Après avoir brouté les toiles voluptueuses d’Edelweiss, on quitte les cimaises des yeux, mais, en quittant la galerie, nos yeux gardent en mémoire tout le paysage de l’exposition, qui nous pénètre, nous imbibe de couleurs salvatrices et nous invite à revoir le monde à la manière des yeux, de la peau, du cerveau et de la cosmogonie de la plasticienne.
Elle expose à la galerie «Jeelen» qui était une demeure ancestrale, réaménagée pour accueillir et les rencontres culturelles diverses et les expositions de peinture, dans une atmosphère de convivialité où des échanges entre artistes et féru(e)s d’art illustrent l’effervescence culturelle nabeulienne et donnent corps à la consécration de l’alchimie entre les œuvres de l’artiste et l’appréciation des regardants, conjuguant leurs diverses perceptions de la vision du monde affichée par l’artiste sur les cimaises et leurs émotions éprouvées sur les lieux où toute une cosmogonie subversive vient donner à voir des couleurs resplendissantes qui invitent l’œil regardant, à un voyage au pays de la félicité.
Et l’on part sur un tapis volant, vers des espaces oniriques où tout le monde est angélique, tout le monde est féerique.
Cosmogonie avons-nous dit?
Un brassage de toutes les mythologies, depuis les origines, s’opère et l’on nage dans des formes et des couleurs enivrantes.
Après avoir brouté les toiles voluptueuses d’Edelweiss, on quitte les cimaises des yeux mais, en quittant la galerie, nos yeux gardent en mémoire tout le paysage de l’exposition, qui nous pénètre, nous imbibe de couleurs salvatrices et nous invite à re-voir le monde à la manière des yeux, de la peau, du cerveau et de la cosmogonie de la plasticienne.
L’artiste plasticienne enjambe l’espace et le temps et vole dans les cieux aux couleurs de l’arc-en-rêves qui battent l’histoire de l’humaine condition, à même toutes les parois des mythologies originelles. Elle remonte toutes les théories de l’art, faites mines d’émotions hautes en références existentielles et en amours essentielles, traduites par des volûtes en palimpseste, des temps remontés et reconstruits en paradisiaques élans de libertés éthérées et concrètement croquantes.
Naufrage de l’écume !
Les personnages n’ont pas les pieds sur terre: ils volent sans ou avec des ailes. Ils chevauchent les éléments écumant l’eau des océans et les vents des déserts.
L’écume mythologiquement est à la base de la création de la plus belle créature jamais commise par les dieux: Aphrodite, déesse de la beauté, de l’amour, de la fécondité et de la séduction (Vénus, pour les Romains ou Ishtar-Astarté, chez les Carthaginois).
Symbole de légèreté, de finesse et d’élévation, elle chevauche la matière et exprime, paradoxalement, l’esprit beaucoup plus que la «chaire» et promeut l’apprentissage de l’homme à la culture, à la civilisation, aux parfums, aux saveurs et aux flaveurs éthérées.
L’écume est l’émule de Maronis, vieille figurine de vieille femme, accusant le poids des ans, en rides profondes, énumérant les multiples facettes de la sagesse.
Cette figurine se trouve au musée de Sousse et se trouve recréée ici et maintenant, par Edelweiss, notre artiste tuniso-suisse.
Assise, elle serre entre les jambes, un tonnelet de vin qui tient l’apprenti-homme, face à elle, à distance.
Le tonnelet est symbole d’ivresse, condition sine qua non de l’éducation-initiatique dont l’objectif est d’accompagner l’évolution du jeune premier, vers l’âge d’homme bien éduqué, adulte responsable et habilité à partager la vie d’une femme.
Cette initiation doit s’opérer par et avec, le corps de la femme sage et sage-femme de l’esprit, à l’image d’un Socrate pratiquant sa maïeutique magique.
Notre plasticienne nous renvoie, aussi au mythe de l’androgyne, de l’harmonie initiale des corps, selon la théorie grecque antique de l’amour, prônée par Aristophane.
Cultures et civilisations, aux parfums, aux saveurs et aux flaveurs éthérées du meilleur des mondes.
Néjib Gaça
(Critique d’art )