Accueil A la une AFFAIRE DE LA BFT:  Chronique annoncée d’un véritable casse-tête juridico-financier

AFFAIRE DE LA BFT:  Chronique annoncée d’un véritable casse-tête juridico-financier

Dans un récent communiqué rendu public, précisément dans la soirée du samedi 23 décembre 2023, le ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières a annoncé que le «différend arbitral portant sur le dossier de la Banque franco-tunisienne a trouvé son épilogue» suite à la décision d’arbitrage international


Le même ministère s’est hasardé à conclure, hâtivement, qu’il s’agit d’une résolution «en faveur de l’Etat tunisien pour ce qui concerne les dommages et intérêts à verser». En effet, selon une première lecture simple, l’Etat tunisien devra s’acquitter d’une indemnisation d’un montant de 1.106.573 dinars, alors que la demande d’indemnisation introduite par le requérant, en l’occurrence Abci, s’élevait à environ 37 milliards de dinars tunisiens !

La Tunisie a accueilli favorablement la décision de l’arbitrage, en attendant la réaction de la partie adverse. Or, toujours selon ce communiqué, dont le texte aurait été retiré, selon certains médias, le verdict ne sera publié par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) que si les deux parties en litige acceptent le principe de la publication.

En attendant donc la confirmation définitive de ladite sentence, et même si elle consiste en une condamnation de la Tunisie, elle reste, selon les experts, favorable à notre pays qui échapperait, ainsi, à des dédommagements colossaux et au paiement de sommes faramineuses ruineuses pour le Trésor public.

Mais heureusement, on en est loin à des «milliers de kilomètres, et sans vouloir dire qu’on peut s’endormir sur nos lauriers, car la vigilance doit rester de mise pour éviter toute éventuelle mauvaise surprise, d’où un suivi strict des tractations de couloirs de dernière minute afin de préserver cet acquis Il est utile, toutefois, de connaître les multiples péripéties qui nous ont conduits jusqu’à ce stade dans ce qui ressemble à une vraie saga, voire un véritable feuilleton mexicain composé de centaines d’épisodes marqués par des rebondissements les plus inattendus, sans oublier les manœuvres tordues et les coups bas donnés par des parties censées être des amis de la Tunisie ! Qu’on en juge…

Le début de l’histoire

Le démarrage de ce feuilleton de la Banque franco-tunisienne (BFT) a eu lieu en 1981 avec sa privatisation et son rattachement à la Société tunisienne de banque (STB), principale banque publique du pays à l’époque, suite au lancement du temps du ministre de l’Economie Mansour Moalla d’une souscription pour faire passer son capital social à 5 millions de dinars. Ensuite, en novembre 1981, le holding Abci Investments, immatriculé aux îles Caïmans, un des paradis fiscaux notoires, représenté par un avocat tunisien, Abdelmajid Bouden, demande l’agrément pour s’installer en Tunisie, au ministère des Finances qui le lui accorde un certain 23 avril 1982. L’opération doit porter sur 50% des actions, représentant 53,6% des droits de vote, alors que les fonds, soit l’équivalent de 2,5 MDT, sont virés à la BCT le 27 juillet 1982. Il a fallu plus de deux ans de tractations en coulisses et d’interventions au plus haut niveau pour que l’Abci finisse par avoir ses droits reconnus. Certains parlent d’une intervention de l’ancien président Bourguiba pour débloquer l’imbroglio après d’autres interventions dont celle de feu Yasser Arafat auprès de l’ex-première Dame Wassila Bourguiba.

Toujours est-il qu’en 1986, Abdelmajid Bouden a pu, enfin, accéder à la présidence du Conseil d’administration de la BFT après que son associé, un prince saoudien, s’est retiré de l’affaire.

Faire passer les intérêts d’une société étrangère aux dépens d’une société nationale

Puis vint l’an 1987 avec la plainte déposée par la STB, appuyée par la BCT, le ministère des Finances, et le commissaire aux comptes, contre les dirigeants de la BFT pour infraction aux règlements de change en vigueur. Ayant perdu le procès, la BFT a été placée sous administration judiciaire et ses dirigeants sont évincés. Bouden est interdit de sortie du territoire.

Clé de cet épisode, on citera la décision de la Chambre des mises en accusation près la Cour d’appel de Tunis à l’époque (1989) qui a découvert que Bouden, profitant de sa double casquette de président du CA de la BFT et de représentant légal de l’Abci, aurait omis de présenter une dizaine de documents décisifs plaidant en faveur de la BFT, ce qui lui avait permis d’obtenir, dans un Une faveur qu’il obtint avec premier temps, un jugement exécutoire de la décision de la Cour d’arbitrage de Paris en sa faveur.

Ainsi, grâce à une cour de la Chambre des mises en accusation, il a été démontré que Bouden avait fait passer les intérêts d’une société étrangère aux dépens d’une société nationale, chose contraire aux principes élémentaires, profitant en cela de sa double  casquette . Co n d a m n é ensuite à six ans de prison et à 30 MDT d’amende, Bouden finit par signer en juin 1989, au nom d’Abci, un protocole de renonciation.

Une faveur qu’il obtint avec les applaudissements de l’Instance vérité et dignité

Puis, une «trêve» s’instaure jusqu’à 2011 et 2012 lorsque, profitant des cafouillages dus aux événements de l’époque, Abdelmajid Bouden est revenu à la charge aidé, en grande partie, par le ministre des Domaines de l’Etat de l’époque, Slim Ben Hamidane.

En effet, sur conseil de certains dirigeants d’Ennahdha et consorts, il présente un dossier d’amnistie, une faveur qu’il obtint avec les applaudissements de l’Instance vérité et dignité (IVD) qui a pris sa défense bec et ongles D’ailleurs, dans son rapport, cette instance présidée par Sihem Ben Sedrine se délectait à l’idée d’une «victoire de Bouden» à qui l’État tunisien devrait débourser, selon elle, des milliards de dinars.

Mais la vérité finit toujours par triompher en dépit des manœuvres de bas étage menées par les uns et les autres, sachant qu’il s’agit là d’un exemple éclatant des manigances de certaines parties qui complotent contre la souveraineté et l’intérêt nationaux, allant même jusqu’à «jubiler» à l’idée de porter préjudice à la Tunisie. Cela dit, la vigilance doit être de mise jusqu’à l’épilogue.

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