La doyenne de la presse féminine n’est plus. Dorra Bouzid a été, tout au long d’un parcours journalistique exceptionnel dédié à la liberté et à l’autonomie des femmes en Tunisie, une journaliste qui a fait preuve d’un courage et d’une audace remarquables. Inlassable, elle n’a cessé, depuis 1953, de s’engager à écrire et à publier en faveur de l’émancipation de la femme tunisienne et arabe.
Dorra Bouzid, née à Sfax en 1933, est décédé hier à l’âge de 90 ans. Son père, feu Hamed Bouzid, était un célèbre acteur amateur de Sfax, et sa mère, feu Cherifa Messadi, enseignante émérite et première femme leader syndicaliste du monde arabe, s’était remariée avec Mahmoud Messadi, célèbre écrivain, leader nationaliste, homme d’Etat, etc.
Elle a fait des études en beaux-arts, musique et chant (Tunis) et en pharmacie et sérologie (Paris).
Elle adhère en 1953 à l’Uget à Paris où elle fut la première jeune fille membre du bureau clandestin pour militer contre le colonialisme à travers ses articles dans L’Etudiant Tunisien.
En 1955, elle cofonde la première page féminine et féministe arabo-africaine L’action féminine, un an avant l’Indépendance, sous le pseudonyme protecteur de Leila, devenu Jeune Afrique.
En 1959, elle fonde le premier magazine féminin arabo-africain Faiza (1959-Déc.67) où elle signe sous le pseudonyme de Férial, puis le nom de Dorra Ben Ayed, puis Dorra Bouzid et Cactus.
Mais multiples sont les lieux où son talent et son énergie se sont s’exprimés. Elle diffuse ses articles partout ; de Beyrouth au Québec en passant par Rabat, Alger ou Paris. Dorra Bouzid acquiert une renommée médiatique internationale. Ses articles sont publiés dans New York Herald Tribune, Elle, Le Monde, Hollidays, El messagiero, et tant d’autres en Europe, au Maghreb ou en Afrique.
En Tunisie, elle a roulé sa bosse un peu partout, et a eu des collaborations multiples à Assabah, à La Presse (1972 – 1973, 1992-1994 – 1996) où elle a créé sa page féminine : La Presse au féminin; l’Action devenue le Renouveau (1965-1977 et 1995) : Tunis Hebdo (1978-1979), sous le pseudonyme de Férial (puis 1991 à 1996) ; Le Temps et Le Temps Hebdo (1984) ; La Gazette Touristique et L’Hebdo Touristique (1986 à 1988) ; 7e Art (1986) ; Le Maghreb (1990) ; l’émission de l’Ertt «Point de rencontre» (12 avril 1982 au 27 juin 1983) ; l’Observateur (1995) ; Le Monde Diplomatique (1991-96); Femme (1997) et Femmes et Réalités.
Son combat a été de vouloir toujours faire évoluer les consciences, briser les préjugés enracinés. D’une polyvalence tout à fait étonnante, elle a été inlassable, dynamique et passionnée.
Ardente et toujours prête à relever les défis, la flamme du journalisme l’a toujours habitée.
Nous faisons aujourd’hui nos adieux à une journaliste qui a consacré toute sa vie à une noble tâche : celle de faire avancer la cause des femmes, contribuer à l’émancipation et au progrès en Tunisie.