Le constat actuel laisse présager une crise qui risque de s’aggraver au cours de l’exercice qui pointe à l’horizon.
En football, il est difficile de définir la valeur d’un club, car elle n’est pas toujours tributaire de ses performances sportives. Nonobstant les résultats, il y a des indices qui interférent dans sa classification. L’opinion de Bill Shankly, entraîneur mythique des Reds de Liverpool (1959-1974), va de pair avec cette complexité dans la valorisation d’une association de football. «Certaines personnes pensent que le football est une question de vie ou de mort, moi je trouve ça choquant. Je peux vous assurer que c’est bien plus important que ça ». Plus que dribbler et jongler avec un ballon, ce sport est considéré de nos jours comme un business tentaculaire. Si l’on excepte cette suprématie sur le green ; enviée par tous les acteurs ; c’est le langage des millions qui enflamme les duels fratricides. Chez nous, hormis les grosses cylindrées (la liste se rétrécit), qui animent la scène, les autres se démènent contre vents et marées pour subsister. Alors, comment aborder le chapitre de la valorisation d’un club, en l’absence d’une vision associée à un manque affreux de moyens financiers qui fait de l’ombre dans cette valorisation ?
Dépendance envers la CPG
Le cas de l’ES Métlaoui est l’exemple édifiant de cette complexité. On peut oser avancer qu’il demeure l’unique club soumis à un « trust». Depuis son accession en Ligue 1, il se démène comme un beau diable pour subvenir à ses besoins les plus élémentaires. Dans le giron de ce club, on ne cesse de polémiquer sur le devenir à moyen et long terme, sous l’emprise de cette asphyxie budgétaire qui le fait dévaluer. Un feedback dans le temps nous renvoie en 1950, lorsque le club a vu le jour en Ligue française. Brahim Zammel, son président dans le temps, avait de quoi se frotter les mains. Parrainée par la compagnie des phosphates (l’actuelle CPG), l’ESM était une composante intégrante de ce trust qui se chargait de toutes les dépenses avec, en sus, un quota annuel de joueurs recrutés par la société. C’est ainsi que les joueurs-fonctionnaires étaient soumis au code du travail dans le temps. Dans ce sillage, il est à mentionner que l’Etoile minière détenait dans les années 60, le 2e budget après l’EST (168.000 dinars). Le calvaire des responsables métlaouis commença dans les années 70 à cause d’une révision à la baisse de ce parrainage. Passée cette décennie, le cordon ombilical entre le club et le producteur de phosphates fut coupé.
Une révolution suivie d’un soulèvement social qui a chambardé le cycle productif avec une chute des cours de cette richesse terrienne et la perte de certains marchés mondiaux, un tableau noirci et le plus prestigieux club minier se voit couper les vivres d’antan et passer au statut de club ordinaire, surtout que le gouvernorat de Gafsa s’est vu pousser d’autres associations. C’est la responsabilité sociétale de la CPG qui est mise en cause face à ces revendications financières. C’est une chronique des années de braise qui commença, même si le grand lot de son budget demeure cette manne de la compagnie. Le langage des chiffres dégage une intervention de la CPG au cours de l’exercice écoulé avec un don avoisinant les 2 millions de dinars sur un budget global de 2. 279.000 MDT. Cela n’empêche, la précarité financière frappe de plein fouet le club minier, exposé à maintes reprises à la colère des joueurs et le désistement de certains fournisseurs. Cela va aussi de cette vision flouée des responsables pour valoriser cette icône footballistique dans cette zone dans laquelle la CPG se trouve tiraillée entre les revendications de l’employabilité et une fluctuation des cours du phosphate.
Le constat actuel laisse présager une crise qui risque de s’aggraver au cours de l’exercice qui pointe à l’horizon. Avec un budget couvert essentiellement par la CPG, les responsables sont contraints de faire des acrobaties pour subvenir au besoins du club à l’aube de cette 11e saison en Ligue 1. Le club ne peut s’attendre à voir les sponsors se bousculer à sa porte, le GCT (groupe chimique tunisien), lui, fait souvent la fine bouche et la liste des adhérents affiche seulement 128 personnes. Un constat morose pour ceux qui se sont succédé, et celui qui vient de prendre les rênes du club, et pour lequel c’est un saut dans l’inconnu.
Comment valoriser cette entité sportive du bassin minier, qui, malgré les soubresauts financiers, a pu pérenniser son séjour parmi les grands depuis une décennie ? Pour cette association de 74 ans, un nouvel épisode de la chronique des années de braise se poursuit. La valoriser, c’est une autre paire de manches, mais l’on comprend cette inquiétude de la grande famille métlaouie, qui se trouve guettée, chaque saison dans les derniers mètres, par le spectre du purgatoire.