“Avec le temps, on a eu une uniformisation des mosquées. Mais, à l’origine, les malékites ont repris les caractéristiques des mosquées ibadites de Djerba, c’est-à-dire très sobres, extrêmement fonctionnelles”
“Résistance et dévotion : anciens sanctuaires ibadites de Djerba” est le titre du livre réalisé par l’historienne Virginie Prevost et le photographe Axel Derriks. Dans cet unique ouvrage, les deux Belges se sont plongés dans l’histoire exceptionnelle des Ibadites de Djerba. Un voyage dans le temps où les sanctuaires de l’île ont servi de boussole, les guidant tout au long de leur exploration. C’est une étude qui s’est fondée sur un corpus de 48 lieux de culte, certains en excellent état, d’autres en ruine ou complètement rebâtis, qui sont évoqués dans les sources ibadites écrites. La présentation du livre s’est tenue mercredi 14 février à la résidence Wallonie-Bruxelles. Un événement qui, selon Mme Rajae Essefiani, déléguée générale Wallonie Bruxelles, vise à mettre en valeur le patrimoine, une question sur laquelle la délégation travaille depuis longtemps avec la Tunisie.
Un travail de longue haleine
«Résistance» décrit la lutte des Ibadites, à travers le temps, pour préserver leur identité et «dévotion» et symbolise la culture ibadite où le respect des traditions mais aussi des lieux de culte occupe une importance centrale. “Résistance fait référence à la résistance qui a marqué la longue histoire des ibadites, qui remonte vers le huitième siècle, contre tous les autres qui voulaient leur enlever leur identité. Ils ont dû se battre pour préserver leur caractère Ibadite et pour préserver aussi une certaine indépendance de l’île de Djerba. Dévotion, parce que, pour moi, c’est ce qui caractérise les ibadites, c’est-à-dire cette grande piété et cet intérêt majeur qu’ils accordent à leurs lieux de culte, au respect des traditions, des ancêtres…”, tient à expliquer l’historienne.
En effet, le livre est le fruit d’un travail qui a duré cinq ans. Ses auteurs se sont appuyés sur des sources historiques, notamment le livre de Riadh Mrabet, les anciens écrits ibadites et une série de documents photographiques qu’Axel Derriks a dénichés sur Internet et sur les pages Facebook créées par des Djerbiens passionnés.
Les différences entre les mosquées ibadites et malékites
Discrètes et sobres, les mosquées ibadites sont la quintessence de Djerba. Leur architecture est en parfaite harmonie avec l’environnement naturel de l’île. “A l’origine, à Djerba il n’y avait que les mosquées ibadites. Les malékites se sont installés en nombre important à partir du 18e siècle, et dans la majorité des cas ils ont respecté l’architecture locale. Ils ont donc construit des mosquées malékites mais qui ressemblaient à des mosquées ibadites parce que ces dernières étaient parfaites pour Djerba, pour le mode de vie des Djerbiens, pour le climat, etc. et donc ils ont respecté cette architecture”, précise Prevost. Elle poursuit : «avec le temps, on voit des différences. Souvent les mosquées malékites sont un peu plus grandes, moins sobres. Il y a plus de décoration dans la salle de prière, des minarets plus hauts, il y a plus de coupoles. Avec le temps, toutes ces différences s’estompent, parce que les ibadites construisent, de plus en plus, des mosquées qui font penser aux mosquées standards du Maghreb, un peu comme les mosquées qu’on va construire à Tunis, à Kairouan et donc avec le temps, on a eu une uniformisation des mosquées. Mais à l’origine, les malékites ont repris les caractéristiques des mosquées ibadites de Djerba, c’est-à-dire très sobres, extrêmement fonctionnelles”.
