La consistance de la dépense publique dans le financement des besoins de l’économie nationale, les déficits budgétaires cycliques et la contraction des ressources du pays sont parmi les facteurs à l’origine de la montée en cadence de la dette publique de la Tunisie au cours de ces dernières années. L’épineuse question de cette dette et sa tendance haussière retiennent toujours l’attention des économistes. Des indicateurs ont soulevé de nombreuses questions, d’autant plus que le gouvernement a eu recours à des financements directs auprès de la Banque centrale pour payer les dettes extérieures urgentes.
Lourdement affectée par la crise du Covid et les conséquences de la guerre en Ukraine, l’économie tunisienne fait désormais face à d’importantes contraintes de financement. Les comptes extérieurs ont plutôt bien résisté en 2023, mais la situation macroéconomique reste fragile.
La perspective d’un rapprochement avec le FMI apparaît de moins en moins probable, alimentant des craintes sur la capacité du gouvernement à couvrir l’intégralité de ses besoins de financements. Une crise de la dette n’est pas à écarter.
La ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, révèle qu’après avoir remboursé trois milliards de dinars (environ 960 millions de dollars américains) en février dernier, la Tunisie remboursera également une autre dette extérieure d’une valeur de 1,5 milliard de dinars (environ 480 millions de dollars américains) sous forme de prêt au cours du mois d’avril 2024.
Par ailleurs, elle a fait savoir que «les engagements financiers du pays sont de l’ordre de 25 milliards de dinars (environ huit milliards de dollars américains) en 2024. La priorité étant la stimulation de la croissance tout en préservant les investissements».
Tendance haussière
Selon les derniers chiffres, le service de la dette tunisienne passera de 20,8 milliards de dinars en 2023 à 24,7 milliards de dinars en 2024, dont 17,8 milliards en principal et plus de 6 milliards en intérêts de la dette, «un montant important», selon l’économiste Aram Belhadj, qui affirme, dans une déclaration à un média privé, que «le service de la dette représentera 14% du PIB».
Belhadj décrit la situation des finances publiques comme «continuant de se détériorer, malgré le fait que la Tunisie ait remboursé la plupart de ses dettes depuis 2023», soulignant que «la reprise doit passer par une bonne saison agricole, une saison touristique réussie, et une stabilité ou une augmentation des envois de fonds aux Tunisiens de l’étranger». L’expert a confirmé que «le remboursement de la dette au titre de l’année 2024 ne sera pas facile, mais que les plus importantes sommes interviendront en février et octobre, selon le rapport du ministère des Finances, qui indique qu’octobre 2024 sera la date du paiement des «tranches lourdes», y compris celle s’élevant à 1,7 milliard de dinars».
Selon les dernières statistiques de la Banque centrale de Tunisie (BCT), les revenus cumulés du tourisme et du travail ne représentent que 44% des services de la dette extérieure à la fin de février 2024.
En effet, les services de la dette extérieure ont connu une hausse de 160%, passant de 1,7 milliard de dinars à la fin de février 2023 à 4,6 milliards de dinars à la fin de février 2024. Cette augmentation est principalement attribuée au remboursement de l’eurobond de 850 millions d’euros (en capital) le 17 février, avec des intérêts supplémentaires de 47,8 millions d’euros, soit un total de 898 millions d’euros (l’équivalent de 3 milliards de dinars). Cela représente l’échéance la plus importante de la dette extérieure pour l’année en cours.
La prochaine échéance majeure de la dette publique extérieure sur le marché financier international est prévue pour octobre 2024. Il s’agit d’un prêt garanti par la Jica (Japan International Cooperation Agency), contracté en 2014, dont le remboursement nécessitera une enveloppe de 1 milliard de dinars, soit l’équivalent de 5 jours d’importation.
La Tunisie est tenue de rembourser, en octobre prochain, une autre émission obligataire d’un montant équivalent à un milliard de dinars, en plus d’un autre prêt, en février 2025, d’un montant d’un milliard de dollars, soit l’équivalent de 18 jours d’importation.
Le financement intérieur reste prédominant
Dans les derniers classements, l’agence tunisienne de notation «BBR» a écarté tout risque lié au non-respect par la Tunisie de ses obligations financières au cours de l’année 2024, malgré la pression continue sur les finances publiques. Selon la même source, la Tunisie devrait mobiliser, au cours de l’année 2024, des ressources financières pour financer le budget de l’ordre de 27 milliards de dinars, dont 16 milliards de dinars sous forme de dette extérieure.
Rappelons que la Tunisie a emprunté environ 1,15 milliard de dinars tunisiens en devises étrangères auprès des banques locales depuis le début de l’année 2023 dans le cadre de deux prêts syndiqués. Elle remboursera 4 milliards de dollars de dettes étrangères en 2024, soit une augmentation de 40 % par rapport à 2023, selon un rapport de Reuters. Le gouvernement prévoit que la dette publique totale atteindra environ 140 milliards de dinars tunisiens en 2024, soit environ 79,8 % du PIB, contre 127 milliards de dinars tunisiens précédemment, ajoute le rapport.
L’accord du FMI peu probable
L’aide du FMI reste conditionnée à la mise en place de réformes que l’Etat a rejetées en grande partie en raison notamment d’un coût social considéré comme trop élevé (restructuration des entreprises publiques, refonte du système de subventions). Officiellement, les discussions ne sont pas rompues et de nouvelles modalités tenant compte des préoccupations du pays permettront probablement de rapprocher les positions. Mais ce scénario apparaît peu probable.