A en croire les résultats des premiers mois de 2023, l’industrie textile et habillement a encore de beaux jours à venir. Après une décrue causée par la crise Covid, la filière démarre l’année en trombe : la hausse des exportations vers l’Union européenne, principal marché d’exportation, a dépassé les 16% au cours du premier trimestre. Cerise sur le gâteau: cette belle performance intervient au moment où les principaux fournisseurs du marché européen (La Chine, la Turquie, le Maroc …) ont essuyé une baisse de la demande.
La Tunisie a réussi à grignoter des parts de marché au détriment de ses concurrents pour accaparer près de 3 % du marché européen, contre 2,6% au cours de la même période de l’année 2022, lui valant la position de 8e principal fournisseur de l’Europe.
Il ne s’agit pas là d’une simple embellie. Les experts parlent d’une tendance durable qui annonce clairement l’orientation des Européens, en matière de sourcing textile, à miser davantage sur les fournisseurs tunisiens. C’est ce qu’a affirmé le conseiller stratégique, Jean François Limantour, dans un rapport qui a été récemment publié par l’association qu’il préside « Evalliance ». « Cette tendance positive est considérée comme durable, à condition que la Tunisie mette fin aux querelles politiques stériles et renforce sa stabilité pour devenir plus attrayante sur le plan économique », explique-t-on dans le rapport.
Et d’ajouter : « La Tunisie est, actuellement, le fournisseur le mieux positionné pour répondre à la demande croissante de produits de gamme moyenne à haut de gamme sur les marchés d’exportation. L’industrie tunisienne de l’habillement a une formidable opportunité avec l’orientation du marché vers le « fast fashion » moyen et haut de gamme ».
De nouvelles stratégies d’approvisionnement
Les changements qui se font jour dans le secteur de l’industrie mondiale du textile et d’habillement ouvrent, en effet, un boulevard aux professionnels tunisiens qui peuvent en tirer pleinement parti. Tout d’abord, il y a la crise du Covid et la guerre en Ukraine qui ont influencé les stratégies de sourcing des marques européennes. La hausse sans précédent du coût du transport maritime mais également la perturbation des chaînes d’approvisionnement ont poussé les Européens à repenser leurs politiques d’approvisionnement en optant pour le sourcing proche. Mais pas que. Les exigences environnementales de la filière qui s’est engagée à réduire son empreinte carbone et à adopter des politiques RSE sont à l’origine de la réorganisation de la carte sourcing des marques et grands producteurs européens. La chaîne de valeur textile étant parmi les plus fragmentée et étirée.
Dans une étude réalisée en 2022 sur les tendances du sourcing mondial, la Fédération française de la maille, de la lingerie et du balnéaire, indique que « les anciennes politiques sourcing, qui consistaient à passer régulièrement d’une zone de sourcing low-cost à une autre, semblent être remises en cause. La cartographie du sourcing n’est plus basée sur une approche géographique et sur la recherche continuelle des prix les plus bas, mais sur une demande croissante à développer plus d’agilité dans l’approvisionnement et réduction du Time to Market, ainsi que de transparence dans la fabrication des produits du textile-habillement ».
Aplanir les difficultés
L’étude explique que ces changements de structure forcent les entreprises à revoir complètement leurs politiques sourcing, pour aller vers un sourcing plus « customer-centric » tout en repensant les saisonnalités des collections, les quantités, le calendrier commercial, la gestion des stocks… C’est clair, c’est une aubaine pour un des principaux secteurs pourvoyeurs d’emplois en Tunisie. Avec plus de 1.600 unités de production, employant près de 160 mille personnes à travers le pays, la filière peut s’ouvrir à de nouvelles perspectives. Mais les défis et lacunes subsistent.
A leur tête, figure le problème de la pénurie de main-d’œuvre. En effet, face à cette croissance de bon augure, les unités de production sont appelées à faire preuve d’agilité et de rapidité. Pour cela, elles doivent disposer d’employés bien formés qui sont prêts à s’adapter à une demande en dents de scie. Or, le secteur manque cruellement de main-d’œuvre, d’autant plus que les jeunes boudent de plus en plus l’environnement de travail dans les usines. Raison pour laquelle, la Fédération travaille, de concert avec le département de la Formation professionnelle, pour améliorer l’attractivité des métiers du textile. Aussi, l’industrie doit relever un autre défi, celui de la modernisation et de la montée en gamme. C’est ce qu’a affirmé, récemment, le nouveau président de la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement (Ftth), Haithem Bouagila, sur les ondes d’une radio privée.
Il a souligné qu’outre le problème de financement que rencontrent la plupart des unités de production aussi bien offshore qu’onshore, la filière a un souci d’innovation et d’excellence. «Une industrie intégrée, responsable environnementalement et socialement, engagée et innovante », telle est la vision imaginée de la Fédération. Selon son président, l’accélération promise par le ministre de l’Economie, Sami Saïed, de la mise en œuvre du pacte quinquennal de compétitivité dont la mise en exécution trébuche, depuis sa signature avec le gouvernement en 2019, permettra de concrétiser cette vision ambitieuse.