Ahmed Hafnaoui doit son exceptionnel bilan aux championnats du monde, d’abord, à son génie et son talent, puis à la qualité de l’encadrement aux USA où il s’est installé depuis deux ans. Qu’on arrête de s’approprier ses consécrations, et même s’il est parrainé par sa Fédération et puis par le ministère du Sport (avec un budget insignifiant, faut-il le préciser), Hafnaoui, comme tous les autres champions de sa trempe, appartient à la classe de la super élite, c’est-à-dire la crème de la crème.
Il est aujourd’hui au premier échelon d’un parcours éblouissant qui l’attend. Il va doucement mais sûrement vers le summum de son art, et, à ce niveau, les moyens financiers et humains, ici, ne permettront jamais à Hafnaoui de rester à ce rang. Ce n’est pas une question de volonté, mais d’aptitude. L’organisation actuelle qui gère le dossier de l’élite est très loin de ce qui doit se faire. Gros moyens financiers, logistique moderne et adaptée aux «super performance», entraîneurs, techniciens et dirigeants imprégnés du sport de très haut niveau, le compte n’est pas bon ici. C’est pourquoi nos champions tunisiens s’installent à l’étranger pour monnayer leur talent. Ils ne peuvent plus s’aligner aux nombreuses défaillances et aux carences incurables à court terme.
Il est temps de repenser une fois pour toutes le système de l’élite. Mas est-ce qu’il y a les gens capables de réformer ce système faillible ? Y a-t-il aussi une volonté au sein du ministère du Sport et dans son département élite à aller au-delà des textes et des procédures caduques pour servir les champions ?
Par rapport à ce qui existe ailleurs, la matière première est assez satisfaisante dans certains sports individuels (c’est là où le criblage devrait se faire), mais, en réalité, ces projets de champions disparaissent faute d’un meilleur encadrement, faute de structure, de soutien financier et administratif (ces champions n’ont personne pour leur faciliter l’accès aux visas, l’obtention des bourses, l’hébergement…). C’est cela le vrai calvaire de notre élite : ils sont presque abandonnés, et ce qui se fait est très insuffisant pour réussir à l’international. Peut-être qu’on peut attester que le problème n’est pas seulement financier.
Il est aussi organisationnel et humain. Ceux qu’on place aux fédérations et au ministère du sport pour gérer le dossier de l’élite et pour accompagner les champions n’ont pas les qualités et le profil pour le faire. Dépassés, incompétents et insoucieux, ils finissent par laisser, petit à petit, ces champions à la traîne. Seuls ceux et celles qui se sont pris en charge et ont compté sur l’«étranger» ont pu rayonner et résister. Les autres ont dû, hélas, flâner et se perdre dans l’épuisant labyrinthe qui étouffe et déboussole les athlètes de haut niveau.