Les générations se succèdent et marquent chacune l’histoire de notre football. C’est notre mémoire collective. Ghazi Liman replonge dans ses souvenirs.
Il suffit de feuilleter l’album de l’histoire du sport le plus populaire de notre pays pour découvrir des talents qui ont donné des sensations fortes au large public sportif aussi bien au niveau local qu’en équipe nationale. Et l’ex-gardien de but du CAB, Ghazi Limam, en a fait partie. Il a débuté sa carrière à la Stir Sportive de Zarzouna, équipe divisionnaire, avec laquelle il a excellé par son sens du placement dans la cage et ses interventions exceptionnelles. Il a été vite repéré par les responsables cabistes qui lui ont fait signer une licence au profit de l’équipe « jaune et noir », alors entraînée par le mémorable yougoslave Nedoklan. Là, il s’est davantage épanoui aux côtés de Youssef Zouaoui, feu Othmane Mellouli, feu Moncef Ben Goutta, feu Ali Mahouachi, feu Mohamed Ben Jilani, Driss Haddad… puis viennent successivement Larbi Zouaoui et Mokhtar Ben Nacef qui prennent les destinées du club de la capitale du nord, saisons au cours desquelles Ghazi Limam atteint un palier supérieur puisque il rejoint Attouga en équipe nationale dirigée à cette époque par Ameur Hizem. Bien que chouchouté et apprécié de tout le monde, il a l’impression qu’il a raté son entrée en jeu contre le Brésil en match amical. «Je me souviens encore de ce match face au Brésil de Wendel, De Maria, Clodoaldo, Valdomiro, Paulo César, Rivellino, Edu… à l’issue duquel la Tunisie s’est inclinée 4 à 1. C’était en juin 1973 à El Menzah dans un stade archi-comble! Nous perdions un à zéro quand Attouga a dû quitter le terrain suite à une blessure à l’épaule ! Sa sortie n’était pas prévisible et donc inattendue. J’ai été pris de court. Je l’ai remplacé sans avoir eu le temps nécessaire d’effectuer l’échauffement nécessaire ! J’ai encaissé 3 buts sur lesquels je ne pouvais pas grand chose ! Je n’étais pas très heureux, j’étais malchanceux. Mohieddine Habiba avait sauvé l’honneur en réduisant l’écart à deux à un. C’était toutefois une expérience exceptionnelle ! », reconnaît amèrement notre interlocuteur. Pour rappel, la formation tunisienne entraînée par Ameur Hizem était là suivante : Attouga (Ghazi) – Zitouni – Gasmi – Melki – Dhouib – Bezdah – Temime ( Karoui) – Chemmam – Mohieddine- Adhouma – Chakroun.
Lors de la Coupe de Palestine qui eut lieu deux mois plus tard en Libye et remportée par l’EN, Ghazi Limam était du voyage mais il n’avait pas joué. Il s’était blessé lors du stage qui s’est déroulé à la caserne du Bardo. Une élongation l’avait contraint à rester spectateur !
Une carrière bien remplie !
Si le keeper Ghazi Limam était propulsé en équipe nationale, «C’est grâce à ses prouesses étalées avec le CAB. En effet, son sens du placement dans les bois et ses parades spectaculaires ont fait de lui un titulaire incontestable et incontesté. Très présent dans sa zone et très élégant, Ghazi — on l’appelait toujours par son prénom — est vite devenu la coqueluche du CAB pendant son temps. Et pourtant, les Mahouachi, Gasmi, Mellouli, Mokrani, Gabsi, Kharbech… ne manquaient pas de charisme. Cependant, L’ex-international cabiste regrette que cette équipe-là n’ait pas gagné de titres. «Franchement, nous constituons dans les années 70 un groupe qui méritait largement de remporter quelque chose. Nous pratiquions du beau football, assez spectaculaire, mais la chance n’était pas avec nous. La 3e place était notre meilleur classement, alors qu’en Coupe de Tunisie, nous avons atteint plusieurs fois les quarts et les demi-finales dont une en 1979 à Sfax contre le SRS que nous avons perdue 1 à 0, but de Sassi ! ’était une grande déception! Mais c’est comme ça le football… C’était une époque où il n’y avait pas de petites et grandes équipes. Et toutes regorgeaient de grands joueurs. C’était du temps justement du SRS, l’USMo, l’USMa, la JSK, le COT, le CSHL, l’ASM, le CSC, l’UST, le SSS voire la Patriote de Sousse et bien évidemment le CSS, le CA, le ST, l’EST, l’ESS, le CAB…», nous apprend Ghazi de cette période. Et de citer pèle-mêle quelques noms de joueurs qui l’ont marqué : Laâbidi, Khouini, Agrebi, Tarak, Ouada, Mohieddine, Haddad (CSC), Adhouma, Goundi, Sraïeb, Jenayeh, Marsaoui, Ben Aziza, Ghezala, Ben Mrad, Machouch, Gasmi, Mahouachi, Ghommidh, Limam Nejib, Nacer Kerrit, Chammam, Rahmouni, Sassi, Chakroun… et la liste est encore très longue !
Concernant le CAB avec lequel il a évolué de 1969 à 1980, Ghazi estime qu’il est difficile de le voir revenir au premier plan dans l’état actuel des choses, car il manque terriblement de ressources financières à comparer aux autres clubs qui sont en permanence en haut du tableau. «Avec le non-amateurisme tel qu’on le voit et on le vit dans notre football, nous ne pourrons désormais que disposer d’un championnat à deux vitesses où les mieux nantis mènent le bal. Le système de poules n’a fait qu’aggraver les choses», conclut-il. Enfin, l’ex-international du CAB, qui se trouve dans une situation délicate sur le plan matériel, dit être reconnaissant à la large famille sportive tunisienne : instances, responsables et joueurs pour leur soutien permanent à son égard.