Par Meriam BEN BOUBAKER* et Emmanuel MILLARD*
La « CSRD »(ou « Corporate Sustainability Reporting Directive » du 14 décembre 2022 dont les dispositions entrent en vigueur dès le 1er janvier 2024 pour les entreprises soumises à la Dpef) revêt une importance capitale pour les entreprises africaines. Bien que la directive soit directement applicable aux entreprises européennes, elle a des répercussions importantes sur les entreprises africaines, les obligeant à se mettre en ordre de marche pour maintenir leurs positions et relations commerciales. C’est sans aucun doute une opportunité stratégique majeure pour renforcer durabilité, réputation et accès aux marchés mondiaux.
Un impact transfrontalier sur les entreprises africaines
Dès 2024, la Csrd implique la mise en place de normes transverses et thématiques. Bien que le reporting extra-financier ne soit pas encore une obligation dans la majorité des pays africains, des initiatives et des actions de sensibilisation ont été prises dans certains pays pour encourager l’adoption d’une démarche RSE (« Responsabilité sociétale des entreprises »).
Il existe en Afrique un lien crucial entre la mise en place d’un reporting extra-financier et la préparation à la Csrd. La conformité à la Csrd exige des entreprises africaines de se familiariser avec des normes de reporting similaires à celles de la directive européenne. Il est essentiel de partager les expériences CSRD des entreprises européennes et de mettre en avant les avantages et risques associés.
Afin de préserver leurs liens commerciaux, les entreprises africaines doivent anticiper les exigences à venir pour garantir leur conformité, maintenir ou développer des partenariats stratégiques en Europe. En s’y préparant, ces entreprises amélioreront leur performance globale.
Comment les entreprises africaines doivent se préparer pour les défis imminents ?
Pour rester compétitives et maintenir des liens commerciaux essentiels avec l’Europe représentant plus du quart de leurs échanges, les entreprises africaines doivent faire évoluer leurs outils de gestion et systèmes de données pour évaluer la performance en matière environnementale, sociétale et de gouvernance.
Le manque de structures dédiées pour la collecte de données, les lacunes techniques en matière de reporting, les ressources financières limitées pour l’adoption de technologies vertes et des perceptions variées de la durabilité sont autant de contraintes.
Pour les surmonter, les solutions incluent l’instauration de partenariats stratégiques avec des entités européennes, la valorisation des bonnes pratiques, des investissements significatifs dans la formation et le développement des compétences ESG. Les entreprises africaines pourraient favoriser la création d’un écosystème local résilient, propice à la durabilité et à l’alignement réglementaire, leur permettant de se préparer activement aux demandes croissantes du marché international.
Les gouvernements africains ont un rôle à jouer
En intégrant la matrice double matérialité dans leur stratégie et en adoptant une approche proactive axée sur la mesure et la gestion de leur impact en matière de durabilité et de conformité, les entreprises africaines répondront aux exigences croissantes en matière de transparence et de responsabilité, renforçant ainsi leur crédibilité et leur attractivité européennes et internationales.
Les gouvernements africains ont un rôle déterminant à jouer en élaborant des cadres réglementaires soutenant la transition vers des pratiques durables, incluant probablement des incitations financières et des programmes de formation. Les partenariats public-privé (« PPP ») accompagner les entreprises vers le respect de la CSRD.
Bien que le reporting extra-financier ne soit pas une obligation dans la plupart des pays africains, sa mise en place volontaire pourrait servir à intégrer les entreprises africaines dans la dynamique globale. Cette démarche proactive peut stimuler leur croissance à long terme.
Avec une part de marché européenne vers l’Afrique de seulement 2,2%, l’Europe exerce une pression indirecte sur les entreprises africaines.
L’adoption de ces pratiques est plus qu’une nécessité règlementaire, c’est un vecteur potentiel de croissance et de compétitivité qui peut transformer les défis de la Csrd en avantages stratégiques et concurrentiels pour les entreprises africaines, alignant ainsi leurs opérations avec les objectifs globaux de développement durable et les exigences d’une économie mondiale attentive à la durabilité.
M.B.B.
(*) Vice-présidente Icfoa et vice-présidente Cogeref
Et
E.M.
(*) Secrétaire général Groupe Endrix, président ICFOA, vice-président Sorbonne Business School et président honoraire DFCG