Etude | Prise en charge des maladies chroniques : La prévention coûte beaucoup moins cher

 

A l’origine de 84% des décès en Tunisie, les maladies chroniques obèrent les budgets de santé de l’Etat. L’investissement dans des politiques de prévention permet de réduire ces dépenses et sauver des vies.

La prévention des maladies chroniques coûte bien moins cher à l’Etat que leur prise en charge. C’est un fait. Plusieurs études ont démontré que l’investissement dans des politiques de prévention contre les maladies non transmissibles, qui obèrent les budgets de santé et grèvent les dépenses des caisses d’assurance maladie, est très rentable puisqu’il permet de réduire les dépenses de santé et surtout de sauver des vies. Un rapport de l’OMS qui date de 2018 montre que les pays les plus pauvres de la planète pourraient gagner 350 milliards de dollars d’ici 2030 en développant leurs investissements dans la prévention et le traitement des maladies chroniques, comme les cardiopathies et le cancer, qui représentent un surcoût de 1,27 dollar par personne et par an.

Ces interventions permettraient de sauver plus de 8 millions de vies au cours de cette période. Le rapport intitulé “Saving lives, Spending less : a strategic response to NCDs”, (en français Sauver des vies, dépenser moins : une riposte stratégique face aux maladies non transmissibles), a révélé que chaque dollar investi dans la mise en œuvre à grande échelle d’interventions ciblant les maladies non transmissibles dans les pays à revenu faible ou intermédiaire va générer pour la société un gain d’au moins 7 dollars en développant l’emploi, en augmentant la productivité et en allongeant la durée de vie. En effet, chaque dollar investi dans l’encouragement à l’alimentation saine engendre un retour sur investissement de 12,82 dollars. Pour les mesures ciblant la réduction de l’usage nocif de l’alcool et la diminution du tabagisme, le gain pour chaque dollar dépensé est estimé à respectivement 9,13 et 7,43 dollars.

Un tableau alarmant

Loin d’être rassurants, les chiffres relatifs à la prise en charge des maladies chroniques en Tunisie font froid dans le dos. L’évolution inquiétante des dépenses techniques de la Cnam ainsi que du nombre des bénéficiaires au titre d’affections à prise en charge intégrales (Apci) (un régime qui concerne essentiellement la prise en charge des maladies lourdes) doit interpeller les autorités quant à l’efficacité des politiques déjà mises en œuvre pour diminuer l’incidence des maladies chroniques en Tunisie et les pousser à réfléchir sur de nouvelles mesures impactantes.

En effet, le nombre des patients bénéficiant de la prise en charge Apci a été multiplié par 11 sur la période 2007-2019, passant de près de 89.000 à environ 1,1 million. Les dépenses d’assurance maladie de la Cnam ont poursuivi une trajectoire remarquablement haussière passant du simple au double entre 2009 et 2021 pour se situer à 2.229 millions de dinars. En 2016, l’hypertension artérielle, le diabète, les affections coronariennes, l’insuffisance respiratoire ainsi que les tumeurs ont englouti environ 83% des dépenses totales des 24 maladies chroniques prises en charge intégralement par la Cnam. Certes, les chiffres sont liés, en partie, au phénomène du vieillissement de la population qui frappe, de plus en plus, la société tunisienne. Mais ces taux s’expliquent encore par plusieurs facteurs, essentiellement les mauvaises habitudes alimentaires, le tabagisme, la sédentarité, le manque de suivi médical et le non recours au dépistage précoce.

Là encore, les chiffres sont très peu reluisants : 83% de la population ne pratiquent aucune activité physique, un Tunisien sur cinq fume encore aujourd’hui et un adulte sur trois est touché par l’obésité.

Le tableau est alarmant, et la riposte nécessite dans ce contexte une réflexion sur de nouvelles mesures d’intervention, qui peuvent être, à titre d’exemple inspirées des expériences étrangères réussies, pour endiguer ce fléau que sont les maladies chroniques.

Il s’agit par exemple de miser sur l’éducation nutritionnelle et de mettre en place des politiques encourageant l’activité physique et l’arrêt tabagique. D’après l’OMS, parmi les interventions présentant le meilleur rapport coût/efficacité figurent la majoration des taxes sur le tabac et l’alcool, la réduction de l’apport en sel via la reformulation des produits alimentaires, l’administration d’un traitement médicamenteux et l’offre de conseils aux personnes victimes d’une crise cardiaque ou d’un accident vasculaire cérébral, la vaccination des filles de 9 à 13 ans contre le papillomavirus humain et le dépistage du cancer du col de l’utérus chez les femmes de 30 à 49 ans.

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