Dans le respect de la tradition, le Festival international de Hammamet a choisi d’ouvrir sa 57e édition avec le Théâtre et la pièce «Prometheus, The blue kangaroo» de Simone Mannino, une coproduction tuniso-italienne qui a réuni des comédiens de la trempe de Jamel Madani, Aymen Mabrouk et Mariem Sayeh avec des comédiens italiens autour d’une tragédie grecque revue au goût du jour. Une mise en scène contemporaine, une proposition esthétique et une écriture philosophique qui interpellent un public d’initiés.
Et même si le Théâtre de plein air de Hammamet n’est pas plein à craquer comme c’est le cas pour de nombreux concerts, une ouverture de cette envergure valait bien la peine. L’univers proposé, la réflexion faite autour de cette tragédie d’Eschyle, le regard posé sur le monde, la vie, la dualité de la naissance et de la Mort. Les éléments de la nature qui se battent pour abolir le règne absolu de l’homme. À ces questionnements, cette pièce vient donner des pistes de réponses qui, en revisitant un classique du théâtre, montent une pièce complètement reconstituée et résolument actuelle. Dans un registre tragique, Simone Mannino mêle les questionnements d’un texte philosophique à la rigueur d’une nouvelle esthétique dramatique pour dénoncer les politiques actuelles, bien loin de la surpuissance des dieux et des héros mythiques. On suit la déchéance de Prométhée, rendu à sa valeur d’humain, qui dans la mer infinie, dans les flots immaculés, se lave de la barbarie… En transposant les caractéristiques de la dramaturgie antique, il brosse à grands traits le tableau de notre monde actuel avec ses problèmes liés à l’environnement et au cynisme du genre humain.
La pièce ne construit pas de trajectoire mais une pensée, elle tisse une dialectique qui se construit par le mot. Les corps des comédiens, leurs gestuelles et leurs mouvements viennent impacter la parole qui, par effet sonore, sort de la bouche de ces personnages indéfinis comme la parole d’une divinité maléfique ou d’un être de feu et de lumière. Des voix rêches, rocailleuses, ténébreuses portées par une bande sonore grinçante aux effets redondants. L’annonce de l’apocalypse est dans chaque geste, dans chaque altercation, dans les trouvailles esthétisantes parfois un peu trop laborieuses et trop hermétiques par moments.
«Prometheus the last kangoroo » est une superposition de propos sur une plate-forme de dalles lumineuses comme si nous étions sur la bouche d’un volcan, la danse des personnages dans des costumes de couleur bleue compose un tableau remarquable. La mer qui brûle par le feu des hommes annonce la mort, peut-être même la renaissance. Et du corps du dernier des kangourous bleus l’espoir pourrait trouver un sens.