La dégradation du parc urbain Ennahli est l’un des aspects révélateurs de la crise que traverse la stratégie environnementale du pays… Cette situation témoigne également des problèmes liés à une urbanisation marquée par son incapacité à préserver et à valoriser les espaces verts, empêchant ainsi l’amélioration du cadre de vie des citoyens…
Le département de la justice environnementale du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes) vient de publier sa revue semestrielle de la justice environnementale, sous la forme d’une série d’articles qui traitent les différentes questions environnementales, tout en mettant en évidence les principales violations et atteintes aux droits environnementaux des individus.
Intitulé «La dégradation du parc urbain Ennahli : Le reflet de la crise de la stratégie environnementale», l’article d’Imen Garci aborde un sujet ancien, mais toujours d’actualité, à savoir le droit aux espaces verts et aux parcs urbains, tout en mettant en lumière la détérioration de la situation du parc Ennahli à l’Ariana et l’arrêt des travaux de maintenance, ainsi que l’état actuel du parc en raison de la négligence de ce dossier par le ministère de l’Environnement.
La Tunisie a perdu sa stratégie environnementale…
D’une manière générale, après la révolution de 2011, la situation des espaces verts en Tunisie s’est considérablement détériorée, même pour ceux qui bénéficiaient de conditions favorables. Des parcs tels qu’Ennahli à l’Ariana, Farhat Hached à Radès, El Mourouj, et d’autres, ont subi une détérioration notable qui se caractérise par une baisse significative de la qualité des installations et des équipements, ainsi qu’une dégradation de la propreté et de l’entretien. Ce constat suggère que la Tunisie a perdu sa stratégie environnementale, dont la façade est les parcs urbains, qui était autrefois considérée comme une priorité nationale.
“Considéré comme l’un des plus grands et des plus importants parcs urbains du pays, le parc Ennahli a subi au fil des années une détérioration progressive en raison de plusieurs facteurs, principalement le manque des travaux d’entretien et les nombreux retards subis par les travaux de restauration et de maintenance qui n’ont commencé qu’en 2021. Par ailleurs, depuis cette date, ces travaux ont été interrompus à plusieurs reprises, ce qui a suscité des inquiétudes quant à la réalisation complète du projet et à l’état actuel du parc qui est devenu un site de chantier inachevé qui ne propose même pas les services les plus élémentaires aux visiteurs qui continuent, tout de même, à le fréquenter jusqu’à présent”, souligne le document.
Un chantier abandonné…
L’article ajoute que le projet d’aménagement du parc s’est appuyé sur trois axes principaux, à savoir l’aménagement et l’enrichissement des plantations existantes, l’installation d’équipements récréatifs et d’infrastructures, ainsi que la valorisation et la préservation de l’espace naturel.
Toutefois, après la révolution, le parc Ennahli n’a pas été épargné par la dégradation qui a touché de nombreux espaces publics à travers le pays et au fil du temps, la quasi-totalité de ses éléments et installations ont subi une détérioration considérable. À cela, on ajoute que, depuis mars 2021, les travaux de restauration et de maintenance qui devaient remédier aux différents problèmes n’ont pas été achevés et cela jusqu’à ce jour.
“Au lieu d’améliorer l’état du parc, les travaux en cours ont plutôt aggravé la situation. Des bancs sont éparpillés un peu partout, des tas de sables et graviers, des matériaux de construction sont jetés par terre et abandonnés, donnant une impression de chantier abandonné. Même les toilettes du parc sont en cours de rénovation, ce qui limite encore davantage les installations disponibles pour les visiteurs”, souligne le document, tout en ajoutant que les principaux facteurs ayant contribué à la dégradation du parc Ennahli sont relatifs au statut juridique de l’Anpe (Agence nationale de protection de l’environnement) et à l’instabilité administrative au sein de cet organisme ainsi qu’aux aspects fonciers et au problème d’irrigation.
