Malgré leur épaisseur, les remparts sont construits en briques dont le mortier est en terre, ce qui offre une matière très sensible aux intempéries.
Les remparts de Kairouan datent du début du XVIIIe siècle et remontent à l’époque huseïnite. D’un périmètre total de 3,5 km, ils comportent 20 tours rondes avec des bastions servant à accueillir des pièces d’artillerie. Quant à leur hauteur, elle varie de 4 à 8 mètres.
Par ailleurs, les remparts se terminent par des créneaux arrondis et comportent plusieurs portes dont les plus solides sont Bab El Jedid, Bab El Khoukha (porte de la Poterne) construite vers 1705, ouvrage à passage coudé où furent réutilisés des chapiteaux byzantins, Porte de Tunis (Bab Tounès), elle a été remaniée sous Ali Bey en 1771-1772, c’est un passage coudé dont les baies conservent dans leur décor des chapiteaux antiques et Bab Ech Chouhada (Porte des martyrs), une porte à double arcade (celle de droite est moderne), remaniée vers 1772 et qui conserve à l’intérieur des matériaux antiques, notamment des chapiteaux byzantins…
Notons par ailleurs que les remparts constituent le cordan sanitaire qui permet d’entraver le débordement des constructions modernes à l’intérieur de la Médina. Malheureusement, ces remparts ont été en partie démolis en 1943 par les Allemands qui en utilisèrent les matériaux pour construire une piste d’atterrissage à 3 km de Kairouan-Nord.
En outre, malgré la grande épaisseur de ce monument, les constructions sont faites en brique, dont le mortier est en terre, ce qui offre une matière friable et très sensible aux intempéries et à la montée capillaire.
D’ailleurs, dans les années 1970, une partie de ces remparts s’est écroulée à Kairouan-Nord, ce qui a provoqué le décès de deux jeunes hommes.
A part cela, une partie de ces remparts déjà restaurés au niveau de la cité Ghassala s’est effondrée le 1er novembre 2018, et ce, à cause d’infiltration des eaux pour laquelle les différentes études n’ont pas pris compte. La porte d’une boutique située en face a été endommagée mais il n’y a pas eu de victimes vu que c’était les vacances scolaires.
Le drame du 16 décembre 2023…
La journée du samedi 16 décembre 2023 a été dramatique à Kairouan, car une partie des remparts sud s’est effondrée. Ce qui a provoqué le décès de trois ouvriers âgés entre 47 et 67 ans (voir La Presse du 17/12/2023) et des blessures à trois autres qui procédaient à la restauration des remparts au niveau de Sidi Siour.
Notons que cette partie a été déjà restaurée entre 1966 et 1968 avec du ciment dans les fondations de ces murailles, matière utilisée à la place de la chaux et du sable, ce qui est contraire aux techniques habituellement adaptées dans la restauration de ce genre de fortification.
Par ailleurs, le séisme qui a eu lieu à Kairouan en 2004 a endommagé beaucoup de vieilles maisons et a causé des dégâts à la partie sud des remparts.
En contactant beaucoup d’architectes et de représentants de la société civile, dont M. Adel Nagati, enseignant et journaliste, nous avons appris que ces ouvriers non qualifiés et qui n’ont aucune formation spécifique procèdent à la restauration d’une manière primitive, comme s’il s’agissait de la rénovation d’une maison. Ainsi, ils ne savent même pas que la restauration d’un monument est un travail de fourmi qui exige beaucoup d’attention, de précision et de prudence. Or, ces ouvriers non qualifiés ont vite fait leur travail sans procéder à des poches d’ouverture d’un mètre et demi, ni laisser un espace, et ouvrir une autre poche, afin que la muraille ne cède pas et reste toujours soudée à la partie interne.
Evidemment, ce n’est pas leur faute s’ils obéissent aux consignes de leur chef. Et d’après beaucoup de citoyens et de spécialistes archéologues, le fait d’accorder le marché public au moins-disant pour les entreprises en charge de la restauration des monuments est une erreur. Tout le système est à revoir, car on devrait choisir le «mieux disant» avec le contrôle permanent de spécialistes en la matière et le respect de toutes les règles de sécurité et du choix architectural de la médina. Et puis les briques utilisées sont de mauvaise qualité, s’effritent à la moindre humidité et ne ressemblent en rien aux briques traditionnelles de Tozeur, beaucoup plus solides.
Cela sans oublier que cette partie des remparts sud qui s’est effondrée est située près d’un grand affaissement de la terre, outre les nombreuses vibrations des poids lourds qui traversent toute la journée le centre-ville.
D’autres citoyens pointent du doigt l’Onas et la Sonede dont les canalisations et les fuites d’eau provoquent des dégâts à des habitations au sein de la Médina. Ainsi, par exemple, en 2012, d’importantes fuites d’eau ont provoqué des dérangements et des fissures importants au niveau de la partie Est des remparts dont un tronçon a été déstabilisé. Et l’INP a procédé à des travaux de sa restauration.
Alors que les fuites d’eau de la Sonede sont fréquentes au sein de la vieille ville, ce qui a causé des dégâts considérables au tissu urbain traditionnel ainsi que des dangers pour la population.
Cet état de fait a obligé des citoyens à démolir complètement leurs demeures, ce qui nuit évidemment à l’authenticité de la Médina. D’autres dégâts ont été constatés au niveau de quelques oratoires et mosquées de quartiers.
Notons qu’entre le 17 et le 19 décembre, et suite aux fortes précipitations, des murs se sont écroulés et une partie de la clôture du cimetière Qoraïch s’est effondrée sans faire de victimes, vu que cet incident a eu lieu à l’aube.
Ainsi, les responsables communaux ont demandé aux citoyens habitant dans de vieux logements de les restaurer et d’habiter temporairement dans des lieux sécurisés qui seront mis à leur disposition pendant la période hivernale.