La sortie peu glorieuse de nos trois représentants dès la première phase de la Coupe du Roi Salmane est plus qu’une grande déception.
C’est une des plus sombres pages de l’histoire de notre sport-roi. On s’attendait à tout sauf à ce que l’EST, le CSS et l’USM fassent ensemble leurs valises dès le premier tour de la Coupe du Roi Salmane et regagnent Tunis le même jour. Le bilan est triste et lourd, alors que des milliers de fans, laissés sur leur faim, ahuris même, voire abasourdis, sont ramenés à la dure réalité, eux qui rêvaient d’un parcours honorable pour les Sfaxiens, du dernier carré pour les Monastiriens et du sacre pour les «Sang et Or» qui, en passant, étaient parmi les grands favoris pour monter sur le podium et décrocher le précieux trophée.
Triple déroute et sombre tableau
C’est plus qu’une débâcle collective inimaginable. C’est un séisme qui va faire vaciller nos responsables sportifs et va forcément remettre en question le classement «fantaisiste» de notre championnat qualifié à tort de meilleur au niveau arabe. Ne pas oublier aussi que cette déroute dans cette épreuve au sommet est un indice plus qu’inquiétant avant le démarrage de la Coupe de la CAF et de la Ligue des Champions. Zéro victoire pour les trois équipes en trois matches. Deux points au compteur de l’Espérance, un seul but marqué contre deux encaissés devant l’Ittihad. Il faut se creuser longuement les méninges pour trouver dans les archives de notre club le plus titré un parcours similaire aussi désastreux. Le CSS, quant à lui, est tout heureux d’avoir pu grappiller un point après deux défaites contre Al- Shorta Irakien et contre Karim Benzema et les siens. Le fait d’avoir barré le chemin des quarts de finale aux «Sang et Or» est tout sauf un exploit dont il peut se vanter, au regard d’un jeu sans mérite proposé et du facteur chance qui a largement joué en sa faveur et lui a évité, par miracle il faut l’avouer, un naufrage sans précédent. Le tableau des Sfaxiens est sombre avec cet échec offensif total de zéro but marqué en 270 minutes de jeu. L’USM, elle, a fait le plein de buts encaissés (9 au total) dont quatre contre Ezzamalek, quatre contre Al-Nasr et un contre Al-Shabab qui n’a pas trop appuyé sur l’accélérateur et s’est contenté du strict minimum pour se qualifier. Ce faisant, même si pour leur dernier match, les hommes de Tarak El Jani ont rectifié un peu le tir, se sont bien opposés à leurs adversaires avant de céder sur penalty, leur production d’ensemble n’a nullement ressemblé à un baroud d’honneur.
Le premier fusible, c’est l’entraîneur !
Ce bilan chiffré effarant de nos trois représentants parle donc de lui-même pour montrer l’ampleur du désastre. La première des réactions a été, bien entendu, de tirer à boulets rouges sur les staffs techniques en place. Une partie des fans de l’Espérance réclament «la tête» de Mouîne Châabani après l’avoir porté aux nues un temps. Anis Jerbi, à son tour, n’a pas échappé aux critiques et n’a pas fait mieux que Hossem El Badri qui a quitté le navire sfaxien avant le naufrage. Tarak El Jani, quant à lui, n’est plus sûr de continuer à bénéficier de la confiance du président de l’USM, Ahmed El Belli, qui semble réfléchir pour trouver un nouveau timonier avant le 19 août.
A armes inégales
Passons maintenant aux acteurs du jeu. Les joueurs n’ont pas été, eux aussi, épargnés par cette colère légitime des responsables et des supporters. C’est injuste comme analyse à chaud car le premier et le vrai coupable se trouve ailleurs. Le championnat de la saison écoulée ne s’est terminé que fin juin alors que le coup d’envoi de la Coupe arabe était programmé dans la dernière semaine de juillet. Avec moins d’une semaine de repos, le retour forcé à l’entraînement a produit son effet sur les organismes, altérant une fraîcheur physique déjà déficiente après une saison marathon. Le mercato estival a, quant à lui, débuté assez tôt, le 1er juillet, et les effectifs des trois équipes ont été largement chambardés avec au minimum une demi-douzaine de joueurs cadres partis et l’engagement dans la précipitation d’autres recrues avec obligation d’intégration en un temps record. Alors que les clubs des pays du Golfe avaient étoffé leurs équipes avec le recrutement à prix d’or des meilleurs joueurs du monde tels que Benzema et Ronaldo, nos clubs, usés par les crises financières et les sacrifices énormes pour lever sur le fil les interdictions de recrutement, n’ont pu recruter à la hâte que des «seconds couteaux» et d’autres joueurs prometteurs qui avaient besoin d’un temps d’adaptation. Nos représentants en Coupe arabe étaient donc lancés dans une âpre bataille, à armes inégales pour pouvoir rivaliser avec les grosses cylindrées naissantes d’Arabie Saoudite, du Qatar et des Émirats Arabes Unis. Sur ce, même des clubs mieux structurés et mieux lotis que les nôtres, tels que le Ezzamalek, le WAC et le CRB, ont également quitté très tôt la compétition et ont fait leur aveu d’impuissance face à des clubs aux potentiels humain et technique impressionnants et aux moyens financiers colossaux. En l’état, seul le Raja de Casablanca a réussi à tirer son épingle du jeu et à passer en quarts.
La Ligue pointée du doigt
Ce faisant, la première instance à devoir être pointée du doigt et endosser la grande part de responsabilité de cet échec cuisant est la Ligue nationale de football professionnel guidée par Mohamed El Arbi. Ainsi, la Lnfp s’est montrée incapable de bien programmer et de bien gérer un calendrier qui ménage nos clubs et puisse leur offrir les meilleures conditions de préparation de leur participation aux grands rendez- vous de football de haut niveau. Et en conséquence, maintenant, l’Espérance Sportive de Tunis a forcément de quoi être irritée par une instance qui ne l’a pas ménagée avec une série de plusieurs matches tous les trois jours dont le seul objectif fût de se racheter des reports improvisés et de boucler coûte que coûte la compétition avant la date butoir du 30 juin. D’ailleurs, ladite formule du championnat, une joute en deux phases, a fait son effet avec des clubs comme l’UST, la saison passée, et l’USBG, la saison d’avant, qui ont joué les simples figurants et ont faussé le classement des pelotons des quatre premiers. Et «bis repetita» cette année avec en prime cette même formule et une technique de la VAR «à la carte», puisque tous les stades ne sont pas bien équipés pour assurer son bon fonctionnement. Comment voulez- vous donc que notre football d’élite évolue quand, au sommet des instances, des ronds de cuir en total décalage avec les besoins de notre sport-roi continuent d’exercer et surtout à s’accrocher à leurs fauteuils jusqu’à la fin de leur mandat en mars 2024 ? En l’état, faire son mea culpa ou démissionner pour insuffisance de résultats ne sont pas à l’ordre du jour ni au goût du jour ! Bref, avec eux, on oublie tout, on efface tout et on recommence !