Il ne restait plus que deux jours dimanche dernier pour que l’avenue ouvrant sur la Méditerranée accueille, l’après-midi du 24 juillet, le fameux carnaval annuel de «Baba’wessou», puis, le soir, les festivités populaires de l’anniversaire de l’avènement de la République.
Une marée humaine devant une mer infinie. Dimanche dernier, peu avant le coucher du soleil, sur la corniche de la plage mythique de Sidi Boujaâfar à Sousse. Du coude à coude ou presque. On dirait une procession de pèlerins évoluant devant un sanctuaire.
Parechoc contre parechoc, les voitures automobiles avancent péniblement. Celles tirées par les chevaux aussi, fameux carrosses décapotables, tirés chacun par deux chevaux, arborant fièrement un écriteau lumineux qui indique leur appartenance à la Perle du Sahel.
Impossible de trouver où garer sa voiture tout le long de l’avenue Ali Belhouane, qui donne sur ladite plage et sa célèbre corniche, l’une des plus belles du monde. Une remarque s’impose, l’importance du nombre de voitures algériennes. Ces dernières sont en effet omniprésentes, ce qui témoigne du charme qu’exerce la ville, fondée il y a presque 3.000 ans, sur nos frères algériens.
Quant au train touristique, assez tristounet, il faut le dire, il souffre, lui, des voitures garées en seconde position. Celles-ci l’obligent, en effet, à les contourner non sans difficulté pour pouvoir poursuivre son chemin. Ce qui entrave encore plus la fluidité de la circulation déjà très restreinte.
Un public qui grouille comme une fourmilière est en train d’admirer le rideau tomber sur cette gigantesque scène qu’est la Méditerranée. Un public hétéroclite qui renvoie à l’image d’un mouvement brownien, observé et qui devient lui-même une scène pour nous.
L’avenue Bourguiba, qui débute de Bab b’har (Porte de la mer) pour aller se jeter dans la mer, souffre elle aussi des embouteillages et surtout de toutes ces voitures garées en seconde position, dont la plupart maintiennent leur moteur en marche, ce qui a pour, entre autres, conséquences, d’aggraver la pollution de l’air.
Toujours là, l’emplacement hideux d’un immeuble démoli il y a plus de 40 ans continue d’enlaidir la belle avenue, au grand dam des riverains, des habitants de la ville et des visiteurs, et surtout des pensionnaires du luxueux hôtel, juste en face. Des encarts publicitaires géants auraient arrangé les choses.
Baba’wessou et la République en fête
Plus que deux jours, ce dimanche-là, pour que ces lieux accueillent, l’après-midi du 24 juillet, le fameux carnaval annuel de «Baba’wessou», fondé en 1958, du nom d’un personnage mythique qui représente « Aoussou », la saison des canicules puis, le soir, comme chaque année, les festivités populaires de l’anniversaire de l’avènement de la République.
Cela a pour effet de transformer les lieux en une gigantesque scène qui draine un public toujours plus nombreux et venant de tous les coins du pays. Jeunes et moins jeunes commencent à affluer dès le début de l’après-midi, trois ou quatre heures avant le défilé, pour occuper les lieux et trouver ainsi une place de choix leur permettant d’admirer le spectacle.
« Aoussou», une saison qui s’étale, chaque année du 24 juillet au 2 septembre et qui se caractérise par sa canicule et sa forte humidité dans les zones côtières. Saison au début de laquelle, il est recommandé par la sagesse populaire de plonger dans l’eau de mer à des fins thérapeutiques et de purification.
Tous les démons des mers et les créatures maléfiques, qui y vivent, déguerpissent sans discussion, au début de cette période de l’année pour laisser la place aux vertus de liquide originel, qui tout au long de la journée se laisse harponner par les dards d’Hélios (voir notre précédent numéro).
Au démarrage de ladite saison et jusqu’à la fin du mois d’août (Aoussou), Sousse devient très humide et suffocante. Elle devient aussi surpeuplée et surchargée de voitures. Et sa célèbre plage de Sidi Boujaâfar, saint patron des lieux, de devenir plus encombrée.
Il faut dire ici que contrairement à la plage dont le sable est resté soyeux et blanc, la mer, elle, est devenue depuis plusieurs années assez polluée. Il fut un temps où l’eau était limpide comme du cristal et s’y baigner était un vrai bonheur.
A cause de la nuit qui s’installe et la foule plus dense, nous n’avons pas pu examiner de plus près le problème du mur érigé par un hôtelier sur toute la largeur de la plage, qui a causé beaucoup de désagrément aux baigneurs. Problème qui a été révélé à l’opinion publique et qui a fait l’objet d’une campagne venue le dénoncer.
Profitons de l’occasion pour dire encore une fois que la corniche aurait pu être prolongée pour de longs kilomètres si les autorités n’avaient pas livré, début des années 1960, la plage aux hôtels pour qu’ils y aménagent des aires «privées ».
Une phénoménale erreur qui a défiguré les lieux et privé les gens de l’accès direct à la plage et de la vue sur mer.
Les autorités pourraient penser sérieusement remédier à ce problème et réparer ce préjudice, en prenant la décision de créer le prolongement-sud de la corniche et de récupérer ainsi le bien public. Imaginons Sousse avec une corniche qui ferait plus de sept kilomètres.
Impossible donc de trouver un emplacement pour garer la voiture. Obligés ainsi de poursuivre notre chemin dans l’espoir d’en dénicher un. Vers le nord, nous dépassons les premiers hôtels qui ont « confisqué » la mer et c’est une autre ambiance qui voit le jour.
Une ambiance sonnante et trébuchante, qui contraste bien avec la gratuité offerte par la corniche. Cafés et salons de thé luxueux se bousculent pour attirer les meilleurs clients. Ici, la lumière multicolore règne sans partage. Ici, airs rythmés, klaxons et gargouillis des chichas se bousculent pour donner aux lieux leur ambiance kermesse.
Il nous a fallu aller plus de trois kilomètres plus loin, jusqu’au rond point d’Hammam-Sousse, pour enfin dénicher un coin où l’on peut garer la voiture et espérer trouver une table face à la mer. Nous voilà devant un café aménagé sur la plage, plutôt un café- bar.
« Bienvenue, nous disposons d’un espace pour familles ». L’espace est bien différencié et isolé du reste de l’établissement. Nous entrons. Face à la brise, nous commençons à nous débarrasser du stress de tout à l’heure. Des baigneurs s’attardent dans l’eau et sur la plage.
L’espace désigné comme familial commence alors à se remplir. Et les tables aussi, mais par les boissons alcoolisées, au grand dam de cette grand-mère. Espace familial oui, puisqu’une famille de non européens a commandé de la bière pour tous ses membres y compris pour les enfants. Incroyable, mais vrai.
Par Foued ALLANI