédagogique se veut être un laboratoire vivant dont l’objectif est de prouver aux petits et grands qu’il est tout à fait possible de cultiver et manger sain», déclare Mohamed El Benney, membre de l’Aplm et responsable du projet Food Lab Project, à l’agence TAP. «Quoi de mieux pour les enfants que de déguster un légume frais cultivé à la sueur de leurs fronts pour combler un petit creux», rigole-t-il, en réaction aux élèves qui n’arrêtaient pas de courir entre les carrés de potager pour goûter aux feuilles de laitue. Selon Mohamed, l’idée est de leur fournir une alternative aux aliments industriels transformés qui sont nocifs aussi bien pour leur santé que pour l’environnement, en raison de la pollution plastique qu’ils génèrent.
Laisser la nature opérer sa magie
«Pour cultiver et manger sain, c’est simple, il faut laisser la magie de la nature opérer. C’est le principe même de la permaculture. Pour cela, nous avons placé chaque plante de manière réfléchie. L’objectif étant de permettre aux espèces d’interagir entre elles pour former un cercle vertueux», renseigne le responsable du projet.
«Dans ce carré, nous avons ainsi planté des légumineuses qui vont agir comme des engrais naturels afin de fertiliser le sol en y fixant l’azote. Cela va aider les plantes annexes à croître. Ici, par exemple, les orties ont été placées afin d’attirer les coccinelles qui, à leur tour, vont empêcher les pucerons de s’attaquer aux tomates et ainsi de suite», explique-t-il encore. En bons permaculteurs qui se respectent, les élèves ont appris à bannir l’usage des pesticides chimiques et à soigner leurs plantes eux-mêmes, en fabriquant leurs propres fertilisants naturels comme le purin d’ortie, un répulsif efficace contre les pucerons.
Même le compostage n’a plus de secrets pour eux. Désormais, ils récupèrent leurs déchets organiques pour les transformer, à l’aide d’un broyeur, en engrais naturel destiné à nourrir leur potager.
A en croire Mohamed, les élèves ont été également sensibilisés à la gestion de l’eau, l’un des principes de base de la permaculture. «Face au stress hydrique auquel est exposé le pays, il est de notre devoir d’éduquer la jeune génération à l’importance de préserver cette précieuse ressource. Dans ce sens, nous leur enseignons différents procédés pour économiser l’eau dont le paillage. Cette technique consiste à recouvrir le sol en utilisant du foin pour maintenir l’humidité du sol et espacer les arrosages», indique-t-il.
Quand les efforts portent leurs fruits
Esquissant un large sourire, le chef de file du «Food Lab project» déclare être «très satisfait» des résultats de ce projet qui devrait se poursuivre au cours des prochaines années.
«Aujourd’hui, notre ferme produit une vingtaine de kilos de légumes et fruits par semaine, ce qui permet d’assurer notre autosuffisance alimentaire», se félicite Mohamed, espérant que cette initiative inspirera d’autres écoles. «Nous ne pouvons que nous réjouir de voir nos enfants récolter les fruits de leurs efforts et s’émerveiller devant leurs plantes qui poussent. Pour eux, ce jardin est à la fois un espace d’apprentissage et d’épanouissement. Ici, ils respirent la nature mais ils respirent surtout la vie», s’enthousiasme Sarra Chaouech, enseignante.
«Il est de notre responsabilité commune de continuer à les éduquer au respect de l’environnement pour qu’ils puissent à leur tour, transmettre le flambeau à la génération à venir», conclut-elle.