Emigration clandestine : Incitation à l’aventure ?

Plusieurs pays européens se sont engagés à prendre en charge les rescapés parmi les migrants. De quoi chasser le spectre de l’extradition…
Maintenant, c’est officiel : des pays européens comme l’Allemagne, le Portugal, Malte et le Luxembourg se sont engagés à prendre en charge les rescapés parmi les migrants ayant rallié le Vieux continent à bord d’embarcations de fortune. L’engagement qui relevait jusqu’ici de l’utopie a été scellé, moyennant l’aménagement de quotas entre ces pays. Même l’Italie, dont les côtes sont incontestablement les plus touchées par l’émigration clandestine, y a adhéré, après avoir longtemps fermé ses ports aux migrants, dans le cadre d’un train de mesures de durcissement d’une ampleur sans précédent.

Grâce à cet accord, le rythme des drames en mer a, du coup, considérablement décru, ce qui a permis, ces jours-ci, de sauver des dizaines de personnes en détresse par interventions interposées de navires humanitaires de différentes nationalités que refoulaient jusque-là les ports des pays du Sud du bassin méditerranéen. Rappelons qu’avant la mise en exécution de cet accord, les migrants ayant évité le naufrage se faisaient entasser dans des centres de détention provisoire aux conditions de séjour invivables, avant leur extradition vers leurs pays d’origine.

Regain de tentation ?

Il va sans dire que cet accord ne peut que faire des heureux parmi les candidats à l’émigration clandestine par voie maritime, surtout que les migrants pris en charge par les pays cités ci-haut s’offriront l’occasion d’assurer leur insertion dans la société du pays d’accueil, en symbiose avec un programme d’intégration à connotation humanitaire. M. R., 30 ans de La Soukra (gouvernorat de l’Ariana), est hilare à ce sujet.

Affirmant avoir raté deux tentatives d’émigration clandestine vers l’inévitable île de Lampedusa d’où il a été chassé, puis refoulé vers Tunis, il assure que «ledit accord européen dont j’ai eu vent tout récemment me fait rire, car il constitue ni plus ni moins une incitation à l’aventure et un surplus de menaces pour les pays concernés».Et M.R. d’ajouter, en détaillant qu’«un migrant, une fois pris en charge et donc épargné par l’extradition, réussit souvent à s’évader des centres de séjour pour s’adonner alors à la criminalité (tous délits confondus), s’il n’est pas apprivoisé par les cellules terroristes qui pullulent en Europe et dont l’extraordinaire capacité de recrutement n’est plus à démontrer».

Notre interlocuteur conclut par cet autre missile : «La nouvelle, indique-t-il, a déjà fait un tabac dans nos quartiers populaires où j’ai appris que de jeunes marginaux, des repris de justice dans leur presque totalité, ont subitement retrouvé goût à l’aventure, en s’apprêtant à prendre le large vers Lampedusa.

Pourquoi? Tout simplement, parce qu’ils sont sûrs de ne pas rentrer au bercail». Le malheur des uns fait le bonheur des autres? A méditer.

L’avertissement

Les propos de M.R., par leurs révélations sensationnelles, sont évidemment graves. D’autant plus graves qu’il va falloir s’attendre à une reprise du phénomène de l’émigration clandestine le long de notre littoral où il a pourtant essuyé, ces derniers mois, tant de déboires, grâce aux coups de boutoir de nos gendarmes des eaux territoriales : l’Armée et la Garde nationale. Ces deux corps, dont on ne louera jamais assez le professionnalisme et l’efficacité, sont désormais appelés à redoubler de vigilance et de pression pour continuer de resserrer l’étau autour des futurs aventuriers de la mer, même si ces derniers sont aujourd’hui beaucoup plus tentés par une fuite à partir des côtes libyennes, il est vrai plus vulnérables et où le prix à payer pour le droit de passage est à la portée de toutes les bourses.

Mohsen ZRIBI 

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