Le Directeur général de la FAO encourage les approches novatrices et les investissements pour assurer l’accès à l’eau pour tous au Proche-Orient et en Afrique du Nord. La pénurie d’eau peut aggraver l’insécurité alimentaire, les migrations et la malnutrition dans la région.
Renforcer l’innovation, les politiques et les investissements dans le secteur de l’eau dans la région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) est fondamental pour «empêcher la pénurie d’eau de compromettre notre vision ambitieuse d’éradiquer toute forme de malnutrition, de maintenir la paix et de ne laisser personne pour compte», a déclaré aujourd’hui le Directeur général de la FAO, M. José Graziano da Silva.
Il s’est exprimé lors d’une conférence dans le cadre des Journées Terres et Eau pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, organisée par la Ligue des Etats arabes et co-organisée avec la FAO au Caire, en Egypte, du 31 mars au 4 avril. L’événement a pour objectif d’examiner les progrès accomplis dans la lutte contre la pénurie d’eau dans la région, et de favoriser l’échange de connaissances entre les pays et partenaires.
Moyens de subsistance
Lors de la conférence, Graziano da Silva a affirmé que si les conflits et les catastrophes climatiques étaient en partie responsables de l’augmentation de la faim dans la région, la pénurie d’eau mettait à mal les moyens de subsistance en milieu rural, obligeant les populations à migrer des zones rurales vers les zones urbaines.
Il a noté qu’«une personne sur trois vivant à la campagne est considérée comme pauvre en raison du manque d’eau» dans la région. Pour lutter efficacement contre les déficits en eau dans la région, M. Graziano da Silva a souligné la nécessité d’une «nouvelle génération de politiques et d’investissements». Il a également mis l’accent sur l’importance de mettre en place une coordination interministérielle entre les politiques relatives à l’eau, à l’alimentation et au commerce, ainsi que des mécanismes pour récompenser les agriculteurs qui réussissent à gérer durablement les sols et les ressources en eau.
«Il est également important de garder à l’esprit que la pénurie d’eau ne provient pas toujours du manque physique d’eau. Beaucoup de régions souffrent de pénurie d’eau en raison du manque d’investissements», a-t-il précisé.
L’agriculture, victime de la pénurie d’eau
M. José Graziano da Silva a tenu à faire remarquer que les épisodes de canicule de plus en plus fréquents et intenses, ainsi que la multiplication des catastrophes liées à l’eau, sont amenés à peser lourdement sur l’agriculture.
Par conséquent, il est très important de déployer les moyens permettant d’assurer la production alimentaire, tout en préservant les ressources en eau, grâce, par exemple, à l’utilisation de systèmes d’irrigation innovants, à des cultures et des animaux résistants aux sécheresses, et à la répartition spatiale de la production.
«L’élévation du niveau de la mer et l’accentuation de la salinité des eaux souterraines sont à prévoir. Les inondations et la salinisation croissante des ressources en eau douce pourraient affecter les principales zones productrices de la région, comme le Delta du Nil», a-t-il averti.
Progrès accomplis par les pays Mena
Graziano da Silva a félicité les pays de la région Mena pour leurs «grandes avancées dans leur long et incessant combat contre la pénurie d’eau».
«Les pays du Golfe, par exemple, sont des pionniers dans le domaine du dessalement de l’eau. L’Algérie, le Maroc, la Jordanie et la Tunisie ont déployé de grands moyens pour récupérer l’eau. L’Egypte et le Liban ont accompli des progrès considérables en matière d’irrigation goutte à goutte. D’importants progrès ont également été réalisés pour recycler les eaux usées», a-t-il dit.
Malgré tous ces progrès, le Directeur général de la FAO a toutefois encouragé les pays de la région Mena à poursuivre leurs recherches de solutions innovantes pour faire face aux défis à venir, qui sont amenés à devenir de plus en plus complexes.
Les projections montrent que la fréquence des sécheresses pourrait augmenter de 60% d’ici à la fin du siècle, par rapport aux niveaux actuels dans la région.
«En fait, aucune autre région n’a été aussi durement touchée par la désertification et la pénurie d’eau que la région Mena. Ceci s’explique notamment du fait de la gestion non durable des sols, de l’érosion des sols, des tempêtes de sable et de poussière, de la déforestation et de la dégradation rapide des terres de parcours», a souligné M. José Graziano da Silva.
Pénurie d’eau et obésité
Dans son allocution, Graziano da Silva a également souligné les effets néfastes de la pénurie d’eau sur l’obésité. «A cause de la pénurie d’eau, la région est de plus en plus tributaire des importations de produits alimentaires. Cela peut entraîner une augmentation du surpoids et de l’obésité. Les marchés mondiaux des produits alimentaires facilitent l’accès aux aliments ultra-transformés qui sont peu coûteux mais riches en calories et en énergie, en graisses, en sucre et en sel», a-t-il déploré.
«Un régime composé d’aliments frais et locaux est souvent plus coûteux qu’un régime composé d’aliments ultra-transformés et importés. Ici, dans la région Mena, la proportion d’adultes obèses est d’environ 30%, selon l’Organisation mondiale de la santé. Dans certains pays de la région, ce chiffre peut atteindre près de 40%», a-t-il précisé, soulignant la nécessité de débattre de la réglementation des échanges commerciaux de produits alimentaires, qui est responsable des importations de produits nocifs pour la santé.
Les agriculteurs font partie de la solution
Après avoir affirmé que les agriculteurs et les ménages ruraux doivent être au cœur des stratégies de lutte contre la pénurie d’eau, il a précisé: «Non seulement pour les encourager à adopter des technologies plus efficaces, mais aussi pour garantir l’accès à l’eau potable pour les ménages ruraux. Ceci est vital pour garantir la sécurité alimentaire et l’amélioration de la nutrition». Il faut réduire le gaspillage alimentaire pour préserver les ressources naturelles, en particulier l’eau douce, les sols et les terres agricoles, a déclaré M. José Graziano da Silva.
Toutes ces mesures nécessitent un travail de recherche approfondi, une infrastructure adaptée et un cadre institutionnel approprié, a-t-il noté. Graziano da Silva a ajouté que le programme régional de la FAO sur la pénurie d’eau dans la région Mena, lancé en 2013, aidait les pays à faire face à chacun de ces défis.
La FAO a publié, lors de la conférence en début de semaine, de nouvelles directives pour des projets d’investissement dans l’irrigation, permettant l’introduction de méthodes, outils et ressources innovants pour relever les défis auxquels le développement de l’irrigation doit faire face (la pénurie d’eau, la concurrence pour des ressources naturelles limitées et les conséquences du changement climatique).
Aujourd’hui, la FAO a également signé un accord avec l’Organisation arabe pour le développement agricole (Oada) afin de renforcer leur partenariat existant et de donner un nouvel élan à leurs actions conjointes en matière de: sécurité alimentaire dans les pays touchés par les conflits, d’investissements dans l’agriculture et la pêche, planification et formation à l’analyse des politiques agricoles, lutte contre les maladies animales transfrontalières, et développement de la culture du palmier dattier moyennant une méthodologie axée sur les chaînes de valeur.
Source : Food and Agriculture Organization (FAO)