Décédé le 27 juillet 2023, Ali Ben Salem, surnommé «doyen des militants» et appelé, affectueusement, «Am Ali», a marqué la longue histoire du militantisme contre le colonialisme, ensuite contre les dictatures et la répression, avant de faire un bref détour dans la vie politique contemporaine en sa qualité de doyen des députés à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en décembre 2014.
En effet, c’est à la date du 9 décembre 2014, qu’Ali Ben Salem a été «redécouvert» par le grand public lorsque du haut du perchoir du palais du Bardo, il devait présider, lui le doyen d’âge, la première séance plénière de la première Assemblée des représentants du peuple, fraîchement élue.
Après avoir souffert, des dizaines d’années de la répression, des tortures, des procès, des emprisonnements aussi bien sous le régime colonialiste français que sous Bourguiba et Ben Ali, le grand militant a refait surface, toujours poussé par son souci de faire triompher la justice et la liberté pour les Tunisiens.
Feu Ali Ben Salem a toujours été mû par une détermination à toute épreuve pour faire prévaloir l’amour de la nation et son patriotisme exacerbé, loin des manœuvres politiciennes et des intérêts personnels.
D’ailleurs, quelques mois après son élection à l’ARP sur une liste de Nida Tounès de feu Béji Caïd Essebsi, «Am Ali» finira par prendre ses distances dudit parti.
Aujourd’hui lui rendre hommage posthume n’est que justice au grand militant qui a voué sa vie à son pays.
Ali Ben Salem était un homme d’action et de terrain. Il n’a pas hésité à prendre les armes et à rejoindre le maquis, concrétisant sa volonté de combattre la colonisation française. C’est dans ce cadre qu’il participe notamment au braquage de la poste centrale de Bizerte et au déraillement d’un train. En 1954, il est condamné à mort par un tribunal militaire français mais il parvient à échapper à cette sentence. Après avoir donné l’exemple d’un engagement sans faille en l’honneur de la patrie, Ali Ben Salem a fait preuve de sagesse après l’obtention de l’autonomie interne de la Tunisie et la scission yousséfiste qui a failli tourner à la guerre civile entre les partisans de Habib Bourguiba et ceux de son rival Salah Ben Youssef.
Ayant fait une évaluation de la situation, «Am Ali» a opté pour la neutralité entre les deux leaders de l’époque, ce qui lui a valu d’être «maudit», voire pourchassé, par les deux «frères ennemis». Face à cette nouvelle situation intenable, il choisit l’option de la clandestinité en s’exilant en Libye.
Risquant, de nouveau, sa vie, il décide de sortir de la clandestinité pour prendre part aux préparatifs de la bataille de Bizerte en juillet 1961 à laquelle il prend une part active aux côtés de la jeune Armée nationale tunisienne et de nombreux autres citoyens volontaires.
Or, malheureusement, mal préparée, la bataille tourne à la débâcle, alors «Am Ali» en sort avec deux blessures, au cou et au dos.
Il avait également participé, alors avec d’autres anciens militants nationalistes ainsi que des militaires, à la tentative de ce qui était appelé «complot contre Bourguiba en décembre 1962». Mais la tentative est déjouée par les autorités qui arrêtent les auteurs. Après avoir échappé, dans un premier temps, à son arrestation, il a finalement décidé de se rendre. Il est passé, alors en jugement devant le tribunal militaire de Tunis qui l’a condamné aux travaux forcés à perpétuité pour tentative d’assassinat du président de la République avant d’être gracié avec tous les membres du groupe des insurgés le 31 mai 1973.
Reprenant le combat, cette fois-ci, contre le régime de Ben Ali, il l’a mené au sein de la Ltdh, qu’il a fondée en 1977 en compagnie, notamment, de Saâdeddine Zmerli et Mustapha Ben Jaâfar, tout en militant pour la libération des prisonniers politiques et plus généralement pour le respect des droits de l’homme en Tunisie.
Et en 1998, il participe à la fondation du Conseil national pour les libertés en Tunisie avec plusieurs autres militants des droits de l’homme avant de créer l’Association de lutte contre la torture en Tunisie.
C’était un militant hors pair, un patriote sincère. Am Ali a été l’îcone d’un patriotisme sans faille, incarnant l’intégrité exemplaire d’une figue tunisienne légendaire.