Accueil Culture Buika à Carthage: Chants d’amour et de liberté

Buika à Carthage: Chants d’amour et de liberté

Il est dix heures, vendredi 21 juillet, l’air est lourd, une humidité à couper au couteau. tous les gradins du théâtre antique de Carthage sont occupés. La vedette de la 57e session du Festival de Carthage s’appelle Buika, plus précisément, chanteuse espagnole d’origine équato-guinéenne, appelée par les gens du métier «  la voix de la liberté. » Lumières.

Sur les écrans au-dessus du décor de la scène du théâtre, défilent en vitesse des images abstraites, psychédéliques, la nuit noire s’éclaire, le silence est coupé par les cris et les applaudissements, apparemment elle est attendue par ses amateurs qui ont reçu via les réseaux sociaux un message leur annonçant une soirée d’enfer. Buika écume les scènes, les festivals toujours plus massifs, les ventes des disques plus colossales. Sur scène, à Carthage dans le noir, les musiciens, cinq en tout, entament des airs ibériques, le trombone répond aux timides percussions puis, lumières, Buika, en robe moulante, pailletée d’or, le sourire jusqu’aux oreilles, descend les marches, sa main tenue par un accompagnateur.

Habillée d’or comme pour démontrer que la petite María Concepción Balboa Buika, appelée Concha Buika, née sur l’île de Palma de Majorque a gravi les échelles de l’ascenseur artistique et social, parce qu’elle n’est pas née dans  la Palma de rêve des vacanciers aisés, mais dans les quartiers défavorisés, où vivent les marginaux toxicomanes,  les prostituées, les tziganes, les poètes et les artistes aussi, c’est dans cet environnement  que l’hôte de Carthage découvre la musique avec comme ambiance d’enfance l’amour et le flamenco.

C’est parti, elle s’empare du micro et en intro, plonge dans des airs ibériques, le trombone et la guitare espagnole  font le reste, Buika ne fait pas du pied au public mais explique ses souffrances, en anglais, en espagnol, le public ne répond pas, elle accélère le rythme, saute, la tête levée, essaie d’ouvrir une brèche dans le cœur du public, ses mouvements sont si véhéments en imitant la gestuelle de l’icône inégalable du Rock,  autrement dit, La Lionne Tina Turner, disparue en mai dernier. Applaudissements timides, quelques amatrices réclament plus de rythme «  No me Vayas…, » ça sera pour plus tard, Santiago Canada, au trombone pousse le piston, Jeronimo Maya adoucit sa guitare espagnole, ambiance, Buika chante une Dolor Rumba,  lancinante de Santana,  l’air s’épaissit, la moiteur ambiante, la voix langoureuse,  les pas de danse de quelque jeunes, nous plongent, qui sait sur le Malecon de Cuba ou au centre de Palma,« Rumba qui vous assomme par amour », dit la chanson.

D’amour, plus d’amour,  les tropiques, ah, l’amour, Buika s’y connaît, avec la liberté, elle en a fait de cette paire son credo; la voix monte au ciel, Amor Eterno, pas de réaction notable chez le public, modestes applaudissements, Buika insiste; elle chante Mi Nina Lola, sa voix s’amollit, Ivan Mellen aux percussions y va prudemment, lentement, Lopez à la basse appuie, un air de Fado, nostalgique et sensuel, la chanteuse est loin,  ailleurs, où ? Dans les tropiques, dans son élément, sa gestuelle est lente, mesurée, tendre, quand on prononce fado, un visage nous apparaît : la grande Amalia Rodriguez; un sentiment nous enlace : la nostalgie. Buika s’y applique et développe sa complainte, la tête au ciel, une suppliciée de l’amour, on vous dit.

La guitare reprend un air trempé, impétueux, effervescent, la tension monte d’un cran Amor Gitano fait légèrement chauffer les gradins, à la bonne heure ! Les éventails s’affolent, le public, principalement celui des gradins attrape le message au vol, enfin Buika lui demande de participer, les sons du trombone montent « Yo me, lo Morezco », de Santana, hautement réclamée clôt le spectacle, les paroles disent « je vais chanter pour ton amour parce qu’aujourd’hui je le mérite, je le mérite », le public répète, réagit et danse, Ouf ! Une heure quarante-cinq de show, Buika, à l’image des grandes vedettes, disparaît, sans rencontres, sans médias, sans déclarations, nada ! Une explication ? Son agent s’en fout.

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