Entrepreneuriat féminin : Encore du chemin à parcourir

Si dans le monde du salariat, les barrières  à l’accès des femmes  subsistent, le monde de l’entrepreneuriat n’échappe pas lui aussi à cette même réalité. Certes, des femmes brillantes, aux parcours prolifiques, ont pu faire l’exception et montrer la voie du succès en se mettant à leur compte, en montant des projets ou en prenant les rênes d’une société léguée, mais l’entrepreneuriat demeure un domaine exclusivement dominé par les hommes.

Il y a quelques décennies de cela, c’était improbable, impensable: les femmes ont massivement investi le marché du travail, tout particulièrement le monde du salariat. Loin d’être un long fleuve tranquille, leur combat pour l’émancipation économique se poursuit toujours. Car, si la Tunisie est connue pour être un des premiers pays du monde arabe à instaurer un cadre juridique et réglementaire en faveur de l’égalité des sexes, notamment dans le monde du travail, sur terrain les disparités sont encore énormes. Et ce sont les statistiques qui le disent. En effet,  le chômage frappe beaucoup plus les femmes que les hommes : il est d’environ 21% contre 14 % pour les hommes. Le gap s’élargit encore quand il s’agit de diplômés de l’enseignement supérieur : le taux de chômage des femmes passe à environ 30%, alors que celui des hommes ne dépasse pas les 16 %. Ces chiffres sont étrangement paradoxaux puisque les femmes  représentent plus des deux tiers des diplômés de l’enseignement supérieur. Ils ne font que refléter la condition féminine: ce plafond de verre que les femmes n’arrivent toujours pas à briser est particulièrement solide. Et pour cause: des normes sociales de genre qui sont  bien ancrées et qui ont la peau dure. Pourtant, la participation des femmes à la vie économique est un gage de progrès et de prospérité. “L’égalité des sexes n’est pas une fin en soi. Elle est également un moyen de promouvoir le développement économique. Les préjugés sexistes, les inégalités entre les sexes dans le domaine du travail, dans l’accès aux crédits, dans la répartition des richesses et du revenu et dans la prise des décisions constituent autant d’obstacles à l’utilisation efficace et productive des ressources humaines pour répondre aux besoins des populations”, note-t-on dans un rapport des Nations unies sur la mondialisation et ses conséquences sur l’emploi des femmes.

L’entrepreneuriat, un dernier refuge ?

Si dans le monde du salariat, les barrières  à l’accès des femmes  subsistent, le monde de l’entrepreneuriat n’échappe pas à lui aussi cette même réalité. Certes, des femmes brillantes, aux parcours prolifiques, ont pu faire l’exception et montrer la voie du succès en se mettant à leur compte, en montant des projets ou en prenant les rênes d’une société léguée, mais l’entrepreneuriat demeure un domaine exclusivement dominé par les hommes. Selon les estimations nationales,  23% seulement des entreprises sont dirigées par des femmes. Un taux, qui se situe en dessous de la moyenne mondiale, estimée à environ 33%. Dans le secteur de la tech, les chiffres sont plus choquants: 4% seulement des start-up labellisées sont fondées (28% co-fondées)  par des femmes.

Bien que l’entrepreneuriat féminin soit un levier avéré de croissance, beaucoup de femmes ont du mal à démarrer leurs projets. Souvent poussées dans leurs derniers retranchements, particulièrement à cause d’un contexte de précarité et d’instabilité professionnelle, de plus en plus de femmes choisissent l’entrepreneuriat pour assurer leur autonomie financière.

“La première motivation qui pousse les femmes à entreprendre reste le besoin financier, étroitement lié au besoin de trouver une solution au chômage, fléau dans de nombreuses régions défavorisées. C’est donc par nécessité économique qu’elles se tournent vers l’entrepreneuriat, voie qui leur évite d’être tributaires d’autres personnes pour trouver une source de revenu. D’autres raisons peuvent pousser les femmes à entreprendre, notamment l’envie ou le besoin de s’émanciper ou de trouver un certain épanouissement personnel à travers le travail. Cette motivation concerne de plus en plus les nouvelles générations. Ces dernières sont aussi poussées par l’envie de changer les choses et de créer de l’impact, que ce soit dans leur région, ou auprès de leurs concitoyennes qu’elles encouragent dans cette dynamique professionnelle”, explique le rapport thématique sur l’entrepreneuriat féminin et l’autonomisation des femmes en Tunisie dans le cadre de Mashrou3i, un projet réalisé par les Nations unies en partenariat avec Usaid, l’agence de coopération italienne et la fondation HP.

Braver les défis

En effet, la réalité des femmes entrepreneuses est loin d’être reluisante en raison de la pléthore d’obstacles auxquels elles sont confrontées. Car entre difficultés accrues d’accès au financement et aux marchés et obligation de concilier vie familiale et vie tumultueuse d’entrepreneuse, les femmes se battent pour décrocher leurs succès.

Selon les résultats de la dernière édition du baromètre de la santé de la PME MIQYES qui s’est focalisée sur les femmes cheffes d’entreprise, les bénéfices des entreprises détenues par des femmes sont en moyenne de 34% inférieurs à ceux de leurs homologues masculins même si  67% des répondantes disent avoir  réussi à obtenir de nouveaux clients ou marchés. L’enquête a révélé qu’elles ont plus de difficultés à obtenir des crédits d’investissement avec un taux de refus plus élevé atteignant 51,1% contre 41% pour les hommes. 59% d’entre elles affirment qu’elles ont du mal à  trouver un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Le baromètre a également fait ressortir que les femmes ont généralement tendance à gérer des entreprises de petite taille : 61% des femmes interrogées sont aux manettes de PME réalisant des chiffres d’affaires inférieurs à 500.000 dinars contre 57% pour les hommes.

Ce tableau brossé montre que dans le monde professionnel, les femmes ont parcouru beaucoup de chemin, mais il en reste encore à parcourir.  Si elles sont libres d’embrasser la carrière professionnelle dont elles rêvent, si elles peuvent construire leurs propres projets et diriger leurs entreprises tout  en relevant une ribambelle de défis, elles doivent faire sauter d’autres  verrous qui les empêchent de progresser professionnellement et de faire grandir leurs entreprises.

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