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Semences céréalières: Nos besoins se font sentir gravement

Cette situation était prévisible après une décennie de vaches maigres marquée par une sécheresse et des pénuries alimentaires en cascade, à cause d’un secteur agricole déjà en crise. Les réserves en semences n’existent pas.


La moisson céréalière de cette année semble moins bonne que souhaité. Voire «catastrophique», comme l’ont déjà indiqué bon nombre de céréaliculteurs. Soit à peine 2,5 millions de quintaux contre 11 millions récoltés l’année écoulée. Le tout sur une superficie moyenne de 1,6 million d’hectares, laquelle ne représente que 36% des terres cultivées chaque année, et dont le blé dur détient généralement la grosse part, à hauteur de 850 mille ha, selon des statistiques.

La revanche de l’histoire !

Cette situation était prévisible après une décennie de sécheresse marquée par des pénuries alimentaires en cascade, à cause d’un secteur agricole, déjà, en crise. La Tunisie, dans l’Antiquité était le grenier à blé de Rome, qu’on cherche, désormais, à ressusciter.

A grands coups de conduites culturales poussées, notre céréaliculture compte prendre sa revanche. Cela a dû commencer par un projet semencier, initié en 2007 par la Stima, société tunisienne spécialisée dans les intrants et le matériel agricole, alors pionnière en matière d’amélioration variétale. Conscient de l’importance stratégique du blé en Tunisie et sur le marché international, son gérant Abdelmonoem Khelifi s’est, depuis, lancé dans un partenariat fructueux avec l’obtenteur italien PSB des semences de blé, qui avait abouti à l’introduction, en Tunisie, de nouvelles variétés du blé dur.

En vertu d’un accord bilatéral, les deux campagnes 2007-2009 ont fait, d’ailleurs, l’objet d’essais à petite échelle, où «Saragolla» et «Irid» ont été retenues pour être semées dans sept gouvernorats céréaliers, à savoir La Manouba, Bizerte, Béja, Jendouba, Le Kef, Siliana et Zaghouan. Les résultats avaient dépassé les prévisions : la récolte était, à l’époque, assez bonne, frôlant 70 quintaux par hectare. L’opération fut ainsi menée avec succès, sous le contrôle du ministère de l’Agriculture et des différents groupements agricoles relevant de l’Utap. En témoignent aussi les exploitants qui l’ont déjà expérimenté et mis leurs parcelles à l’épreuve.

Quand les céréaliers témoignent !

Céréalier de métier, Kamel Zouari exploite deux parcelles de 250 ha, l’une à Teboursouk (Béja), l’autre à El Krib (Siliana), producteur du blé dur, accro du régime cultural par rotation avec des légumineuses et du colza. «J’ai tout essayé, mais je me suis fixé sur «Irid», en tant que variété italienne de choix, car elle est hautement rentable, bien que nos variétés tunisiennes, en l’occurrence «Khiar, Mâali» sont considérées aussi prolifiques, notamment au cours des bonnes saisons». Sauf qu’Irid brille en performance et résistance, avec du moins 20 quintaux par hectare, en temps sec, a-t-il souligné. Abdelaziz Bejaoui, céréaliculteur depuis 50 ans à Béja, lui aussi, avait un penchant pour la variété italienne «Grécale». Il l’a tant utilisée, à plusieurs campagnes. Et pourtant, l’idée de multiplication des semences n’a pas encore fait son chemin. Entre-temps, la Stima n’a pas cédé d’un pouce et continue de gagner en expérience et patience.

Pas plus tard que la semaine dernière, la bonne réponse vint d’outre-mer, de la PSB-Italie, obtenteur des semences séculaires.

Sur les beaux rivages de Carthage, banlieue nord de Tunis, les deux semenciers se sont donné rendez-vous avec l’histoire, à l’ère où la Tunisie fut véritablement la terre agricole bénie. Et que le nord-ouest devrait ainsi retrouver sa fertilité d’antan, à travers la multiplication des semences de blé de variétés à haut rendement. Saragolla et Irid ont déjà pris les devants, dont l’inscription au catalogue officiel de semences végétales a eu lieu, à la date de 2 mars 2010, au nom de la Stima. Au fur et à mesure, ces deux variétés ont pu montrer des comportements meilleurs que celles locales, surtout dans les conditions de cultures tunisiennes. D’ailleurs, elles sont les mieux recommandées pour leur excellente qualité de semoule et de gluten, mais aussi pour leur rendement très élevé. Leur adaptation aux caprices du climat semble aussi testée. Face à ces changements climatiques, de telles qualités ne sont qu’une valeur ajoutée pure et simple.

Partenariat gagnant-gagnant

Selon une source autorisée, la récente rencontre entre Stima-Tunisie et PSB- Italie vient confirmer l’assurance d’un partenariat gagnant-gagnant qui vise, a priori, à assurer une production de semences de blé dur et tendre au profit de nos agricultures tunisiens, avec un matériel génétique de qualité, à même de trouver de solutions face aux changements climatiques que nous sommes en train de subir dans la région, sous la pression d’un stress hydrique important. Un défi difficile à relever autrement.  Pour cela, ce partenariat va chercher, dans un premier temps, à assurer une quantité suffisante des semences précitées, à savoir Saragolla et Irid, de par leurs bonnes caractéristiques intrinsèques. Et introduire, en second lieu, de nouvelles variétés issues de programmes de recherche nettement améliorés initiés par la PSB et qui vont contenir des caractères plus importants encore une fois en termes de tolérance au stress hydrique et de stabilité, a-t-on appris de la même source.

«L’objectif est de chercher, dans un avenir proche, à promouvoir beaucoup plus cette collaboration et installer, pourquoi pas, une filiale PSB-Italie en Tunisie destinée à assurer la multiplication de semences de qualité qui soient traitées et conditionnées sur place, mais également à développer une unité de recherche en partenariat avec les chercheurs tunisiens et qui vont mettre, d’un côté comme de l’autre, du matériel génétique adéquat, afin de pouvoir assurer des croisements censés obtenir de nouveaux génotypes qui seraient utilisés aussi bien en Tunisie qu’en Italie et disséminer ses connaissances dans les pays limitrophes à savoir l’Algérie et la Libye», nous indique la même source. A quoi s’en tient la Stima, au final. Et c’est à quoi s’attendraient également nos céréaliers dont la récolte butait sur la carence des semences. Au point que M. Mohamed Nadri, ingénieur agronome retraité, et ancien directeur général de la Socoblé centrale, se demande quoi cultiver l’année prochaine, s’il n’y aura pas de semences suffisamment. Alors que l’Office des céréales prévoit un programme exceptionnel visant à mobiliser environ 700 mille quintaux de semences céréalières dont 200 mille quintaux de semences sélectionnées a été mis en place pour la saison 2024.

Et pour cause, la PSB-Italie n’est pas rentrée pas bredouille. Elle nous a proposé une offre céréalière qualifiée d’importante : «100 mille quintaux de semences Irid à semer sur près de 60 mille ha, à raison de 5% de la superficie tunisienne en blé, ce qui va produire un total de 2 millions de quintaux, soit plus de la récolte de cette année. En termes d’argent, cela pourrait nous rapporter plus de 300 milliards», nous explique ainsi le gérant de la Stima.

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