Pour le premier facteur, le document n’a pas manqué de souligner l’existence de plusieurs problèmes majeurs qui entravent la préservation et l’entretien adéquat des parcs sous la responsabilité de l’Anpe.
L’un de ces problèmes est l’absence d’un statut officiel pour l’Anpe en tant qu’organisme chargé de la gestion des parcs.
“En effet, sa tutelle actuelle est temporaire et non officielle, car elle n’a pas été mandatée par les autorités locales compétentes. Conformément à la loi n° 2005-90 du 3 octobre 2005 relative aux parcs urbains, l’exploitation et la gestion de ces espaces devraient être confiées aux collectivités locales.
Cependant, ces dernières affirment qu’elles ne disposent pas de moyens suffisants pour prendre en charge des parcs tels que Ennahli, et refusent donc d’assumer cette responsabilité”, explique le document, tout en ajoutant que cette situation présente des défis quant à une exploitation optimale des parcs, car l’Anpe ne dispose pas des compétences nécessaires pour louer des espaces au secteur privé afin de générer des ressources et combler le déficit budgétaire.
En ce qui concerne la question foncière, le document indique que lors d’une réunion ministérielle de 2013, il a été proposé de créer une commission au sein du ministère de l’Intérieur, composée de représentants du ministère des Domaines de l’État et des municipalités concernées. Cette commission aurait pour mission de résoudre les problèmes fonciers associés aux parcs urbains, étant donné que ces derniers ont entraîné des difficultés dans l’exploitation, la valorisation et le développement de ces espaces et découragent les investissements au sein des parcs, par crainte qu’un propriétaire ne réclame un jour la restitution de ses terres.
L’instabilité administrative pointée du doigt
En plus de l’absence de statut officiel pour la gestion des trois parcs qui relèvent de sa responsabilité, l’Anpe rencontre de nombreux problèmes internes. Depuis la révolution, plusieurs directeurs ont été révoqués et remplacés par d’autres. D’ailleurs, depuis janvier 2023, l’Anpe est dirigée par un directeur par intérim, et ce n’est qu’au premier juin 2023 que le ministère de l’Environnement a nommé un nouveau directeur général. Cette instabilité au niveau de l’administration a eu des conséquences sur la gestion des parcs et a entravé la planification des travaux d’entretien.
L’autre facteur contribuant à la dégradation des parcs urbains est l’absence d’un système d’irrigation interne.
Comme l’a souligné le document, l’eau joue un rôle essentiel dans l’entretien et le maintien des espaces verts. En raison du manque ou de détérioration de solutions abordables telles que les puits et les eaux traitées, les gestionnaires des parcs sont contraints d’utiliser de l’eau potable pour l’irrigation, ce qui engendre des coûts importants résultant des factures d’eau et d’électricité.
“Ces dernières années, l’Anpe a cessé d’irriguer le parc Ennahli, ce qui a eu un impact négatif sur la végétation et la verdure, notamment à l’entrée principale. Force est de signaler qu’en 2004, l’Onas a réalisé des travaux pour connecter les eaux traitées de la station d’épuration de Chotrana au réseau interne du parc Ennahli avec un coût de 1,5 million de dinars… Malheureusement, cette installation a été exploitée pendant une période limitée à cause des défaillances techniques. Cela soulève des questions sur la gouvernance et la gestion par tous les acteurs impliqués”, précise le document.
Pour conclure, l’auteure de l’article indique que la dégradation des parcs urbains est l’un des aspects révélateurs de la crise que traverse la stratégie environnementale du pays et des obstacles rencontrés par le programme national des parcs urbains. Cette situation témoigne également des problèmes liés à une urbanisation marquée par son incapacité à préserver et à valoriser les espaces verts, empêchant ainsi l’amélioration du cadre de vie des citoyens…
Cela peut être dû au fait que l’aspect environnemental est considéré comme une question secondaire et non prioritaire par rapport aux problèmes urgents qui se sont imposés, naturellement, compte tenu de l’absence du minimum de dignité de vie.